Cannabis en Thaïlande
Thaïlande et usage récréatif du cannabis : vers quoi se dirige le pays ?
Nous nous en sommes rendus compte de nos propres yeux : la dépénalisation du cannabis en Thaïlande a ouvert les portes à un Far West de boutiques de cannabis, pour le meilleur et pour le pire. L’actuelle régulation fixe en effet peu de limites au commerce du cannabis : interdit aux mineurs et pas d’extraits à plus de 0,2% de THC. Pour le reste, certains quartiers de la ville comptent une boutique de weed tous les 300 mètres.
La Thaïlande va-t-elle donc réellement mettre fin à l’usage récréatif du cannabis ? Au risque de jouer sur les mots, techniquement, non. La loi actuelle a simplement dépénalisé l’usage de cannabis et autorisé sa possession et sa consommation à titre médical. L’usage récréatif n’est donc toujours pas autorisé même si, dans les faits, rien ne distingue officiellement les différents usages. Vers quoi se dirige donc la Thaïlande ?
Probablement vers une régulation « médicale ».
Aux dernières nouvelles, une version actualisée du projet de loi sur le contrôle du cannabis et du chanvre sera proposée lors de la réunion hebdomadaire du gouvernement cette semaine. Le projet de loi révisé conserve un point clé selon lequel le cannabis ne doit être utilisé qu’à des fins médicales, mais il stipulera également clairement que toute utilisation à des fins récréatives ne sera pas autorisée.
Le Ministre de la santé publique Cholnan Srikaew a précédemment déclaré que consommer du cannabis nécessiterait probablement l’autorisation d’un médecin – qui sera, selon les témoignages que nous avons récoltés sur place, probablement facile à avoir – et que le projet de loi serait très clair sur la manière d’utiliser la plante à des fins médicales et sur les parties de la plante de cannabis qui peuvent être utilisées ainsi que les quantités acceptables pour la possession.
Le gouvernement doit encore préciser ce qu’il adviendra des milliers d’entreprises qui ont vu le jour dans le vide juridique existant depuis que le cannabis a été retiré de la liste des stupéfiants contrôlés en 2022.
Le parti Bhumjaithai, qui est également membre de l’actuelle coalition gouvernementale, a déjà défendu la libéralisation du cannabis, mais son projet de loi visant à réglementer la plante n’a pas été adopté l’année dernière, alors que le gouvernement précédent était en place.
Le nouveau projet de loi prévoit que toutes les plantations de cannabis devront obtenir un permis des autorités et adopter des pratiques agricoles avancées pour garantir que les plantes seront de qualité médicale. Il est peu probable que les plantations à domicile, telles que défendues par Bhumjaithai, se poursuivent.
Entre-temps, de nombreux dispensaires qui vendent des produits à base de cannabis à des fins médicales et récréatives attendent avec impatience de savoir ce qu’il adviendra de leur avenir. On estime à plus de 7 000 le nombre de magasins de cannabis dans le pays.
Pourquoi ce changement ?
Outre le déferlement d’entreprises et une croissance tout azimut de l’industrie locale, de nombreuses parties prenantes se sont interrogées des conséquences de l’absence de régulation sur la sécurité et la santé publiques. Et il est vrai qu’aujourd’hui les produits mis sur le marché ne sont pas testés, proviennent pour une part non négligeables « d’imports » et sont vendus aussi librement que des cigarettes électroniques qui, elles, sont complètement interdites en Thaïlande.
La nécessité d’une régulation pour encadrer l’industrie peut donc facilement se comprendre. Un enjeu non moins important est l’image renvoyée par le Royaume aux pays alentours encore fièrement prohibitionnistes. Si l’usage médical ne leur pose pas de problèmes, l’usage récréatif est encore très loin de leurs champs des possibles. Il s’agit donc aussi pour la Thaïlande d’apaiser ses relations avec ses voisins avec une régulation « médicale ».
De même que la prostitution est interdite depuis 1960 ans en Thaïlande, l’usage du cannabis pourra donc tout aussi bien rester « médical ».