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Saint-Ouen : bilan de la réunion publique sur la légalisation du cannabis

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Saint-Ouen accueillait mercredi soir une réunion publique sur le thème « Légalisation, interdiction, dépénalisation, sanction ? On dit quoi ? on fait quoi ? ». La soirée-débat, hébergée dans une ville souvent considérée comme le « supermarché » du cannabis parisien et régulièrement frappée par des règlements de compte, a notamment vu Bruno Le Roux, député de la circonscription, et Daniel Vaillant, son voisin du 18ème, prendre la parole sur ce sujet toujours très polémique en France. Que peut-on en retenir ?

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Les intervenants

Bruno Le Roux, premier à prendre la parole, a commencé par dire qu’il n’y avait pas un débat, mais plusieurs :

  • un débat autour de l’appareil étatique, avec sa mission de lutte contre la drogue et les moyens qu’il y met, mais aussi l’âge de la législation
  • un autour de l’ordre public : les conséquences de l’interdiction, et une tolérance inégale de la consommation en fonction des catégories sociales
  • les finances publiques : la vente est aujourd’hui une activité non-soumise à l’impôt en raison de la prohibition du cannabis
  • la santé publique

Le commerce autrefois local du cannabis à Saint-Ouen est aujourd’hui devenu un commerce global. Bruno Le Roux blague en disant que les consommateurs de Paris devraient pouvoir acheter à Paris. Saint-Ouen est en effet devenu un « supermarché du cannabis », longtemps connu pour la qualité de ses produits. Autrefois, le commerce de drogue était synonyme de tranquillité pour les quartiers. Aujourd’hui, il rime plutôt avec danger, pour les consommateurs, les vendeurs et pour le voisinage des trafics.

Karim Bouamrane, Secrétaire National au Parti Socialiste, a lui rappelé la volonté de débattre sans clivage et sans agenda politique.

Daniel Vaillant, dont nous avions fait le portrait dans notre article « 6 Français en faveur de la légalisation du cannabis » y est allé cash. « J’ai changé ». 15 ans auparavant, Mr Vaillant appliquait la répression sans se poser de questions sur comment la France en est arrivée là.

Sa réflexion commence en 2003, lorsque Sarkozy et Raffarin proposent la contraventionnalisation. Cette proposition de punir les clients par des amendes, sur les lieux d’achat principalement était synonyme de discrimination pour les quartiers, alors que les consommateurs des « beaux quartiers » auraient pu continuer à consommer sans se soucier plus que cela des éventuelles conséquences légales.

Mr Vaillant étudie alors les solutions potentielles. Il refuse la dépénalisation qui ne règle pas les problèmes de production et d’importation de cannabis. Pourquoi ne pas faire comme l’alcool ? La légalisation permettrait de :

  • contrôler l’importation et la production de cannabis, en luttant plus fortement contre les trafiquants
  • prendre en charge les conduites dangereuses ou à risque
  • faire de la prévention avec des politiques d’éducation en milieux scolaire et professionnel

Il propose aussi, outre un débat au niveau national, une prise de parole européenne sur le sujet. L’Allemagne se lance dans le cannabis médical. La Suisse aussi. Et le France n’avance pas.

Il n’a en revanche pas de certitude sur l’avenir des actuelles dealers le jour où le cannabis est légalisé, mais se sent coupable par rapport au statu quo du sujet.

Philippe Batel, médecin addictologue, débute son intervention en évoquant la difficulté d’évaluer la dangerosité d’une drogue, mais aussi le fossé entre la connaissance des usages et la réalité. Depuis 20 ans, les politiques publiques sur les drogues n’ont eu que peu de résultats. La France a laissé se développer une population de toxicomane depuis les années 70 sans politique réelle de réduction des risques.

Les Français et les associations ont rattrapé cette situation. Mr Batel fait appel à la capacité des Français pour faire changer la législation. Il insiste également sur la méconnaissance des parlementaires sur le sujet.

Questions du public

L’audience pouvait ensuite poser des questions. Face à la multiplicité des questions et des prises de paroles, les intervenants n’ont pas vraiment eu le temps de répondre aux questions. Nous vous livrons donc ici les questions qui nous ont paru les plus pertinentes :

  • La dépénalisation peut-elle être un marchepied vers la légalisation ?
  • Quelles opportunités économiques pour l’Etat, avec d’une part l’industrie du chanvre pour la construction, le textile, l’automobile, etc… et d’autre part le dispositif de commercialisation qui peut être mis en place ?
  • Comment les citoyens peuvent faire avancer l’agenda politique sur le sujet ?
  • Quel accompagnement de l’industrie parallèle lors de la légalisation ?
  • Le cannabis est-il la cause du décrochage scolaire des 30 000 jeunes déscolarisés au lycée ? Avec un lien avec les dépistages salivaires au collège et au lycée
  • Comment changer l’aspect culturel « cool » du joint ? En comparaison avec la dangerosité d’une piqûre
  • L’Etat est responsable du développement des trafics dans les quartiers. Pourquoi ne pas lancer un grand « Plan Marshall » des banlieues ?
  • Pourquoi ne pas expérimenter la légalisation du cannabis sur le territoire de Saint-Ouen ?
  • Comment assurer la traçabilité du produit ?
  • Haschisch ou weed : quel est le meilleur produit pour lutter contre le cholestérol ? > c’était manifestement une blague, mais la question mérite d’être posée 🙂

Bilan

Que retirer de ces deux heures de débat ?

1/ la population de Saint-Ouen est excédée par les trafics. Le défilé d’acheteurs et les arrestations en continu minent la tranquillité de la ville. Les règlements de compte ont également choqué la plupart des personnes présentes.

2/ même si le volume est faible, on commence à entendre des politiques se prononcer en faveur d’un changement de loi. Pas de grande annonce au JT de 20h, mais l’ensemble des intervenants présents est pour la légalisation du cannabis en France, seul moyen de diminuer sa consommation, de lutter contre les trafics et de faire une vraie prévention.

3/ le sujet du cannabis est largement inconnu. Au-delà des expériences personnelles des personnes ayant posé des questions (ou des recherches Google), on a pu se rendre compte de l’ignorance globale sur le cannabis. Seuls Farid Ghehiouèche, qui représentait Chanvre & Libertés – NORML France en compagnie du Dr Olivier Bertrand, et Kshoo du CIRC, semblaient réellement maîtriser le sujet de bout en bout.

4/ malgré les volontés de Mrs Le Roux et Vaillant, le débat politique est coincé, notamment par les échéances électorales. Dommage de n’avoir pas eu de réponse de ces messieurs sur les moyens qu’ont les citoyens pour bousculer l’agenda politique.

5/ l’intérêt des citoyens sur le sujet. Même s’il est peu abordé dans son ensemble, les gens ont soif d’informations, que ce soit sur les dangers du cannabis ou sur les opportunités économiques et médicales.

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