La légalisation du cannabis au Canada pourrait donner quelques idées, mais ne plait visiblement pas à tout le monde au sein de la communauté internationale. Au travers de leurs diplomates, certains pays ont fustigé la légalisation qui, selon eux, se traduira par une hausse significative du trafic international de stupéfiants. D’autres ont averti leurs citoyens que consommer du cannabis restait illégal sous leur juridiction et que ceux qui s’y adonnent seront punis à leur retour sur le sol national. La légalisation canadienne avait déjà crée des problèmes aux Etats-Unis dont certains Canadiens avaient été bannis à vie. Aujourd’hui, elle provoque une crispation chez certains des Etats les plus répressifs en la matière.
Corée du Sud
Le cannabis n’est devenu illégal en Corée du Sud que dans les années 70. Depuis, la consommation, la possession et le commerce de la plante sont sévèrement punis. Un simple cas de possession peut se solder par une peine de prison de 5 ans. Or, le code criminel coréen s’applique même à l’étranger. L’ambassade coréenne au Canada a averti sur son Twitter : « même si les Coréens du Sud se trouvent dans une région où le cannabis est légal, il est illégal pour eux d’en consommer ».
Yoon Se-jin, le directeur de la division antidrogue de l’agence de police provincial de Gyeonggi Nambu, explique: « ceux qui fument du cannabis seront punis conformément à la loi coréenne, même s’ils l’ont fait dans un pays où consommer du cannabis est légal. Il n’y aura pas d’exception ». Les artistes coréens ne font pas défaut à la règle et nombre d’entre eux ont été censurés ou incarcérés pour avoir fumé du cannabis. En 2010 le chanteur Crown J a été arrêté pour avoir fumé du cannabis alors qu’il enregistrait son album à Atlanta aux Etats Unis. Actuellement, 23 000 Sud-Coréens ayant un visa étudiant vivent au Canada et sont concernés par l’avertissement.
Il est peu probable que la Corée du Sud procède à des tests de dépistage sur ceux qui reviennent du Canada mais les Coréens qui voudraient goûter l’herbe canadienne feraient mieux de rester discret, surtout sur Internet. « La Corée du Sud ne peut pas dépister tous les gens qui visitent un pays étranger mais la police entretient une liste noire qui font que certains sont déjà surveillés » explique Lee Chang-Hoon, professeur à la faculté d’administration de la police à l’Université Hannam à Daejeon.
Japon
Le Japon a adopté une position similaire en rappelant à ses citoyens résidant à l’étranger, via ses consulats sur le territoire canadien, que la loi japonaise sur le contrôle du cannabis s’appliquait malgré la distance. Les lois nippones sur le cannabis prévoient des peines de prison pouvant aller jusqu’à sept ans et des amendes de plusieurs millions de yens. Ces loi s’appliquent même à l’étranger et les citoyens qui l’enfreignent seront punis en conséquence.
Un représentant du ministère de la Santé, du Travail et du Bien-Etre a suggéré qu’il y avait des limites à ce que pouvait faire le Japon, particulièrement concernant des faits qui se passent dans un autre territoire et qui sont considérés comme légaux sur le-dit territoire: « Cela revient à définir s’il est possible de prouver que quelqu’un à commis les actes en question alors qu’il se trouvait à l’étranger une fois que cette personne est rentrée au Japon. C’est probablement compliqué de poursuivre quelqu’un en justice à part s’il s’agit d’une situation ou la personne a été attrapée à l’étranger et déportée au Japon ».
Chine
La position chinoise en la matière est plus nuancée. Dans une lettre publiée par le consulat général chinois à Toronto les diplomates rappellent que le cannabis a des effets nocifs: « le Consulat aimerait rappeler aux résidents chinois, en particulier aux étudiants internationaux: dans le but de protéger votre propre santé physique et mentale, éviter tout contact avec le cannabis ». Ici pas de menaces de punition une fois de retour sur le territoire national mais un rappel que quiconque enfreint la loi de régulation canadienne sera ensuite jugé en Chine selon les lois nationales qui sont, pour le coup, très sévères.
C’est sur un autre sujet que la Chine fustige le Canada, celui du trafic international. L’Agence des services frontaliers du Canada collabore déjà avec les autorités policières chinoises au sujet du trafic d’opioïdes de la Chine vers le Canada. Aujourd’hui, c’est dans l’autre sens que les préoccupations surgissent. La Chine se dit en effet préoccupée par une possible hausse des importations illégales de cannabis canadien. Selon les données de Statistique Canada, environ 20 % de la production de cannabis au Canada est exporté illégalement vers d’autres pays. Le Canada a souhaité rassurer les pays préoccupés par une hausse du trafic que les lois en matière de cannabis à l’international restaient les mêmes. En d’autres termes il demeure interdit de faire entrer ou sortir du cannabis du Canada.
Russie
La critique la plus virulente vient sans doute de la Russie qui a dénoncé une décision « inacceptable » et « hypocrite » qui « provoquera certainement une hausse considérable de son trafic vers d’autres États ». A travers un communiqué de son ambassade à Ottawa, la Russie accuse le Canada de faire fi des conventions internationales en matière de lutte antidrogue et plus largement de faire fi des pratiques de multilatéralisme et de l’objectif commun d’établir une société mondiale sans drogue.
«En torpillant consciemment le régime international de contrôle des stupéfiants, le gouvernement canadien crée le plus grand marché de drogues du monde, qui malgré toutes les affirmations et les mesures envisagées visant à prévenir l’exportation de cannabis hors des frontières nationales, provoquera certainement une hausse considérable de son trafic vers d’autres États, y compris ceux qui respectent strictement l’esprit et la lettre des conventions» déclare le ministère russe des Affaires étrangères.
A cela un porte-parole des Affaires mondiales du Canada répond: « L’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis le 17 octobre 2018 ne change pas notre engagement à atteindre les objectifs fondamentaux des conventions des Nations Unies sur les drogues afin de protéger la santé et la sécurité de nos citoyens. Le Canada continuera de travailler avec ses partenaires internationaux pour faire progresser ses objectifs ». Parallèlement, le Journal de Montréal se fait un plaisir de rappeler que la Russie est accusée d’avoir envahi illégalement l’Ukraine en 2014, un événement qui a considérablement refroidi les relations diplomatiques des deux pays, et qu’elle est suspectée d’avoir envoyé des espions empoisonner des ex-agents du renseignement au Royaume-Uni.