Vin infusé au cannabis : bientôt sur nos tables ?
Nous avions déjà fait un parallèle entre le vin et le cannabis, notamment dans la transformation d’une production quantitative vers une production qualitative. Mais nous allons ici vous parler d’un produit pas si nouveau qui commence à sortir des caves secrètes où il est fabriqué : le vin au cannabis, à travers le portrait de Melissa Etheridge, activiste de la marijuana médicale aux Etats-Unis.
« Le cannabis et le vin existent tout deux depuis des centaines d’années » se plait-elle à dire. « Mais la notion d’une industrie du vin au cannabis est assez récente. Même l’idée de ganjapreneurs (les entrepreneurs du cannabis) est nouvelle. Nous sommes en première ligne de cette notion. »
Melissa Etheridge a laissé fuiter son plan de devenir la porte-parole d’une gamme de vin de qualité infusé au cannabis fin 2014, pendant une apparition sur la chaîne Bloomberg TV. Munchies, la branche culinaire de Vice, l’a rencontrée et a pu goûter un élixir que Melissa décrit comme délicieux et exceptionnel, avec un léger goût d’herbe qui ne change pas la structure du vin et ne domine pas le goût du raisin ».
Bien sûr, alors que vendre un produit comme ça pourrait être une première, le mélange de ces deux « drogues » très populaires ne date pas d’hier. Carl Ruck, professeur de mythologie classique à l’Université de Boston qui étudie la façon dont les substances psychoactives ont influencé le développement spirituel de l’humanité rapporte volontiers que « les vins anciens étaient toujours fortifiés, comme le « strong wine » de l’Ancien Testament », un mélange de vin et et d’opium, de datura, de belladone, de mandragore ou de lampsane (surnommé herbe aux poules)… qui incorporait parfois du cannabis, eu égard à sa grande disponibilité et aux traditions de consommation de l’époque. »
Plus récemment, ce processus est devenu un secret de polichinelle parmi les viticulteurs amateurs de cannabis, notamment dans le pays du vin américain, la Californie, où le raisin et la weed sont accessibles depuis les années 1970. Et à la lumière des récentes légalisations du cannabis aux Etats-Unis, ce n’était qu’une question de temps avant que quelqu’un franchisse le pas d’après.
« Jusqu’ici, je le faisais pour moi-même et pour en boire avec des amis », rapporte Lisa Molyneux, une productrice de vin qui s’est orientée vers l’infusion au cannabis, et qui a enrôlé Melissa Etheridge pour l’aider à répandre la bonne parole autour de cette nouvelle tendance. « Maintenant, je suis plus professionnelle dans la fabrication. Alors qu’avant j’étais juste reconnaissante que ça marche si bien, avec un goût incroyable ».
La fabrication commence par l’achat d’un jus issu de cultures bio-dynamiques en Californie du centre, juste après que les raisins soient pressés, et transportés directement vers la maison de Lisa, où elle possède des fûts de vieillissement en bois de chêne, à côté de sa propre production de cannabis, cultivé biologiquement et en extérieur, récolté, séché et préparé pour coïncider avec l’arrivée du vin.
Lisa ne dévoilera pas sa recette, mais on peut deviner d’après différentes lectures qu’il suffit de jeter 25 grammes de weed dans un fût de vin en train de fermenter, à peu près 1,5g par bouteille. Meilleurs sont les produits d’origine, et meilleur sera le vin. A partir d’ici, le vin doit vieillir comme n’importe quel vin, et attendre le bon moment pour le passer du fût aux bouteilles.
« Aussi longtemps que le vin reste dans le tonneau, le cannabis se mélange au breuvage », de six mois à deux ans selon Lisa. « Ils font leur truc ensemble. Et c’est charmant ».
Comme le cannabis n’est jamais chauffé, une extraction à froid se réalise pendant la fermentation, ce qui signifie que les composants uniques de la weed, comme le THC ou le CBD, sont transférés dans le vin sous leur forme acide (THC-A et CHD-A) et sont beaucoup moins psychoactifs que les cannabinoïdes décarboxylés qu’on peut trouver dans le cannabis que l’on fume ou que l’on mange.
« Notre vin offre donc les bénéfices des cannabinoïdes, sans l’euphorie » explique Lisa. « Tout fonctionne en harmonie ».
Melissa Etheridge ajoute que « 10 minute après la première gorgée, une certaine chaleur commence à se répandre », qui est plus confortable qu’enivrante. Dans les faits, elle espère que la douceur profonde du vin parlera aux personnes qui cherchent une certaine forme de soulagement du stress, sans pousser les choses trop loin.
« J’ai vu des gens qui buvaient une bouteille de vin à eux seuls, et qui se réveillaient le lendemain en le regrettant, ne boire qu’un seul verre de vin au cannabis » dit-elle. « Et ils se réveillent le lendemain en bien meilleur état. Ce qui pour moi est une vraie bonne médecine ».
Le penchant de Melissa pour la marijuana médicale a fait les gros titres en 2005 lorsqu’elle a rendu public son histoire personnelle, et notamment comment le cannabis l’a aidée à supporter le chimiothérapie pendant sa bataille contre un cancer du sein. Lisa est aussi une survivante du cancer, l’une des deux choses autour desquelles elles se sont reconnues.
« J’ai commencé à aller avec elle à des concerts, en espérant qu’elle s’investisse dans le mouvement du cannabis médical, et peut-être qu’elle lève des fonds », se rappelle Melissa. « Ca a été une évolution assez lente, mais nous sommes finalement devenues amies. Et je lui ai apporté une caisse de vin en cadeau. Tout le monde avait apprécié, et c’est comme ça que les choses ont commencé ».
Au début, Lisa ne faisait que du grenache (infusé avec de la Bubba Kush et de la Sour Diesel) et du Syrah (infusé avec de la Blueberry OG), et a aussi testé avec un vin blanc, le Marsanne, infusé avec un mélange d’Harlequin et de Jack Herer.
« Beaucoup de viticulteurs font ce type de vin pour eux-mêmes. La plupart n’osent pas en faire avec du vin blanc, par peur qu’il devienne vert, mais le mien finit avec une couleur magnifique de miel ambré ».
Elle a testé cette année des mélanges avec de l’Albariño et du Chardonnay, et a aussi ajouté deux Pinots Noirs à sa collection, un Tempranillo et un Cabernet. Et ne les a pas encore goûtés, ils sont encore en fûts !
« Je suis vraiment un fin gourmet, donc j’essaie vraiment de les associer avec un bon repas » dit Melissa. « Je ne pense pas que les sommeliers traditionnels pourraient faire la différence entre de la Super Silver Haze et de la Headband avant longtemps. Mais il y a un potentiel. En attendant, j’aimerais beaucoup intégrer mon vin dans des dégustations à l’aveugle sans dire aux juges qu’il y a du cannabis, pour qu’ils ne soient pas influencés en le goûtant, mais je ne peux bien sûr pas faire ça ».
D’après ce qu’on nous dit, les effets du vin au cannabis sont subtils à la première gorgée, mais plus prononcés après plusieurs, avec des arômes caractéristiques qu’on peut distinguer au nez. Si vous voulez goûter par vous-mêmes, il vous suffit d’aller en Californie et de chercher une bonne cave, ou de trouver du Mary Jane Wine.
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