Cannabis au Canada
La légalisation du cannabis au Canada province par province
A J-9 du lancement des ventes légales de cannabis au Canada, nous avons jugé bon de vous faire un petit topo de la situation province par province. A compter du 17 Octobre seront légaux les fleurs de cannabis, l’huile de cannabis et certains produits dérivés mais pas les edibles. La responsabilité des régulations est partagée entre le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités. La production, par exemple, sera supervisée au niveau fédéral. Les licences seront octroyées directement par un organe gouvernemental national. Le modèle de distribution, en revanche, est laissé à la discrétion des provinces.
Le Cannabis Act, que nous avions passé au crible ici, fédéral établit une limite d’âge (18 ans), de possession (30 grammes) et de culture (4 plants) comme standard minimum mais les provinces sont en droit d’opter pour des régulations plus restrictives. Le Cannabis Act prévoit également que la consommation soit interdite dans les véhicules mais le transport possible sous certaines conditions d’emballage.
Les provinces canadiennes prendront en charge tout ce qui a trait à la taxation, les charges en cas de non conformité à la loi, l’éducation et la santé publique, la conduite sous influence, la consommation et le modèle de distribution.
Les municipalités partagent certaines de ces prérogatives comme la localisation des magasins. Le cannabis médical, quant à lui, ne rentre pas dans le cadre des législations provinciales et peut s’acheter directement auprès des producteurs.
Alberta
Consommation : l’âge légal est fixé à 18 ans, la consommation est autorisée dans les lieux publics où la consommation de tabac est également autorisée. Conformément au Cannabis Act elle est interdite dans les véhicules, même par les passagers. L’Alberta a décidé de conserver les limites fédérales en terme de possession et d’auto-culture.
Distribution : L’Alberta a opté pour un modèle de distribution privée. En revanche c’est la AGLC (Alberta Gaming and Liquor Commission) qui prend en charge l’approvisionnement des magasins. Elle s’occupe du transport de la marchandise depuis les producteurs jusqu’aux magasins. Ces derniers ne peuvent vendre que des produits scellés et conformes aux normes de qualité et de sécurité. Les enfants de moins de 18 ans ne sont pas autorisés à entrer dans les magasins même accompagnés quant au personnel il doit être vérifié et entraîné.
Cannabis au volant : La limite de concentration de cannabis dans le sang s’élève à 5 nanogrammes de THC par millilitre, au dessus de cette limite les conducteurs encourent des peines de prisons après récidive. Entre 2 et 5 ng/ml les conducteurs sont passibles d’une amende de 1000$ CA. L’Alberta applique la tolérance zéro pour les conducteurs apprentis.
Colombie Britannique
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans, la consommation est autorisée dans les lieux publics où la cigarette est autorisée et la possession et l’auto-culture sont autorisées dans les limites définies par le Cannabis Act. Toutefois, le gouvernement provincial précise que les plants ne doivent pas être visibles depuis l’extérieur sans quoi les intéressés encourent une amende.
Distribution : en Colombie britannique, les consommateurs auront le choix d’acheter du cannabis dans des comptoirs gérés par le gouvernement, dans des magasins privés détenteurs d’un permis et aussi en ligne. Un monopole d’État est établi pour les ventes en gros et les magasins privés doivent se fournir directement auprès de la Liquor Distribution Branch. En revanche, la province a pris du retard dans l’établissement de son programme de distribution et, pour l’instant, un seul comptoir de vente légale est prêt pour le 17 Octobre.
Pourtant, une centaine de magasins privés ont déjà présenté des demandes de permis auprès de la province. Certains d’entre eux possèdent déjà un permis de la ville de Vancouver, qui avait régularisé ces comptoirs en 2015, mais les nouvelles lois fédérale et provinciale ne les reconnaissent pas. Par conséquent, ils fermeront probablement leurs portes le 17 octobre pour rouvrir plus tard après avoir obtenu un permis adéquat (ou pas d’ailleurs, la Colombie-Britannique étant assez laxiste sur le sujet). Un système de vente en ligne de cannabis devrait être prêt à temps mais le ministre Mike Farnworth admet que l’ensemble de l’édifice ne prendra pas forme tout de suite. Il précise que l’exécution de la loi se fera graduellement, à mesure que les permis seront octroyés.
