Un nouveau dispositif pour détecter la conduite sous influence du cannabis ?
La présence de THC dans la salive d’un conducteur n’implique pas forcément une conduite sous son emprise, le THC étant détectable dans la salive plusieurs jours après une consommation, et donc bien longtemps après que ses effets aient disparus.
En France, un test est positif à partir de 0,1ng de THC / mL de sang, l’équivalent d’une dose infime. Pour éviter les faux positifs, le Canada, où le cannabis est légal, a par exemple relevé le seuil de détection à 0,5 ng de THC par millilitre de sang. La hausse du seuil ne résout toutefois pas le problème, alors que l’inefficacité du contrôle par la salive ou le sang est largement décriée, même dans des études françaises.
Des chercheurs de Boston affirment toutefois avoir mis au point une nouvelle technique non invasive de détection de l’état d’euphorie dû au cannabis, qui permet de faire la différence entre les personnes dont les facultés sont réellement affaiblies par le cannabis et celles qui en ont simplement consommé récemment.
Les chercheurs du Massachusetts General Hospital (MGH) ont écarté les anciennes méthodes qui tentent de déduire la déficience fonctionnelle à partir de la quantité de THC dans le sang ou la salive d’une personne, au profit d’une approche plus directe : l’imagerie lumineuse qui permet d’observer le cerveau lui-même.
Bien qu’il soit nécessaire de poursuivre le développement et la validation de cette technologie, l’équipe à l’origine de ces travaux espère qu’elle pourrait déboucher sur un dispositif routier qui permettrait à la police de sanctionner les conducteurs dans l’incapacité de conduire sans préjudicier les consommateurs de cannabis respectueux de la loi et les patients sous traitement médical qui ont du THC dans leur organisme mais ne sont pas en état d’ébriété.
To be stoned, or not to be, that is the question
Dans leur étude, publiée en janvier dans la revue Neuropsychopharmacology, les chercheurs du MGH ont d’abord mesuré les niveaux d’hémoglobine oxygénée dans le cerveau de 169 volontaires sobres en utilisant la spectroscopie fonctionnelle dans le proche infrarouge, ou fNIRS.
Contrairement aux appareils d’IRM classiques, la spectroscopie fNIRS mesure la réflexion des photons par des ampoules LED de faible puissance montées sur une calotte et projetées dans le crâne. Une technologie similaire est déjà largement utilisée dans les smartwatches et autres gadgets de fitness pour mesurer la fréquence cardiaque et l’oxygénation du sang des utilisateurs.
Après avoir donné à certains de leurs volontaires des capsules de THC et à d’autres un placebo, l’équipe du MGH a classé chaque personne comme étant en état d’ébriété ou non en se basant sur les déclarations des sujets de l’étude et sur le consensus de plusieurs cliniciens qui ne savaient pas quels sujets avaient mangé le « vrai » produit comestible et qui avaient fait des observations approfondies de leur comportement avant et après.
Les chercheurs ont ensuite procédé à une deuxième série de scanners cérébraux et ont constaté que les personnes classées comme ayant des facultés affaiblies présentaient des niveaux d’hémoglobine oxygénée nettement plus élevés que les sujets qui avaient mangé le placebo ou qui n’avaient pas été trop stimulés par le produit comestible infusé au THC.
« Essentiellement, le cerveau [affaibli] devient plus actif, mais moins efficace dans son traitement, de sorte que le corps lui donne la priorité et lui envoie plus d’oxygène », a déclaré le Dr A. Eden Evins, qui dirige le MGH Center for Addiction Medicine et qui a aidé à superviser la recherche.
Ensuite, les scientifiques ont formé un algorithme informatique pour repérer les différences d’hémoglobine oxygénée entre les personnes jugées à haut risque et celles qui ne l’étaient pas. Par la suite, en analysant uniquement les scans « après », le logiciel n’a donné de faux positifs que chez 10 % des sujets et a déterminé correctement qui était en état d’ébriété dans 76 % des cas, ce qui représente une amélioration significative par rapport aux techniques existantes et un chiffre que les chercheurs pensent pouvoir augmenter de façon substantielle en le perfectionnant.
Le système a par ailleurs rarement indiqué une déficience chez les sujets qui avaient consommé des edibles au THC, mais qui n’étaient pas considérés comme fonctionnellement déficients. Cela le place loin devant les anciennes méthodes qui désignent automatiquement toute personne ayant un niveau suffisamment élevé de métabolites du cannabis dans son système comme étant déficiente, indépendamment de son fonctionnement réel.
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