Tunisie : Colère après une condamnation à 30 ans de prison pour un joint
Trois jeunes Tunisiens ont été condamnés à 30 ans de prison pour avoir fumé un joint. Et cette décision très sévère ne passe pas : plusieurs centaines de manifestants étaient dans les rues de Tunis, hier, pour dénoncer un « État policier ». Sur les réseaux sociaux, les Tunisiens demandent à assouplir la loi sur le cannabis voire à légaliser.
Les trois hommes ont été condamnés par le tribunal du Kef, une ville montagneuse du nord-ouest du pays, le 20 janvier. La raison : avoir fumé un joint dans un stade de football. « L’un des prévenus, le gardien du stade en question, a caché une quantité de cannabis dans les vestiaires et les trois prévenus ont consommé ces matières stupéfiantes dans cet établissement sportif », justifie le porte-parole du tribunal du Kef, joint par le journal tunisien La Presse.
Ce tribunal considère deux circonstances aggravantes : les jeunes étaient « en bande organisée » puisque trois, et « dans un lieu public », en l’occurrence un stade. La loi sur le cannabis, dite « Loi 52 » s’applique donc avec la plus grande sévérité. Mais les jeunes ont fait appel. L’affaire sera jugée à nouveau dans quelques semaines.
20 % de prisonniers pour du cannabis
La Loi 52, toujours en vigueur aujourd’hui, date de 1992. Elle remonte à l’époque de la dictature de Ben Ali, au pouvoir de 1987 à 2011. Dans les années 1990, le président autoproclamé fait passer une loi très dure envers la consommation de cannabis. La raison est politique : son frère, Habib, vient d’être arrêté pour un trafic international de drogue entre les Pays-Bas, la France et la Tunisie. Ben Ali cherche alors à prendre ses distances.
Et même si le « printemps arabe » de 2011 chasse Ben Ali du pouvoir, la Loi 52 persiste. Elle est assouplie en 2017, mais reste très sévère. Selon France 24, plus de 5 000 personnes sont en prison pour avoir consommé du cannabis. Cela représente 20 % de la population carcérale en Tunisie, note la radio RFI.
En attendant un éventuel assouplissement de la loi, un collectif est créé pour aider ces jeunes, condamnés à 30 ans de prison. Le Front de Libération du Cannabis (FLC), qui sera officiellement lancé le 26 février, leur fournira notamment une aide juridique en vue de leur jugement en appel.
« Nous travaillons en coordination avec un groupe d’avocats, mais aussi avec des personnalités publiques pour mettre fin à ces condamnations et pour libérer la consommation du cannabis en Tunisie, en présentant les différentes approches économiques, légales et sociales », détaille un membre du collectif à La Presse.
En 2019, l’avocat Kais Ben Halima avait fondé le parti politique El Warka, « La Feuille » en arabe. Son objectif : légaliser la production, la consommation et la vente du cannabis en Tunisie, « face à l’effondrement de l’économie nationale, au chômage et à la pauvreté de la jeunesse tunisienne ».
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