Le lancement controversé de la marque de cannabis Bob Marley
Marley Natural, une start-up du cannabis new-yorkaise financée par des fonds issus de la Silicon Valley, commercialise dans les dispensaires californiens depuis vendredi dernier 4 variétés de cannabis aux couleurs de l’icône du reggae et anticapitaliste Bob Marley. Les produits Bob Marley devraient rapidement être accessibles dans les autres Etats américains où le cannabis est dépénalisé, et partout sur le territoire pour les produits de beauté au chanvre et autres accessoires pour fumeurs,
Marley Natural, financé par Privateer Holdings, un fond d’investissement privé de Seattle, avait annoncé dès 2014 l’accord avec la famille Marley de pouvoir utiliser l’image de Bob pendant 30 ans, sur des produits au cannabis. Privateer a réalisé une levée de fonds de 75 millions de dollars, avec quelques investisseurs prestigieux comme Peter Thiel, un des premiers backers de Facebook. Markey Natural se positionne comme une « marque de cannabis globale » qui incarne les valeurs de la star Rastafari, mais la start-up a déjà suscité de nombreuses critiques, notamment de profiter de la culture jamaïcaine sans pour autant aider l’île.
La marque de cannabis a annoncé 4 variétés de beuh et d’huile (la Marley Green, Red, Gold et Black), chacune ayant un effet spécifique. La Marley Green est décrite comme une variété hybride « appropriée pour n’importe quel moment de la journée », alors que les patients qui chercheraient « une expérience plus physique, très corporelle » sont encouragés à découvrir l’indica Marley Black. La weed est disponible depuis vendredi dans trois dispensaires de Californie pour 50$ les 3,5g, et l’huile de cannabis, à utiliser avec un vaporisateur, vendue 40$ les 500mg. Les 4 variétés sont cultivées en Californie et sans pesticides, et peuvent être consommées avec la pipe Bob Marley faite en noyer noir américain cultivé de façon durable. Selon l’entreprise, c’est la seule méthode de consommation qu’aurait approuvé Bob.
Ce lancement s’ajoute aux autres marques de cannabis qui surfent sur la popularité de célébrités, vivantes ou mortes, et qui convoitent leur part d’une industrie représentant désormais plus de 5 milliards de dollars. Willie Nelson, Snoop Dogg et récemment Wiz Khalifa prêtent déjà leur nom à des produits au cannabis. Bob Marley représente l’herbe bien plus que n’importe qui, chantant et parlant longuement des pouvoirs spirituels et guérisseurs de la plante. Marley Natural pense que ses produits aideront à répandre sa parole, même à travers la gamme traditionnelle de produits de soins aux graines de cannabis.
Seul problème : Bob Marley s’opposait vivement aux démons du capitalisme et de l’impérialisme, ce qui rend le partenariat avec Privateer plutôt inconfortable. Il était bien sûr inévitable qu’une marque veuille utiliser l’héritage de Bob Marley dans l’industrie du cannabis, tout comme il existe déjà des cafés, des glaces ou des casques audio à l’effigie de la star.
« Etant donné l’identité anti-capitaliste et anti-establishment de Marley, l’idée d’avoir une entreprise qui évoque le nom de pirates, et une tradition négative de l’assaut impérialiste… envoie un mauvais message » dit Mike Alleyne, professeur dans l’industrie du disque et auteur d’une encyclopédie du reggae, dans laquelle il aborde notamment la marchandisation du nom de Marley. « Je ne sais pas si quelqu’un impliqué dans le processus a pensé à ça, mais ce n’est pas une bonne base pour l’entreprise ».
L’entreprise s’est aussi vue accusée de s’approprier la culture rasta sans bénéfice direct pour la Jamaïque. Marley Natural dit pourtant qu’elle a passé un temps considérable avec des Jamaïcains et la famille Marley pour répliquer le type de variété que le chanteur aimait, et lancé un programme philanthropique pour encourager le développement du commerce durable sur l’île.
D’anciens membres des Wailers, comme Bunny Wailer, s’opposent directement à Marley Natural, en disant que Bob ne penchait pas autant pour la légalisation du cannabis que les autres membres des Wailers, dont lui-même et Peter Tosh. « Seule une entreprise jamaïcaine incorporant les acteurs locaux, la communauté Rastafari, les fermiers de ganja, des médecins et des investisseurs locaux devraient être autorisés à utiliser une marque représentant la Jamaïque » ajoute le musicien.
La Jamaïque a assoupli ses restrictions sur la weed l’année dernière, en dépénalisant de petites quantités de cannabis et autorisant les Rasta à consommer leur drogue à des fins religieuses. Le législateur réfléchit maintenant à construire un cadre légal pour autoriser le cannabis thérapeutique, ce qui empêche le développement d’une industrie qui pourrait profiter rapidement à l’île. Les locaux se préoccupent également que l’enjeu devienne plus une question de gros sous qu’une aide pour les Jamaïcains et les Rastas.
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