Cannabis au Royaume-Uni
Royaume-Uni : un rapport s’oppose au financement du cannabis médical par le NHS
Au Royaume-Uni, le cannabis médical a été légalisé l’année dernière, après que les parents d’Alfie Dingley et de Billy Caldwell, tous deux atteints d’épilepsie résistante aux traitements, aient publiquement défié les autorités en important illégalement de l’huile de cannabis dans le pays. Depuis, la légalisation est théoriquement effective, mais les régulations et la difficulté à accéder aux médicaments ne permettent pas aux patients de se procurer leur traitement, ou alors à des coûts prohibitifs. Les organes de Santé britannique avaient donc commandé des rapports pour permettre la mise en place d’un système de distribution de cannabis médical efficace. Cependant, alors que le système de santé public (NHS) a publié un rapport cette semaine présentant une série de mesures visant à éliminer les obstacles à la prescription appropriée de cannabis médical, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), a édité un rapport contradictoire.
Médecins et familles contre le rapport
Le National Institute for Health and Care Excellence est en charge de décider quels produits de santé peuvent être financés par le NHS. Leur rapport a jugé que « le comité n’a pas été en mesure de recommander l’utilisation de médicaments à base de cannabis pour le traitement de l’épilepsie sévère résistante aux traitements, faute de preuves claires de l’efficacité de ces traitements ». Cela a, d’une part, scandalisé les médecins, puisque même s’il reste du chemin à parcourir, les recherches prouvant l’efficacité du cannabis médical existent, et d’autre part, les associations de patients, qui ont vu leur qualité de vie grandement améliorée depuis qu’ils sont traités avec du cannabis médical.
Dani Gordon, médecin canadien qui se spécialise maintenant dans le cannabis au Royaume-Uni, a déclaré que le rapport est « très décevant, car il ne reflète pas ce que nous voyons pour le traitement médical des patients souffrant de douleurs chroniques. Il ne reconnaît pas non plus qu’il s’agit d’un traitement qui améliore la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques graves et incurables ». Hannah Deacon, dont le fils Alfie Dingley est l’un des rares patients à avoir reçu une ordonnance du NHS, s’est dite extrêmement déçue également de la décision prise par le NICE. « Des centaines de milliers de personnes utilisent des médicaments à base de cannabis dans le monde et cela a un impact extrêmement positif sur leur santé », a-t-elle déclaré. « De nombreux pays ont légalisé les industries du cannabis à des fins médicales – l’Amérique, le Canada et les autres pays du G7 – et constatent que les preuves sont suffisantes. Le Royaume-Uni insiste pour réinventer la roue sans raison et les personnes qui souffrent sont des patients ».
Cette colère est également partagée par les patients souffrants de sclérose en plaque, puisque le NICE a rejeté le Sativex, un médicament à base de cannabis, au motif que le prix était trop élevé. Le rapport indique que le médicament n’était pas rentable pour le NHS et que des alternatives devraient être utilisées à la place. La Société nationale de la sclérose en plaques a déclaré être amèrement déçue. « Le refus du NICE de recommander du cannabis pour soulager les douleurs musculaires et les spasmes musculaires, ou de financer le Sativex par le NHS, signifie que des milliers de personnes atteintes de SEP continueront à se voir refuser un traitement efficace », a déclaré Genevieve Edwards, directrice des affaires extérieures de la société.
Le cannabis médical est en effet très cher. Les parents de Murray Gray, qui est devenu fin juillet 2019 le premier patient écossais à obtenir une ordonnance pour pouvoir prendre du cannabis médical, paient actuellement £1500 par mois pour se procurer le traitement de leur fils. Ils arrivent pour l’instant à réunir ces sommes grâce à des dons de particuliers, mais Karen Gray espérait que le NHS puisse prendre en charge les médicaments de son enfant. Le rapport de NICE sonne pourtant le glas sur cet espoir.
Le National Institute for Health and Care Excellence recommande la mise en place de deux essais cliniques. Le Dr Keith Ridge a déclaré : « Nous avons entendu haut et fort les inquiétudes et la frustration des familles des enfants, mais ces recommandations ont pour objectif de nous aider à développer la base de données permettant de comprendre la sécurité de ces produits, et de garantir une éducation et des conseils spécialisés pour aider les cliniciens du Royaume-Uni ».