Marc Emery : le premier #MeToo du monde du cannabis
Marc Emery, le « Prince of Pot » canadien, a su se forger une notoriété internationale chez les défenseurs de la légalisation. Mais récemment, des témoignages troublants d’anciens employés et de personnes l’ayant côtoyé viennent jeter une ombre au tableau. Ces témoignages, assez nombreux pour être pris au sérieux, dressent collectivement le portrait d’un prédateur sexuel qui a profité de sa position de pouvoir en tant qu’employeur et de sa célébrité en tant qu’activiste pour profiter de la naïveté de jeunes filles et se comporter avec elles de manière inappropriée physiquement et verbalement.
Un environnement de travail malsain
Les témoignages rapportent qu’Emery se comportait de façon très tactile avec ses employées, en général des adolescentes âgées de 19 voire moins. Mains baladeuses, bisous, étreintes, autant d’attentions dont certaines se sont d’abord enorgueillies ou ont considéré comme inoffensives avant de remarquer, avec du recul, leur caractère complètement inapproprié. Dans un commentaire Facebook en réponse à ces allégations Marc Emery déclare : « Je suis un gars tactile probablement mais j’aime à penser que c’était toujours modéré et non sexuel ».
Il n’y a pas que ses gestes qui lui sont reprochés mais également ses commentaires déplacés sur le physique de ses employées ou sur sa vie sexuelle débridée. Certaines témoignent du fait qu’il ait signifié son intention d’engager des rapports sexuels avec elles et qu’elles devaient subir quotidiennement le récit de ses ébats et de ses fantasmes. Marc Emery admet lui-même qu’il a eu « d’occasionnelles mais contrariantes élancées de remarques sexuelles, insinuations et histoires choquantes qu’il disait à haute voix de façon malavisée ».
Selon Devyn Stackhouse, un ancien employé : « c’était un environnement de travail malaisant et sexualisé. Marc se sentait le droit de faire des étreintes persistantes, de mettre des mains sur l’épaule ou de toucher sans permission. En ce qui me concerne, ce n’était pas un environnement de travail sain ». De son côté, Marc Emery a répondu sur Facebook « J’aime à penser que j’ai pris soin de chacun de mes employés et de chaque femme que j’ai connue, de n’importe quel âge, d’une façon admirable et honorable. Je dis des choses scandaleuses mais je crois sincèrement que je n’ai jamais blessé ou harcelé sexuellement qui que ce soit dans ma vie ».
Un goût pour les jeunes filles
Ce qui dérange probablement le plus dans ces témoignages est le goût affiché de Marc Emery pour les jeunes filles et ses pratiques prédatrices. Le mode opératoire, toujours le même, consiste à entamer des correspondances en ligne via le forum du magazine Cannabis Culture avec des jeunes filles de 16, 17, 18 ans. Fort de sa célébrité et de son statut de martyr de la légalisation, Emery est accusé d’avoir profité de l’admiration qu’il suscitait chez ces jeunes filles pour les attirer dans son orbite.
« C’est un leader et il est doué pour rallier les gens autour de lui » explique Heather Bryant, une des témoins. « On croyait qu’on était amis. Qu’on allait se battre pour la cause du cannabis ensemble ». La journaliste Deidre Olsen raconte également avoir été flattée de l’intérêt qu’il lui portait : « Je pensais « Oh mon Dieu, cette personne cool me parle. Il était vraiment charmant et charismatique ». Elle avait alors 17 ans et lui 50. Dans leurs conversations, elle rapporte qu’il signait « Bisous & Caresses », « Ton Prince ».
Vice News rapporte même qu’il tenait des fêtes appelées des « lotion parties » où il incitait des jeunes filles mineures à prendre de la drogue dure (DMT, Ectasy) puis à se masser entre elles, à s’asseoir sur lui, à tirer sur un bong placé entre ses jambes et à partager des détails intimes de leur vie sexuelle. Marc Emery a nié de son côté avoir jamais tenu de « lotion party ». Selon Anthony Olive, un ancien employé, « il profitait de gens qui étaient trop jeunes pour prendre des décisions par eux-mêmes et être critiques ». Melinda Adams, une ancienne employée explique qu’elle acceptait le comportement d’Emery comme faisant partie de la culture de l’industrie underground du cannabis mais qu’avec le recul, est profondément troublée par celui-ci.