Cannabis au volant : la province prévoit la tolérance zéro pour les apprentis conducteurs et une suspension de permis de 90 jours pour les conducteurs sous influence. Additionnellement, la province a créé une série de charges relatives aux infractions liées au cannabis prévoyant des amendes allant de 2 000$ CA à 100 000$CA et jusqu’à un an de prison.
Île du Prince Édouard
Consommation : L’âge légal est fixé à 19 ans et la consommation n’est possible que dans les lieux privés où dans certains lieux prévus à cet effet. Les limites de possession et d’auto culture sont celles fixées au niveau fédéral soit 30 grammes et 4 plants.
Distribution : La province a mis en place un monopole d’État pour la distribution de cannabis. Il n’y aura au lancement que 4 magasins de cannabis dans la province (Charlottetown, Summerside, Montague, West Prince), qui est somme toute relativement petite (5 660km²), situés en fonction de la concentration de la population. La province prévoit une possible expansion en fonction de la demande. En attendant, une plateforme de vente en ligne, elle aussi gérée par le gouvernement, sera disponible dès que ce dernier s’accordera sur l’entreprise en charge de la livraison à domicile. Le gouvernement explore également la possibilité de vendre des plants et des graines.
Cannabis au volant : La législation sur le cannabis au volant est la même que pour la conduite sous alcool avec des charges plus importantes si il y a présence d’un mineur.
Manitoba
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans et la limite de consommation est de 30 grammes. La consommation dans les lieux publics et l’auto-culture sont cependant strictement interdites. Cultiver du cannabis chez soi est passible d’une peine de 2 542$CA et fumer dans un lieu public équivaut à une amende de 672$CA.
Distribution : la province a opté pour un modèle hybride de magasins publics et privés. Ils vendront du cannabis fourni par la Manitoba Liquor and Lotterries et n’auront donc pas de contact direct auprès des producteurs. Il sera interdit de vendre de l’alcool et du cannabis dans le même magasin. Les magasins seront présents sur tout le territoire de la province y compris dans les réserves indigènes. Le gouvernement provincial s’est fixé comme objectif de rendre le cannabis légal disponible en moins d’un demi-heure de trajet pour 90 % de la population d’ici deux ans.
Cannabis au volant : conduire sous influence est bien sûr interdit et la province prévoit des amendes de 672$CA pour quiconque consomme en conduisant et des amendes de 237$ pour quiconque transporte du cannabis sans respecter les conditions d’emballage.
Taxes : La province prévoit également une taxe spécifique à la vente de cannabis, appelée la Cannabis Retailer Social Responsibility Fee (SRF), qui sera prélevée sur les revenus annuels des vendeurs de cannabis pour financer les programmes de prévention et d’éducation. Elle sera effective au 1er janvier 2019.
Nouveau Brunswick
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans et les limites d’achat et de possession en public sont de 30 grammes. En revanche, il n’y a pas de limite de possession dans les domiciles. L’autoculture est autorisée (4 plants) mais dans un espace séparé si elle se fait en intérieur et derrière une clôture d’au moins 1,52m de haut si elle se fait en extérieur. Il est interdit de consommer du cannabis dans les lieux publics.
Distribution : Le seul endroit où il sera possible d’acheter du cannabis légalement sera chez Cannabis NB, une filiale de la Société des alcools du Nouveau-Brunswick. Il sera également possible de commander du cannabis en ligne sur le site de la filiale.
Nouvelle Écosse
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans et la possession est limitée à 30 grammes. Il est autorisé de consommer du cannabis dans les lieux publics selon les mêmes restrictions applicables à la cigarette. Une violation des ces restrictions est passible de 2 000$ d’amende. Il n’y a pas de limites concernant la possession de cannabis à domicile tant qu’elle est pour un usage personnel.
