Cannabis au Mexique
Mexique : la légalisation du cannabis récréatif repoussée à avril 2020
Cet article a été modifié suite au jugement de la Cour Suprême datant du 1er novembre.
Suite au report du vote du Sénat sur la légalisation du cannabis récréatif, la Cour Suprême mexicaine vient d’accorder un délai supplémentaire de six mois. Les institutions mexicaines ont désormais jusqu’au 30 avril 2020 pour légiférer sur la question.
Un processus long et laborieux
Il y a un an de cela, la Cour Suprême mexicaine déclarait l’inconstitutionnalité des articles 235, 237, 245, 247 et 248 de la Loi Générale sur la Santé qui prohibaient la possession et la consommation de cannabis pour un usage personnel et récréatif. Elle avait cependant accordé au gouvernement un délai pour légiférer sur ce nouveau vide juridique et mettre en place un marché régulé. La dernière échéance était établie au 23 octobre.
Le 18 octobre, les comités de la Justice et de la Santé du Sénat ont présenté une proposition finale. Le Sénat a ensuite bénéficié d’une extension d’une semaine pour pouvoir réviser correctement le texte mais le vote, prévu le 28 octobre, n’a finalement pas eu lieu. « Concernant le cannabis, nous n’arrivons pas à former un consensus », a signalé Ricardo Monreal, président du Conseil de Coordination Politique du Sénat.
Selon Ricardo Monreal, les désaccords seraient dus aux pressions extérieures que subissent les sénateurs: « La quantité de lobbies qui entourent ce projet est impressionnante ». Il veut éviter que la légalisation ne soit confisquée par des influences étrangères : « La conséquence la plus grave serait que cela tourne à la simulation et qu’on ne modifie pas les points urgents à modifier. Une autre préoccupation est que les lobbies des entreprises multinationales imposent une loi à leur avantage ».
Protéger la légalisation des influences étrangères
En effet, la loi actuellement discutée n’est pas pour plaire aux grandes multinationales étrangères du cannabis. Elle restreint de manière importante leur accès au marché mexicain estimé à 2 milliards de dollars et 1,4 millions de consommateurs potentiels. Elle interdit par exemple les structures verticalement intégrées et limite à 20% la part du capital – en termes de licences commerciales et scientifiques – détenue par des entités étrangères.
Les agents de la légalisation mexicaine ont voulu mettre l’accent sur la justice sociale. La proposition de loi prévoit ainsi un accès préférentiel aux licences pour les communautés rurales mexicaines longtemps affectées par la prohibition. « L’idée n’est pas de refuser l’argent parce qu’il vient d’investisseurs étrangers. Ce que nous refusons est qu’une industrie étrangère profite de la main d’oeuvre à bas coût et des terres mexicaines mais emporte les bénéfices en dehors du territoire », explique Zara Snapp, cofondatrice de l’Institut RIA, à El Pais.
C’est justement « pour lutter contre un quelconque intérêt externe ou étranger au pouvoir législatif » que le vote a été repoussé selon Ricardo Monreal. Il a également annoncé que le Conseil de Coordination Politique du Sénat allait accompagner le travail des comités de la Santé et de la Justice : « Nous allons agir avec beaucoup de sérieux car nous ne voulons pas que la proposition de loi soit soumise à des pressions ni altérée par des intérêts privés ».
Cependant, certains comme Lisa Sanchez, directrice de l’association Mexique uni contre la Délinquance, ne voient pas l’intérêt de cette stratégie. « Le Sénat mexicain ne cédera pas devant les pressions externes et c’est pourquoi il repousse la régulation du cannabis. Ne serait-il pas beaucoup plus efficace de réguler sur la base de l’intérêt national pour en finir avec ces pressions? », écrit-elle sur Twitter.
Que el @senadomexicano no va a ceder ante presiones externas y por eso pospondrá la regulación de la marihuana. ¿No sería mucho más efectivo regular sobre la base del interés nacional para terminar con dicha presión? ¿O es mucho el negocio p quien elaboró el dictamen Menchaca?
— Lisa Sánchez (@lismarybaby) October 30, 2019
Une nouvelle extension
La Cour Suprême s’est réunie le 1er novembre, date d’expiration du précédent délai. Elle avait alors le choix entre publier une déclaration d’inconstitutionnalité générale ou accorder un nouveau délai. La première option aurait invalidé les articles concernés, malgré l’absence de régulations, autorisant de fait l’auto-culture et la consommation du cannabis mais pas son commerce.
Selon le Journal Excelsior, six juges sur onze s’étaient prononcés pour cette première option. Le texte devait cependant être voté par au moins huit juges pour être approuvé. Finalement, la cour s’est prononcée pour une nouvelle extension « exceptionnelle et non renouvelable » du délai en citant la complexité du travail législatif qui entoure la question de la légalisation.
Concernant le vote du Sénat, selon le journal La Jornada, il serait reporté aux premières semaines de novembre. Cependant, il est probable que, compte tenu du nouveau délai, il soit de nouveau reporté. Parallèlement, l’idée de légaliser l’ensemble des drogues est discutée par certains acteurs qui veulent en finir définitivement avec le trafic illicite des cartels.