Abus de pouvoir et chantage
Dans plusieurs des cas décrits, Emery instillait également un sentiment de redevance chez les adolescentes qu’il faisait venir à lui en bus ou en avion et à qui il offrait du travail et un hébergement. Le cas de Melinda Adams est un parfait exemple de cette situation. Alors âgée de 17 ans et vivant une situation compliquée, elle déménage à Vancouver où elle est hébergée et employée par Emery. Celui-ci se présente alors comme son sauveur et lui répète sans cesse « qu’elle devrait être reconnaissante pour ce qu’il a fait pour elle et qu’il lui a sauvait la vie ».
Emery est également accusé d’avoir abusé de son pouvoir en tant qu’employeur en menaçant ses employées de licenciement : « il fallait supporter ses avances pour rester dans ses bonnes grâces » explique une source anonyme. « Il rappelait sans cesse à ses employées qu’il pouvait toujours les remplacer par d’autres « plus jeunes, plus sexy et plus complaisantes » ». Ajia Moon, une ancienne employée raconte d’ailleurs à VICE News qu’Emery l’a virée parce qu’il la jugeait « trop vieille ». Mélinda Adams l’a alors remplacé et celle-ci se rappelle avoir été touchée de façon inappropriée, n’avoir pas été payée à temps et avoir été maltraitée et rabaissée verbalement.
Post-légalisation et post MeToo
C’est le Huffington Post canadien qui a rapporté le premier ces allégations. Vice News a ensuite mené l’enquête et corroboré certains témoignages. Les faits datent des années 2000 et 2010 mais les victimes expliquent qu’elles n’ont pas osé parler du fait de la célébrité de Marc Emery et de la prohibition du cannabis. Aujourd’hui, après le mouvement #MeToo et la légalisation du cannabis au Canada, les langues se délient. Sur son compte Twitter, la journaliste Deidre Olsen recense ces témoignages. Un compte intitulé Marc Emery : la vérité éclate est également apparu sur Facebook.
Selon Deidre Olsen « l’histoire de Cannabis Culture est celle d’un Old Boys Club où des hommes d’âge moyen travaillent au côté d’adolescentes vulnérables et de jeunes hommes et regardent Marc Emery les traquer, les harceler, les agresser et les exploiter ». « C’est un secret de polichinelle le fait qu’il soit un sale type et qu’il ait traumatisé beaucoup de femmes en les poussant à se murer dans le silence. Il a utilisé son entreprise et sa position de pouvoir pour s’assurer de ça ».
Lisa Campbell qui faisait des podcast pour Pot TV explique que le forum et les couvertures du magazine étaient souvent remplis « de diatribes sexistes qui promouvaient une masculinité toxique et des femmes sexualisées pour faire le marketing de la légalisation ». Cette imagerie n’a plus sa place dans la communauté cannabique selon ces femmes. « Maintenant que le cannabis est légal on regarde en arrière et on se dit « oui il a contribué » mais ce n’est pas quelqu’un qu’on veut garder dans le mouvement » explique Olsen.
Quel avenir pour l’empire Emery ?
Marc Emery a fait son commerce du cannabis au travers de son magazine et de sa chaîne de dispensaires. Véritable institution du milieu activiste il y a quelques années, on assiste aujourd’hui à la décadence de son empire : les trois derniers dispensaires de la chaîne vont bientôt fermer suite à une décision de la Cour Suprême et les discours de Marc Emery à plusieurs conférences internationales ont été annulés suite aux accusations mentionnées ci-dessus.
Et puisque Marc Emery ne serait pas ce qu’il est sans Jodie, il en a profité pour révéler qu’ils étaient séparés depuis 1 an et demi. Jodie gérait déjà Cannabis Culture depuis que Marc est allé en prison aux Etats-Unis, et continuera à le faire.
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