Cannabis en Colombie

La Colombie en pleine contradiction entre retour à la prohibition et boom du cannabis médical

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Depuis l’accession au pouvoir du président Ivan Duque, la Colombie est en pleine contradiction. Alors que le pays devient un acteur important de la révolution du cannabis médical, le gouvernement a déclaré une nouvelle guerre contre la drogue. La Colombie s’était pourtant lancée sur une voie progressiste en engageant un processus de paix avec les guérillas et en légalisant, par décret présidentiel, le cannabis médical en 2015. Aujourd’hui, c’est un autre décret présidentiel qui vient nier cet élan en pénalisant de nouveau la consommation et la possession de petites quantités de drogue. Celles-ci avaient été dépénalisées en 1994 par décision de la Cour Suprême d’instaurer un droit à la « dose personnelle ».

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Retour vers le passé

Le nouveau gouvernement a mis en place la Stratégie d’Intervention Intégrale contre le Narcotrafic (EICON). Elle a pour objectifs de réduire les zones affectées à la culture illicite, d’affecter les noyaux de production et d’attaquer les nouveaux acteurs du problème en adoptant « une approche multidimensionnelle » et en coordonnant les autorités nationales et régionales. Pour détruire les zones de culture, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que de relancer un programme de « fumigation »qui consiste à les asperger de glyphosate, un herbicide suspendu depuis 2015 en Colombie à cause des risques qu’il comporte pour la santé. Pour affecter les noyaux de production, la stratégie laisse tout aussi perplexe : elle consiste à s’attaquer directement au consommateur pour réduire la demande et le micro-trafic. Rappelons que la grande majorité de la drogue produite en Colombie est destinée aux marchés étrangers.

Le décret 1844 ordonne à la police de confisquer et de détruire n’importe quelle quantité de drogue, y compris la dose personnelle, et de mettre une amende de 208,000 pesos, soit 58 euros. Selon le journal El Colombiano qui rapporte les chiffres officiels du gouvernement, après neuf jours d’application, les forces de l’ordre ont mis 8 012 amendes, ont procédé à 718 arrestations et ont confisqué plus de sept tonnes de substances illicites, majoritairement du cannabis. Le journal Semana considère ce décret comme un retour à la guerre contre la drogue.

Quelques jours avant la publication du décret, le président colombien a rencontré Donald Trump dans le cadre de l’Assemblée générale onusienne et a participé à la réunion informelle du président « A global call to action« . Le soutien de Trump a Duque évoque en effet un retour vers des pratiques répressives : « Une des raisons pour lesquelles j’étais si content de voir la victoire du président est sa position sur les drogues » a déclaré Trump.

Le cannabis médical fleurit en Colombie

Ce retour à des pratiques réactionnaires en matière de lutte contre la drogue s’inscrit pourtant autour développement de l’industrie colombienne de cannabis médical. Le secteur est en plein boom et attire des investisseurs et entrepreneurs étrangers. La Colombie a déjà octroyé plus de142 licences pour du cannabis médical psychoactif ou non psychoactif, pour la production de médicament, le commerce ou la recherche. Les producteurs canadiens notamment, attirés par le climat propice à la culture du cannabis, envisagent de délocaliser leurs activités pour produire à moindre coût et exporter massivement. Une stratégie qui est susceptible de devenir courante en Amérique latine selon Prohibition Partners, think tank britannique spécialisé sur le cannabis.

Une conférence se tient d’ailleurs cette semaine à Medellín sur le cannabis médical. MedeWeed présente les actualités et avancées de la recherche sur le cannabis médical ainsi que des conseils d’experts pour monter son business de cannabis. La conférence adresse également les questions de genre, de respect des droits humains et du stigma autour du cannabis, une perspective qui contraste avec la politique du président. Cette dernière va complétement à contre courant du mouvement mondial, des statistiques et du désir de la société civile. Un récent rapport de l’International Drug Policy Consortium qui considère la guerre contre la drogue comme un échec couteux a d’ailleurs été coécrit par l’avocate colombienne spécialisée dans les droits de l’homme Isabel Pereira Arana. Celle-ci a également lancé l’organisation Dejusticia qui documente les abus des politiques antidrogue colombiennes.

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