Etudes sur le cannabis
Etude : L’interdiction du cannabis ne dissuade pas les jeunes d’en consommer
Alors que les décideurs politiques sont de plus en plus confrontés au choix de réformer les politiques sur le cannabis – et notamment d’abandonner le modèle prohibitionniste pour des politiques plus libérales – la recherche sur le sujet est essentielle. Elle permet d’asseoir les choix politiques sur des preuves.
Néanmoins, ces soi-disant preuves sont souvent sujettes à interprétation. Ainsi, en 2015, une étude souvent citée pour justifier le maintien de la prohibition suggérait que la libéralisation des politiques du cannabis était associée à une augmentation significative de l’usage adolescent. Une récente réanalyse de ces résultats montre qu’un simple changement de méthode permet de conclure à des résultats différents.
Une ré-analyse plus poussée
Les chercheurs de l’université de Kent ont voulu tester la validité et la pertinence des conclusions de l’étude en question. Ils ont utilisé la même base de données, un sondage de HBSC sur plus de 100 000 adolescents dans 38 pays. Grâce à une méthode différente, leur réanalyse a mis en évidence des résultats différents. Tout d’abord, ils ont pris en compte l’entièreté du sondage dont les précédents chercheurs avaient sacrifié certaines parties. Ensuite, ils se sont servis d’un modèle linéaire à effets mixtes dans lequel ils ont inclus des droites pour le genre et le pays car ce sont des variables qui peuvent avoir un effet sur la probabilité de la consommation juvénile.
En ajoutant ces variables, en élargissant la base de données et en faisant le choix d’un modèle statistique plus poussé, il a été possible de trouver une relation statistique différente entre la libéralisation des politiques du cannabis et la croissance du taux de consommation chez les jeunes. L’association entre les deux devient statistiquement insignifiante. Les chercheurs concluent que les conclusions de l’étude de départ ne sont pas étayées par une interprétation détaillée et convaincante des résultats numériques.
Recherche et politique
“C’est une information utile pour les gouvernements alors qu’ils cherchent la meilleure façon de traiter le cannabis. En l’état actuel des choses, les préjudices et les coûts associés à l’imposition de convictions criminelles sur les individus faisant usage du cannabis ne semblent pas justifiés par un effet en termes de réduction de la consommation » explique le Professeur Alex Stevens qui a supervisé l’étude. Ces résultats sont qui plus est corroborés par d’autres études conduites dans les Etats qui ont effectivement légalisé le cannabis.
Pour Ian Hamilton, maître de conférence en santé mentale et en addiction à l’Université de York, l’illégalité du cannabis n’est pas un facteur dissuasif pour les jeunes, au contraire : « Pour certains, le fait que cela soit illégal fait partie de l’attrait, alors si un pays décide d’ouvrir l’accès au cannabis régulé, cela est susceptible de réduire en partie l’attrait ». Parallèlement, un accès régulé équivaut à un accès contrôlé par le gouvernement. Au Canada par exemple, l’achat de cannabis n’est possible que sous présentation d’une carte d’identité. L’approvisionnement de cannabis à un mineur est considéré comme un crime passible de plus de 10 ans de prison.
Cette analyse montre en tout les cas que les conclusions d’une recherche ont toujours une dimension d’interprétation. Ainsi, d’autres arguments anti-cannabis appuyés sur la recherche peuvent être nuancés par des facteurs que les chercheurs ont omis de prendre en compte, de façon délibérée ou inconsciente. Concernant le cannabis et la santé mentale par exemple, aucun lien de cause à effet n’a pour l’instant été découvert. Il s’agit simplement d’associations statistiques qui peuvent être influencées par le fait que certains usagers aient déjà des problèmes mentaux ou qu’ils se trouvent dans des situations de vie difficiles qui influencent à la fois leur santé mentale et leur consommation de drogue.