Une experimentation du cannabis médical en France avant fin 2019 ?
Le Comité d’Experts sur la faisabilité et la pertinence de l’introduction du cannabis médical en France avait rendu son avis public à la suite de sa réunion du 13 décembre. L’ANSM devait ensuite étudier ses recommandations pour les accepter ou les refuser. Elle a souscrit aux recommandations du Comité et prévoit maintenant de le réunir pour discuter des modalités de mise à disposition du cannabis médical en France.
Petit pas par petit pas
L’Agence Nationale de la Santé et des Médicaments, organe affilié au ministère de la Santé, reconnait donc la pertinence de l’autorisation d’un usage thérapeutique du cannabis. La France avait déjà, en quelque sorte, reconnu cette pertinence en autorisant en 2013 certains médicaments aux cannabinoïdes à candidater pour des autorisations de mise sur le marché. Néanmoins, la réflexion porte ici sur la plante elle-même, une première pour la France qui a à côté de cela renforcé l’arsenal législatif répressif pour sa consommation récréative.
Attention à ne pas se réjouir trop vite, pour l’instant rien n’est fait : l’ANSM convient juste de la pertinence de l’usage thérapeutique du cannabis dans certains cas cliniques. Elle prépare en revanche le terrain pour une éventuelle régulation de cet usage. Il est d’ores et déjà convenu par l’ANSM que la mise à disposition du cannabis fera d’abord l’objet d’une expérimentation, sans toutefois en connaître les contours. « L’idée serait que le comité d’experts définisse les conditions générales avant l’été pour, idéalement, lancer l’expérimentation d’ici fin 2019 », a déclaré à l’AFP le directeur général de l’ANSM, Dominique Martin.
Les experts du Comité se réuniront le 30 janvier prochain et durant tout le premier semestre de 2019 pour discuter des modalités de la mise à disposition du cannabis médical. Le CSST a un rôle purement consultatif, il émettra un avis sur le type de prescripteurs, le circuit de distribution et de délivrance, les modalités d’administration et les formes pharmaceutiques, dosages et concentrations en principe actif. L’ANSM s’est déjà dite favorable à l’utilisation du cannabis médical dans les situations thérapeutiques suivantes évoquées par le CSST :
- les douleurs réfractaires aux thérapies (médicamenteuses ou non) accessibles
- certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes
- dans le cadre des soins de support en oncologie
- dans les situations palliatives
- la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques
L’expérimentation suppose que seules certaines collectivités territoriales seront amenées à mettre en oeuvre ce cadre avant qu’il soit effectif sur tout le territoire. Les résultats de l’expérimentation permettront justement d’ajuster certains aspects de la prise en charge et du suivi des patients avant la nationalisation. Le droit à l’expérimentation est inscrit dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République. L’article 37-1 évoque le droit des collectivités territoriales d’expérimenter dans le cadre de la loi, or pour l’instant la législation sur le cannabis ne l’autorise pas. En revanche, l’article 72 permet aux collectivités de s’affranchir des normes générales en dérogeant aux dispositions législatives. Il est probable que la loi ne soit modifiée que dans le cas d’une expérimentation fructueuse et que ce sera donc cette deuxième solution qui sera mise en avant. Certains territoires de France ont d’ores et déjà exprimé leur volonté de participer à de telles expérimentations autour du cannabis médical et/ou récréatif.
Les questions que l’on se pose encore
Dans une interview à l’Express, Nicolas Authier président du CSST explique que de nombreuses questions restent encore à trancher. Parmi elles, le mode d’administration du dit cannabis médical. Le Comité ne recommande pas le cannabis sous sa forme fumable car il implique des risques cardiovasculaires et pulmonaires importants. Il indique que la vaporisation sera privilégiée ainsi que les gélules, les topiques, les huiles et les infusions. Cependant, il reconnait que, dans les faits, rien n’empêche les patients de fumer leur cannabis après l’avoir acheté sous forme de fleurs. Une autre question qui se pose est celle des variétés de cannabis à prescrire en fonction notamment de leur teneur en cannabinoïdes.
Concernant l’auto-culture, le professeur indique qu’elle ne sera vraisemblablement pas autorisée « pour des raisons de contrôle de la qualité du produit, et aussi parce que cela ne pourra pas s’appliquer à tout le monde ». Il évoque le secteur chanvrier comme possible producteur de cannabis médical : « Il existe une vraie filière chanvre en France, qui est reconnue sur le plan industriel – textile, isolation, cosmétique… Cette filière serait prête à se diversifier. Les représentants du monde agricole se sont déjà positionnés, via leurs parlementaires notamment, en vue de produire du cannabis thérapeutique aux teneurs en principes actifs calibrés ».
Interrogé sur le remboursement par la sécurité sociale, il précise que la question ne relève pas du comité et n’a pas encore été discutée au sein des organismes compétents à savoir la Haute autorité de santé et l’Assurance-maladie. Et pour cause, la question ne se pose pas encore car avec tous ces facteurs additionnés (consultation du CSST, expérimentation, ajustement, travail législatif) il est peu probable que le cannabis médical soit légal avant 2020 voire plus.
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