La Commission Européenne retoque la France sur son projet d’arrêté CBD
Après sa condamnation par la Cour de Justice de l’Union Européenne lors de la décision Kanavape, la France a présenté à la Commission Européenne son projet d’arrêté visant à encadrer l’usage de toutes les parties du chanvre.
Pour rappel, si le projet d’arrêté prévoyait d’autoriser les activités industrielles à partir de toutes les parties du chanvre, « la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation » seraient interdites.
Le projet d’arrêté était ouvert aux contributions jusqu’au 21 octobre 2021. Différents acteurs (NORML , Swiss Medical Cannabis, l’Union des Professionnels du CBD et le Syndicat Professionnel du Chanvre) ont pu déposer des contributions. Du côté des Etats-membres, seule la Hongrie a envoyé des observations. Ces éléments ont servi à forger l’avis de la Commission Européenne, rendu le vendredi 12 novembre.
Que dit la Commission ?
La Commission relève plusieurs points sur le projet d’arrêté français relatif au CBD :
- Présence de THC dans les produits finis : le projet d’arrêté prévoit une teneur maximale de 0,2% de THC dans les produits dérivés du chanvre. La Commission demande des justifications sur ce taux, considérant que la « dose aiguë de référence » dans l’alimentaire est de 1 µg/kg de poids corporel
- Flou autour du terme « extraits de chanvre » utilisé dans le projet
- Rappel du règlement Novel Food
- Couverture trop large de l’arrêté qui pourrait concerner des substances qui ne sont pas stupéfiantes
La Commission rappelle par ailleurs que les autorités françaises devront communiquer le « texte définitif adopté » à la Commission.
Pour Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et spécialiste du droit de la drogue, C’est une « claque pour le gouvernement » qui peut « toujours se confronter à la Commission » mais qui doit « reconcevoir entièrement son projet d’arrêté ».
« L’avis de la Commission n’est pas impératif et la France peut passer outre. Mais compte-tenu des remarques de la Commission et de la QPC en cours devant le Conseil d’Etat, ce serait suicidaire » poursuit Yann Bisiou.
Pour Benjamin Jeanroy, fondateur d’Augur Associates, « les retours de la Commission et de la Hongrie, seul Etat membre à avoir fait des commentaires sur le projet d’arrêté, sont décevants à plusieurs titres. Non seulement les acteurs français représentant l’industrie n’ont pas su mobiliser les écosystèmes concernés dans d’autres pays membres pour faire pression sur leur gouvernement respectifs afin de faire remonter des commentaires autours de la problématique de la vente de la “fleur”, mais le projet français se voit dorénavant attaqué dans l’une de ses dispositions phares : le taux de THC dans le produit fini. »
« Ici, la CE prend appui sur le paravent d’une l’étude de l’EFSA qui reste plus que contestable quand à l’objet qui nous concerne. La question de la dangerosité supposée du THC reste encore à quantifier scientifiquement. La question NF est moins surprenante, ce sujet reste une décision politique, d’application, ou non, des dispositions du catalogue, ce dernier n’étant pas contraignant. »
« Techniquement ça va être long. En attendant, c’est Kanavape et les arrêts de la Cassation des 15 et 23 juin 2021 qui autorisent la fleur et font foi » confirme Yann Bisiou.
La France reste donc pour l’instant un marché d’importation du CBD pour ses fleurs brutes et n’autorise toujours pas la culture du chanvre pour ses fleurs. Et si les saisies douanières ont récemment repris, la plupart du temps sans restitution de la marchandise, l’arrêt conservatoire du 15 juin 2021 et l’arrêt Kanavape peuvent protéger de ces mesures confiscatoires.
« Le projet d’arrêté étant déjà contesté par plusieurs forces en interne au niveau du gouvernement, ce dernier ne peut que revoir sa copie s’il veut réellement faire passer un texte régulatoire, impliquant donc de nouveaux délais d’incertitudes pour les acteurs français de la filière du chanvre bien-être » conclut Benjamin Jeanroy.
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