Comment LREM veut faire passer la contraventionnalisation du cannabis pour une solution « moderne et efficace »
Alors que le rapport parlementaire sur la contraventionnalisation du cannabis est sorti cette semaine, de nombreuses voix se sont élevées pour montrer les limites des propositions édictées par les deux rapporteurs.
Bon an mal an, LREM défend son projet d’amende forfaitaire, avec des éléments de langage que nous nous sommes procurés, à la limite de la malhonnêteté. Ou comment tenter de faire passer une mesure largement contestée et passéiste pour « moderne et efficace ».
Un constat partagé
Le constat est simple et partagé : la France est à la fois le pays plus répressif en matière de cannabis en Europe, et le plus gros consommateur. Les forces de sécurité sont largement mobilisées pour sanctionner l’usage simple, 1,2 millions d’heures estimées, alors que la majorité des interpellations finissent en rappel à la loi, et n’empêchent ni consommation, ni trafic.
La divergence d’idées arrive alors : comment réformer ce système pour être plus efficace, à la fois pour la sécurité publique, mais aussi pour la santé publique ?
Comme le rappelle le rapport sur la contrav’, le travail parlementaire ne visait pas à réformer le statut du cannabis : « cette mission n’a pas pour objet de réfléchir à la lutte contre la toxicomanie ou à la réforme de la loi du 31 décembre 1970 » puis « la mise en place d’un dispositif d’amende forfaitaire – quelle que soit sa forme – est une réforme nécessaire aujourd’hui pour réprimer l’usage de stupéfiants de façon efficace et égale sur l’ensemble du territoire ».
Une solution préformatée
La solution était donnée dès le début. Dans le document d’éléments de langage que nous nous sommes procurés, LREM parle également de trouver une solution « moderne et efficace ». Permettez-nous d’en douter.
Au-delà de l’analyse factuelle de la situation du cannabis en France, le rapport titre dès les premières pages : « La répression de l’usage de stupéfiants : une réponse pénale jugée unanimement insatisfaisante ». Relisons. Une réponse pénale jugée unanimement insatisfaisante. Comme nous l’écrivions dans notre édito hier : la répression du cannabis ne fonctionne pas. Gardons-la quand même.
Tout est plus grave lorsqu’on regarde les éléments de langage adressés aux députés LREM :
- « La solution portée est à la fois effective et efficace » : C’est tout simplement un mensonge. L’amende forfaitaire n’est toujours pas utilisée sur le terrain. Son application a été repoussée en 2017, et n’est toujours pas arrivée dans les outils des forces de sécurité. Quant à préjuger de l’efficacité d’un dispositif qui n’existe pas…
- « Le montant de l’amende (150 à 200 euros), serait dédié à la prévention contre la consommation de drogue » : le rapport statue pourtant qu’il n’a pas pour objet de lutter contre la toxicomanie. Contradiction, quand tu nous tiens. L’objectif est certes louable, mais quid de la lutte contre le trafic ? On y vient.
- « Elle décharge aussi les forces de l’ordre et les magistrats de lourdeurs procédurales, ce qui leur permettra de consacrer plus de temps à la lutte contre le trafic de drogue » : Il faut savoir. Si les amendes sont là pour financer la prévention, il va falloir en mettre. Donc ne pas tant décharger les forces de l’ordre que ça. Et du coup ne pas lutter contre le trafic de drogue. Si on veut lutter réellement contre le trafic, pourquoi mettre des amendes au consommateur ? Pourquoi ne pas mettre en place une filière légale d’accès au cannabis ? Autoriser l’autoculture ?
- « L’amende forfaitaire permet une répression systématique et égalitaire sur l’ensemble du territoire de la consommation de stupéfiants » : Systématique certainement. Egalitaire ? L’amende vise à réprimer la consommation en public, comprendre les personnes qui n’ont pas de lieu où fumer. De manière clichéiste, on peut imaginer qu’un jeune de banlieue aura toujours plus tendance à se faire sanctionner qu’un cadre sup’ au chaud dans son loft. Par ailleurs, les poursuites pénales restent possibles, même en cas de primo-infraction, décidées de manière discrétionnaire. Ou comment « égaliser » une discrimination de fait.
- « L’usage de stupéfiant reste pour autant un délit » : On avait compris. On fait état de l’échec complet de la pénalisation du cannabis, et on ne s’en écarte pas.
Que penser de tout ça ?
Soutenir une réforme de son gouvernement est une chose. Mentir en est une autre. Quelle que soit l’amende choisie, ce n’est pas une solution « moderne et efficace ».
Une solution moderne serait, pour le moins, une dépénalisation. Le Portugal l’a fait 15 ans plus tôt, puis finalement tous les pays qui entourent la France. Une solution moderne serait de proposer un accès médical réel au cannabis. Une solution moderne serait de proposer une régulation complète du cannabis, avec un accès interdit aux jeunes, une prévention financée par la vente de cannabis dans des magasins sous licence, avec une culture contrôlée par un Bureau Central.
Une solution efficace, elle, s’attaquerait aux conséquences de la prohibition du cannabis. Une solution efficace parlerait de prévention sur le cannabis auprès des jeunes et des parents. Une solution efficace donnerait des moyens à la lutte contre la toxicomanie. Une solution efficace permettrait de garantir la qualité des produits consommés. Une solution efficace s’attaquerait aux violences générées par le trafic.
Une amende qui ne sanctionnera que les consommateurs visibles tout en faisant la part belle au trafic ne peut pas être « moderne et efficace ».
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