Cannabis en France
La France a-t-elle légalisé le Δ⁹-tetrahydrocannabinol (THC) ?
C’est un nouveau pavé dans la mare que vient de jeter Renaud Colson, professeur de Droit à l’Université de Nantes. Après avoir révélé chez nous que la France ne pouvait limiter l’action de la loi européenne sur le chanvre, légalisant de fait l’usage et la vente de fleurs CBD ou empêchant toute limitation inférieure à 0,2% du taux de THC, Renaud Colson annonce dans Libération que la France a « légalisé » le Δ⁹-tetrahydrocannabinol, plus connu sous le nom de THC, en 2007. Vraiment ?
Faille technique
Sur le papier, la faille existe bien mais deux textes s’affrontent : l’article R5132-86, qui enregistre l’exception du Δ⁹-THC, et l’arrêté du 22 février 1990 qui liste les substances classées comme stupéfiants.
L’interprétation générale était jusqu’à présent que l’article R5132-86, à visée pharmaceutique, était limité par l’arrêté de 1990, plus large. Renaud Colson avance, lui, que l’article R5132-86 « prévaut nécessairement sur l’interdiction générale qui frappe le cannabis et sa résine », et donc sur l’arrêté précédemment cité, en plus d’avoir été passé après l’arrêté de 1990, renforçant le caractère de dérogation.
Selon son raisonnement, la fleur et la résine de cannabis sont toujours interdits. Seules les cartouches de THC, ou de THC + CBD, de type Pax Era / Cookies / Venom, seraient « autorisées ». Ces dernières permettent d’ailleurs une consommation sans combustion, avec les seuls principes actifs du cannabis, et sont aujourd’hui largement plébiscités dans les Etats américains où le cannabis est légal. Mais ce serait devancer la disponibilité du cannabis en France.
Et en vrai ?
La démonstration de Renaud Colson ne demande qu’à être validée. Il en précise lui-même les limites, anticipant la réaction de l’appareil judiciaire face à « des aventuriers prêts à engager un combat judiciaire à l’issue incertaine ». Même si cette faille était utilisée en Justice, l’esprit du Droit va quand même vers une interdiction de la vente et de la consommation de THC. Ce à quoi répond Renaud Colson : « On voit mal sur quel fondement les juges pourraient sanctionner les aventureux entrepreneurs qui mettraient sur le marché les produits les plus innovants de l’industrie du cannabis, et les acheteurs qui en feraient usage. »
Une remarque qui rappellera le procès Kanavape. La Justice avait alors su trouver un fondement pour sanctionner ces « aventureux entrepreneurs », qui ont finalement permis l’ouverture d’un business de plusieurs millions d’euros en France. Aura-t-on le droit à un Kanavape II pour du THC ?
Il y a peu de chances, et cela ne change pas grand chose pour l’usager. Comme nous le rappelle Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, le Gouvernement français souhaite toujours ajouter une amende de 300€ pour usage simple en plus des peines de prison, et refuse encore l’accès au cannabis médical pour les malades.
l'enjeu aujourd'hui pour le #cannabis thérapeutique c'est d'avoir un accès simple et efficace aux médicaments à base de chanvre, voire à la plante de cannabis pour les malades qui en éprouvent le besoin.
— yann bisiou (@yannbisiou) April 23, 2018
Si les e-cigarettes au THC ont empiriquement peu de chances d’être sanctionnées et seront toujours disponibles « online », l’esprit de la loi française ne change pas avec cette faille.