Cannabis à New York
L’Etat de New York décriminalise la possession de petites quantités de cannabis
L’Etat de New York a annoncé la décriminalisation de la possession de cannabis, faute d’avoir réussi a légaliser la substance en 2019, comme cela était prévu. Cette loi sera rétroactive, ce qui devrait permettre à près de 24 000 personnes de voir leur casier judiciaire effacé, facilitant leur potentielle recherche d’emploi ou de logement. La loi prévoit de retirer la peine de prison pour possession illégale de cannabis, qui sera seulement passible d’une amende, au même titre qu’un excès de vitesse. En vertu de la nouvelle loi, la peine maximale encourue est de 50 dollars pour possession de moins d’une once, (28,35 grammes de cannabis) et de 200 dollars maximum pour une à deux onces (soit de 28,35 à 56,7 grammes). Au delà de deux onces, des sanctions pénales pourront cependant être appliquées. La loi devrait être effective au mois d’août.
Réduction des inégalités
« Les lois régissant le cannabis ont eu une incidence disproportionnée sur les communautés de couleur pendant trop longtemps, et aujourd’hui nous mettons fin à cette injustice une fois pour toutes » a déclaré le gouverneur Andrew Cuomo. « En offrant aux personnes qui ont subi les conséquences d’une condamnation injuste à cause du cannabis un moyen de faire effacer leurs casiers judiciaires, et en réduisant les peines draconiennes encourues, nous faisons un pas en avant décisif pour remédier à notre système de justice pénale brisé et discriminatoire. »
Le sénateur Jamaal T. Bailey se dit également heureux de cette mesure. Il a déclaré : « La possession de cannabis donne aux condamnés un casier judiciaire qui les suivra tout au long de leur vie, limitant potentiellement leur accès à l’éducation supérieure, et affectant leur capacité à obtenir un emploi, et donc susceptible de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles ».
Crystal D. Peoples-Stokes, qui travaille avec Cuomo, souligne le système « deux poids deux mesures » américain « Pendant trop longtemps, les communautés de couleur ont été la cible de politiques discriminatoires en matière de justice pénale et ont subi de graves conséquences pour la possession de petites quantités de marijuana, tandis que d’autres personnes n’ont jamais été arrêtées ni inculpées ».
Charité bien ordonnée commence par soi-même
Cela survient peu de temps après que des élus Démocrates aient introduit une proposition de loi visant à légaliser le cannabis à l’échelle fédérale dans le pays. Ainsi, la question de l’injustice inhérente de la guerre contre les drogues, qui cible majoritairement les minorités ethniques est revenue sur le devant de la scène. C’est devenu un thème de campagne récurent. Andrew Cuomo n’était pas au départ un fervent supporter de la décriminalisation, mais il a du revoir ses position lors des élections de gouverneur de l’Etat de New York. Sa concurrente, Cynthia Nixon, était plus ouverte sur la question. Elle avait donc le soutien des militants pro-légalisation. Cela a obligé Cuomo a changer de cap, ce qui explique maintenant son positionnement et sa réélection.
C’est également un sujet phare pour les élections présidentielles de 2020. Jerrold Nadler, un Démocrate de New York, et Kamala Harris, Démocrate de Californie et canditade aux élections de 2020 ont présenté la semaine dernière le projet de loi Marijuana Opportunity Reinvestment and Expungement (MORE), dont objectif est d’enlever le cannabis du Controlled Substance Act. Le Sénateur du New Jersey Corey Booker a lui aussi proposé le Marijuana Justice Act, qui supprimerait le cannabis du Controlled Substances Act. Elizabeth Warren, Sénateur Démocrate du Massachussetts et également candidate à la présidence, a proposé son STATES Act, sui permettrait de renforcer le dixième amendement, afin de garantir que les autorités fédérales ne puissent pas interférer avec les programmes de cannabis approuvés par les États.
Il n’est pas négligeable que parallèlement aux actions lancées pour la réduction des injustices, une audience appelée « Défis pour le cannabis et les banques: perspectives extérieures » se soit tenue la semaine dernière. La légalisation permettrait ainsi des profits considérables.
Leur voisin canadien a en effet légalisé le cannabis en octobre dernier, ce qui n’a pas été sans conséquence pour l’économie du pays. La Province d’Alberta a en effet collecté 30 millions de dollars canadiens grâce aux taxes sur le cannabis, moins d’un an après la légalisation. Sur l’ensemble du territoire, le Canada a gagné près de 186 millions de dollars canadiens au total. De plus en plus de personnes admettent prendre du cannabis, et une étude récente au Canada a révélé que le profil type du consommateur de cannabis de demain ne correspondra pas au cliché véhiculé depuis longtemps, ouvrant la voie à une nouvelle catégorie d’électeurs. L’essor du cannabis médical aux Etats-Unis a sans doute permis à beaucoup de gens de changer d’avis sur la substance.
Des experts estiment que la légalisation à l’échelle fédérale pourrait permettre des gains de plus de 80 milliards de dollars d’ici 2030. A l’approche des élections de 2020, la décriminalisation, visant en priorité les minorités, serait moins une question de justice sociale qu’un enjeu de campagne.