Distribution : La Nova Scotia Liquor Corporation sera la seule organisation habilitée à vendre du cannabis en magasin et en ligne.
Cannabis au volant : Les charges pour une conduite sous influence s’élève à 1000$CA d’amende et une suspension de permis d’un an. En cas de récidive dans les 10 années, la province prévoit des peines d’emprisonnement. En cas de taux en dessous de la limite criminelle, les suspensions de permis ne sont que d’une semaine à un mois. La tolérance zéro est appliquée pour les conducteurs apprentis.
Ontario
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans et la consommation est possible dans les lieux publics et les lieux intérieurs désignés à cet effet. La possession est limitée à 30 grammes.
Distribution : Le précédent gouvernement d’Ontario avait opté pour un système de monopole public mais, à la faveur d’un changement de gouvernement, la province autorise désormais les ventes privées. Cette initiative tardive a quelque peu retardé l’application du programme qui ne sera pas prêt avant 2019. D’ici là, un système de vente en ligne sera rendu disponible : l’Ontario Cannabis Store. L’Alcohol and Gaming Commission of Ontario (AGCO) accordera des licences pour les magasins privés qui s’approvisionneront exclusivement auprès de l’Ontario Cannabis Store.
Cannabis au volant : la conduite sous influence du cannabis est soumise aux mêmes restrictions que les autres drogues et inclut des peines de prison, des suspensions de permis, des amendes et la confiscation du véhicule.
Québec
Consommation : l’âge légal est fixé à 18 ans et la limite de possession à domicile est fixée à 150 grammes de cannabis séché, peu importe le nombre de personnes habitant la résidence. L’auto-culture est interdite et le consommation en public est soumise aux mêmes restrictions que la cigarette. Cependant, un récent changement de gouvernement pourrait bien faire passer l’âge légal de 18 à 21 ans et faire interdire la consommation dans les lieux publics.
Distribution : la distribution est soumise au monopole d’État, seule la Société Québécoise du Cannabis est autorisée à vendre la marchandise. Elle vendra divers produits dans ses magasins spécialisés, parmi lesquels, de l’huile pour cuisiner, des joints pré-roulés, du cannabis moulu ou encapsulé et des atomiseurs oraux semblables à des rince-bouches.
Cannabis au volant : La province du Québec, à la différence des autres provinces, a établi une limite en terme de présence dans la salive et non de présence dans le sang. Cette méthode permet de cibler une consommation plus récente. Elle applique en conséquence la tolérance zéro.
Saskatchewan
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans. La consommation en public est interdite. L’auto-culture est autorisée à hauteur de quatre plants.
Distribution : Le gouvernement a opté pour un modèle de marché ouvert avec des vendeurs privés en compétition autant pour la vente en gros que pour la vente au détail.
Cannabis au volant : la province applique la tolérance zéro.
Terre-Neuve-et-Labrador
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans. L’auto-culture est autorisée (4 plants) et la possession ne doit pas excéder 30 grammes. Les charges relatives aux infractions du cannabis peuvent aller d’un simple avertissement à des amendes de 100 000$ CA et des peines de prisons de 14 ans.
Distribution : l’approvisionnement et la vente en gros et au détail sont régulés par la Newfoundland and Labrador Liquor Corporation (NLC) qui octroiera des licences à des vendeurs privés. Une trentaine de candidature sont actuellement en train d’être étudiées par l’organisme et un site de vente en ligne est déjà en place.
Cannabis au volant : la limite légale est fixée à 2,5 nanogrammes de THC dans le sang mais la tolérance zéro est appliquée pour les conducteurs apprentis, les conducteurs de moins de 22 ans et les conducteurs commerciaux.
Nunavut
Consommation : l’âge légal est fixé à 19 ans, la consommation publique autorisée dans les mêmes limites que la cigarette.
