Interview
Interview : Villeurbanne lance une consultation citoyenne sur les politiques du cannabis en France
Alors que le gouvernement fait la sourde oreille à propos des problématiques liées au cannabis (si ce n’est sur son usage thérapeutique), au niveau des régions et des communes, les élus locaux prennent les devants et posent le débat. La dernière initiative en date vient de la commune de Villeurbanne où une consultation publique sur la question du cannabis se tient depuis le 10 décembre et jusqu’au 10 février. Dépénalisation, légalisation, ou répression supplémentaire ? Les habitants de la commune, mais pas que, sont invités à donner leur avis à travers un site web.
Parallèlement, deux tables rondes réunissant des juristes, des sociologues, des urbanistes et des médecins sont organisées le 15 et le 24 janvier. La première s’intitule « le trafic de cannabis : les villes à l’épreuve de ses conséquences sur la tranquillité urbaine, la santé et la jeunesse » et l’autre « Prohibition, dépénalisation, légalisation : quelle législation pour lutter efficacement contre le trafic de cannabis ». Additionnellement, l’avis des médecins et des policiers sera également demandé. Tous ces avis experts et citoyens seront synthétisés et constitués en un livre blanc qui sera remis au gouvernement et au parlement ainsi qu’aux Assises de la sécurité et du territoire.
Selon Didier Vullierme, adjoint à la sécurité à la mairie de Villeurbanne : « Il y a urgence à s’interroger sans angélisme ni tabou ». Pour en savoir un peu plus, Newsweed l’a interrogé.
Qu’est ce qui a motivé cette initiative ?
« Au printemps dernier, nous avons organisé le mi-mandat sous une forme participative avec les habitantes et habitants de Villeurbanne qui ont pu dialoguer avec nous autour de tables citoyennes. Les nuisances liées au trafic de cannabis ont été évoquées, qui sont venues s’ajouter à des doléances envoyées par courrier ou courriel au maire. Le trafic se banalise ici comme dans d’autres villes avec ses conséquences sur la tranquillité publique et sur le lien social. En tant qu’élus de proximité, nous sommes en première ligne. C’est à nous que l’on demande de régler un problème majeur mais qui n’est pas de notre compétence ».
Quelle est votre position personnelle sur les politiques répressives actuellement à l’œuvre ?
« Force est de constater que c’est un échec. La preuve, c’est que les trafics se banalisent. Tous n’ont pas le même impact sur la tranquillité publique, certains sont même très discrets. Mais ils sont délétères pour le vivre ensemble là où ils s’installent ».
« La prohibition telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée en France pose également un problème majeur de santé publique. Le fait que les consommateurs se fournissent au travers de trafics illégaux laisse le contrôle de la qualité des produits entre les mains de réseaux mafieux qui se soucient peu de la santé de leurs clients lorsqu’ils surdosent la résine de cannabis en THC ou qu’ils la coupent avec du pneu ou du cirage. Nul besoin d’être un médecin chevronné pour mesurer l’impact en termes de santé de tels produits ! »
« Enfin, la prohibition ne permet pas de mener des politiques de prévention efficace comme cela est le cas pour l’alcool ou le tabac par exemple, alors que c’est fondamental dans un contexte où la consommation de cannabis ne cesse d’augmenter. Il y a là une forme d’hypocrisie : notre pays a la législation le plus répressive d’Europe et notre pays est parmi les plus consommateurs de cannabis – et les trafics avec ».
En tant que commune, quelle marge d’autonomie avez-vous par rapport à la politique nationale ?
« C’est au législateur qu’il appartient soit de changer la loi, soit de donner à l’État les moyens de la faire appliquer. Mais de qui le législateur tient-il sa légitimité ? Des citoyens. Notre rôle d’élus locaux est de faire entendre ce que disent nos concitoyens sur ce sujet, un peu comme des lanceurs d’alerte. C’est pour cela que nous les sollicitons pour participer à la rédaction du livre blanc que nous remettrons en mars au Gouvernement ».
Votre démarche s’inscrit-elle dans le cadre des Assises du Territoire ou est-ce une démarche indépendante ?
« Notre démarche va effectivement s’inscrire dans le cadre des Assises nationales de la sécurité des territoire portées par le forum français pour la sécurité urbaine et nourrir leur livre blanc, même si nous allons produire notre propre document que nous enverrons directement au Gouvernement ».
Vous faites partie de la métropole lyonnaise, pourquoi n’avoir pas donné à cette initiative une dimension plus régionale ?
« En tant que collectivité, nous brisons un tabou. Peut-être est-il plus simple pour le moment d’ouvrir la marche. Que notre initiative intéresse les Assises de la sécurité des territoires et soit portée au niveau national montre que c’est déjà plus qu’un premier pas important. Mon souhait est que la contribution des Villeurbannais permette de porter le débat au plan national. Le chef de l’État vient de solliciter les élus des territoires. Dont acte ».