Cannabis en France
Le Ministère de l’Intérieur fait le bilan de son amende cannabis
Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié en mars dernier sur son portail Interstats une évaluation du dispositif d’amende forfaitaire délictuelle (AFD) relative aux stupéfiants, qui permet depuis 2020 de sanctionner immédiatement l’usage simple – possession ou consommation sur la voie publique – de cannabis (97% des AFD), cocaïne ou ecstasy d’une amende et d’un casier judiciaire.
Le rapport, qui nous avait jusqu’ici échappé, rappelle tout d’abord les conditions d’éligibilité d’une AFD stups :
- être majeur
- ne pas être en possession de plus de 50 grammes de cannabis, 5 grammes de cocaïne, 5 cachets de MDMA ou 5 grammes d’ecstasy, la pesée n’étant pas obligatoire et laissée à la libre-appréciation des forces de sécurité
- ne pas être malade
- ne pas présenter de difficultés de compréhension
- ne pas être récidiviste
- ne pas avoir provoqué plusieurs infractions simultanées
- ne pas être en possession de plusieurs types de stupéfiants
- ne pas contester l’infraction
Dans tous les cas pré-cités, les contrevenants auraient le droit à une procédure classique (et pas de casier judiciaire automatique).
Conclusions du rapport
Grâce au rapport, nous en savons un peu plus que les précédents chiffres communiqués sur les conditions de délivrance de l’amende.
La majorité (56%) des personnes prises en infraction à l’usage simple de stupéfiants a fait l’objet d’une AFD, le reste ayant fait l’objet d’une procédure classique. Les récipiendaires de l’ADF sont presque uniquement des hommes (94%) de nationalité française (9 sur 10) âgés entre 18 et 30 ans (80%).
Les départements qui pratiquent le plus l’AFD sont les Bouches-du-Rhône où le taux départemental maximal est atteint, la Seine-Saint-Denis et le Rhône. Par ailleurs, entre les infractions constatées avant (période de référence : 2016 – 2019) et celles après l’AFD (période de référence : depuis 2021), deux départements ont une croissance à plus de 100% : l’Oise (+135 %) et les Bouches-du-Rhône (+232 %).
Le point le plus délicat du rapport est toutefois le suivant : « le taux d’évolution du nombre de mis en cause pour usage seul est corrélé négativement au taux d’évolution de la part des mineurs ». L’AFD étant réservée aux personnes majeures, les mineurs sont oubliés du dispositif alors même que « les enjeux de santé publique sur cette population sont unanimement reconnus » précise le rapport.
C’est d’ailleurs la conclusion du document : les mineurs qui devraient être « le sujet prioritaire concernant la lutte actuelle contre les stupéfiants » sont oubliés du dispositif au bénéfice « d’une forte augmentation de la répression de l’usage seul ».
Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et spécialiste du droit de la drogue, juge sévèrement le rapport et le dispositif.
« L’AFD a éliminé la problématique des mineurs. On n’a plus de prévention et plus d’appréhension du sujet. Bien sûr, personne n’a envie de mettre des PV à des mineurs, ce n’est pas l’idée, mais là, il n’y a plus de réponse. »
Il continue sur la teneur même du rapport.
« Il y a par ailleurs des biais méthodologiques forts, sans incidence d’ailleurs sur le constat des mineurs. Ces travaux pseudo-scientifiques servent à légitimer la politique publique. Ce sont pourtant des documents très fragiles d’un point de vue scientifique et méthodologique et ils deviennent paroles d’évangile ».
A titre d’exemple, la période de référence 2016 – 2019, qui sert à la comparaison sur les performances de l’AFD avant et après sa mise en place, est connue pour être faible en « résultats stups », après deux années de forte répression, et permet ainsi de mettre en avant des résultats meilleurs pour 2021.
Dernier « oubli » du rapport qui pourrait préjuger de l’efficacité du dispositif : le chiffre du recouvrement des amendes cannabis, qui manque étrangement, alors qu’il a été présenté en conseil des ministres : 34%.
Un coup des Anglais ?