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THC assassin, armes innocentes : lettre d’un pharmacien américain qui n’a rien compris
On pourrait s’étonner que quelqu’un concerné par la violence en Amérique prenne le parti des armes mais, on s’étonnera encore plus quand, à l’heure de choisir un coupable, cette personne pointe du doigt le cannabis. C’est pourtant la position de Bob Orleck, un pharmacien et avocat à la retraite également ancien assistant du procureur général du Vermont, qui a adressé récemment une lettre ouverte à un journal local.
Merci Bob de nous ouvrir les yeux
Bob ne dit pas que n’importe quoi et nous allons honorer les vérités qu’il énonce car elles sont rares et précieuses. Il dit par exemple que le cannabis d’aujourd’hui est plus fort que celui d’hier, c’est certainement vrai. Il ajoute ensuite que les concentrés peuvent atteindre 99,9% de THC, c’est un peu exagéré, mais le but est bien d’obtenir le plus haut taux de THC, c’est le sens même du mot concentré et ça il l’a compris.
Bob se charge ensuite de nous éclairer sur le statut des partisans de la légalisation qui sont, soit des toxicomanes qui cherchent à avoir accès à leur drogue sans barrière légale, soit des dangereux criminels qui veulent se faire de l’argent sur le dos des pauvres toxicomanes. Dans ce cas, deux solutions se présentent pour ces âmes damnées : « se repentir ou être arrêtées ».
Un problème conceptuel avec la notion de causation
Le problème c’est qu’ensuite il affirme que la consommation de concentrés et d’edibles peut être mortelle, ce qui est scientifiquement impossible, et qu’elle peut causer des psychoses poussant au suicide, à l’homicide ou à la violence. Ses dires semblent fondés sur une étude de 2017 qui montre en effet que la consommation quotidienne de cannabis chez les patients psychiatriques est un indicateur pertinent de futurs actes violents. Cette étude ne dit pas, en revanche, que la consommation de cannabis cause des psychoses ou qu’elle est synonyme de violence chez les patients non-psychiatriques. Il a été montré, il est vrai, que les personnes sujettes à la psychose ont plus tendance à consommer du cannabis et que le cannabis révélerait chez certains ces prédispositions. Il y a une nuance cependant entre causer et révéler mais certains grands esprits ne sont pas sensibles aux subtiles nuances de sens.
Avant de diaboliser la légalisation, en revanche, Bob aurait mieux fait de s’intéresser aux récentes études sur le lien entre légalisation et criminalité. Ces études montrent que dans les Etats où le cannabis est légal, une baisse de la criminalité a été observée et que la légalisation réduit les violences mais, sans doute, la prohibition qui nourrit le trafic international et le crime organisé est-elle une meilleure option. Enfin, il n’y a aucun lien avéré entre la consommation de cannabis et la violence à part bien sur chez les hippies, ces dangereux pacifistes qui étaient contre la guerre du Vietnam. Ce n’est certainement pas le cas de l’alcool, cette drogue légale avec laquelle Bob ne semble pas avoir de problèmes.
Mais Bob a décidé que la science ne vaut rien face à la vérité qu’il détient : « Avec tellement de variables entrant en compte dans la vie des individus, il n’y aucun moyen de jamais prouver avec certitude qu’il y a un lien de causation mais cela ne devrait pas être nécessaire, la relation est là encore et encore ». Il affirme qu’une relation statistique crédible suffit mais encore une fois où est-elle ? quelle est-elle ? Où sont les chiffres Bob?
Les innocentes armes victimes d’un amalgame
Ce passage est beaucoup trop savoureux pour ne pas être rapporté tel quel, c’est dans un élan lyrique touchant que Bob déclare : « Quand les tueurs utilisent des armes et des balles, la réaction est presque immédiate, on désigne l’arme comme le coupable mais le vrai malfaiteur, le THC, file en douce, passant inaperçu, pour aller tuer ailleurs ». Il a l’amabilité ensuite de nous demander si on a compris, compris que le cannabis concentré en THC est « le vrai assassin et les armes ses innocentes complices ». Pauvres armes détournées par le malin THC de leur but premier, qui est quoi déjà ?
En attendant, la vraie plaie de l’Amérique aux yeux de notre cher Bob c’est bien les restrictions sur le port d’arme. Sur ce point-là il n’est d’ailleurs pas au courant que les patients qui se soignent au cannabis n’ont pas accès au port d’arme mais il n’est pas au courant non plus, apparemment, que le cannabis est un médicament pour beaucoup. Enfin, il nous dresse un scénario catastrophique de la légalisation où les meurtres en masse et la violence atteignent des sommets et les entrepreneurs du cannabis se réjouissent du spectacle, presque le sang aux lèvres, pendant qu’ils s’enrichissent grassement sur le dos des pauvres gens naïfs.
Aux Etats-Unis, les Bob sont dorénavant minoritaires. En France, certains Bob (aka Jean Costentin) mettent le « piteux » rang de la France au classement PISA sur le compte du cannabis. On a les champions qu’on mérite !