Distribution : le gouvernement a soumis les décisions à consultations publiques, ces dernières ne sont pas définitives mais il semble que la province optera pour un modèle de distribution privée avec des opérateurs mandatés par une Commission gouvernementale qui fixera le type de cannabis rendu disponible, le prix des produits, les points de vente et les restrictions publicitaires. Le Gouvernement propose également de permettre à la Société des alcools du Nunavut ou son mandataire de vendre du cannabis aux Nunavummiuts dans des points de vente et en ligne. La province prévoit aussi d’autoriser l’importation de cannabis en raison de conditions climatiques non propices à la culture locale.
Territoires du Nord-Ouest
Consommation : L’âge légal est fixé à 19 ans. La consommation est autorisée dans les espaces publics à condition qu’ils ne fassent pas l’objet d’événements publics ou de rassemblement d’enfants. L’auto-culture est autorisée mais les graines doivent être achetées auprès d’un fournisseur légal.
Distribution : le projet est de rendre le cannabis disponible à la vente dans les magasins d’alcool gérés par la province donc à travers un monopole d’État. Cependant, ce système ne sera pas encore prêt en octobre et le cannabis ne sera disponible que par commande en ligne sur le site de la Commission gouvernementale.
Yukon
Consommation : l’âge légal est fixé à 18 ans et la consommation est limitée aux propriétés privées. Les limites de possession sont de 30 grammes en dehors du domicile et indéfinie au domicile. L’auto-culture est autorisée à hauteur de 4 plants. Quiconque fournit du cannabis à un mineur encoure une peine de prison qui peut aller jusqu’à 14 ans.
Distribution : la province a pris du retard sur l’établissement de son modèle de distribution. Pour l’instant un seul magasin, géré par le gouvernement, ainsi qu’une plateforme de vente en ligne sont opérationnels. L’objectif est d’autoriser la vente au détail par des entrepreneurs privés licenciés. Aucune régulation sur la question n’est à ce jour établie. Cependant, l’organisme gouvernemental en charge du marché a annoncé qu’il achèterait du cannabis produit localement (sous réserve d’avoir une licence fédérale).
Conclusions
En terme de limitations de possession et de culture, les provinces ont largement calqué les standards minimum du gouvernement fédéral. A l’échelle des provinces, l’accent est mis sur une légalisation responsable du cannabis avec des peines sévères pour tout ce qui a trait à la consommation des mineurs. Il est notable également que l’approvisionnement et la distribution soient le plus souvent le fait d’organismes gouvernementaux. A ce jour, seule une province a établi un système de marché totalement ouvert.
L’accent est également mis sur la conduite sous influence mais, le cannabis restant assez longtemps dans le sang, des systèmes de détection par salive ont été introduits bien qu’il soit encore peu clair s’ils sont réellement efficaces. La procédure standard se base pour l’instant sur l’expertise d’officiers spécialisés dans la reconnaissance de conducteurs à risques. Quiconque est suspecté de conduire sous influence devra se soumettre à un test de sobriété standard incluant des tests de coordination. Dans le cas d’un échec, un officier expert en reconnaissance de drogues (DRE) sera chargé de déterminer s’il y a conduite sous influence auquel cas un échantillon de sang sera demandé ainsi qu’une suspension provisoire du permis de conduire.
Les provinces peuvent introduire des taxes, notamment pour financer les programmes d’éducation et de prévention, mais il existe aussi une taxe nationale qui profite au gouvernement national et provinciaux. En vertu de ce système, le gouvernement du Canada imposera sur le cannabis une taxe d’environ 1 $/gramme ou 10 % de son prix de vente au détail, selon le plus élevé des deux montants, et partagera 75% de ses revenus avec les provinces et les territoires. La part du gouvernement fédéral sera plafonnée à 100 millions de dollars par an.
Le système de régulation sera probablement amené à évoluer. Des critiques se font notamment déjà entendre sur une légalisation qui ne serait en fait qu’une nouvelle prohibition : le cadre légal au lancement sera très restreint, avec un monopole d’Etat qui encadre quelques possibilités, sans prendre toutefois en compte les spécificités de chacun. L’autoculture limitée à 4 plants semble par exemple trop restreinte pour les amoureux de la plante.