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[Interview] Michka : la grande dame du cannabis se dévoile

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La Grande Dame du cannabis par Michka

Le nouveau livre de Michka n’est pas un livre sur le cannabis. Michka, la grande dame du cannabis se dévoile, est un ouvrage positif et spirituel sur la vie d’une femme à l’enfance bourgeoise, attachée aux hommes, à ses enfants, à la nature et au plaisir, en quête d’une foi reconstructrice et qui nous replonge dans certains moments de sa vie.

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Il dresse surtout le portrait d’une femme libre, devenue une icône du cannabis sans jamais le chercher.

NWD : Michka, vous l’expliquez, le cannabis a fait partie de votre vie. J’ai néanmoins l’impression que vous êtes devenue cette grande dame du cannabis presque par hasard, si tant est qu’on y croit, en tout cas en faisant tomber le prohibitionniste de l’époque, Gabriel Nahas. Le voyez-vous aussi comme ça ?

Michka : Le cannabis fait partie de ma vie depuis très longtemps. Nous nous sommes rencontrés au début des années 1970 et j’ai su très vite que j’avais trouvé là un allié.

Au fil des ans, j’ai écrit plusieurs livres sur l’Herbe. Le premier d’entre eux, Le Dossier vert d’une drogue douce, paru en 1978, reflète l’enthousiasme que je ressentais à l’époque. Car, pour qui se donnait la peine de réfléchir, il apparaissait clairement que le « chanvre indien », comme on l’a longtemps nommé, ne posait pas de problème majeur. Quelques pages y étaient bien consacrées à un professeur de médecine nommé Gabriel Nahas, qui détournait la science au profit de sa croisade anti cannabis ; mais, j’en étais sûre, la dépénalisation était pour bientôt…

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Or, c’est tout l’inverse qui s’est produit ! La France a basculé dans des années de plomb, qu’on imagine mal aujourd’hui. Pendant une décennie, l’herbe et le hasch ont été un sujet totalement tabou. Avec des descentes de police dans les grandes librairies, pour menacer les vendeurs de poursuites judiciaires s’ils exposaient des livres « présentant les drogues sous un jour favorable ». Une formulation parfaitement vague, qui s’est prêtée à toutes sortes d’abus. J’ai moi-même été embarquée au quai des Orfèvres, toutes sirènes hurlantes, à cause de la couverture d’un petit livre qui représentait Ève vêtue d’une feuille de chanvre…  Aussi quand, au milieu des années 1990, le docteur Bertrand Lebeau, qui était journaliste à l’époque, est arrivé à l’un de nos déjeuners en brandissant des papiers qui mettaient en lumière la méthode utilisée par Gabriel Nahas pour infiltrer l’Académie de médecine, les médias et les milieux politiques, la moutarde m’est montée au nez et j’ai écrit un article incisif… pour lequel, le professeur Nahas m’a poursuivie en justice. Alors oui, j’ai été précipitée dans l’arène.

Bien sûr, ce procès n’est pas étranger au fait que Sensi Seeds m’ait fait l’honneur de créer, en 2017, une variété qui porte mon nom, la Michka, pour ma « contribution remarquable à la connaissance du cannabis ». Ils ont veillé à ce que ce soit une variété comme je les aime, une Haze, avec un high très clair. Encore un cadeau de mon amie l’herbe.

NWD : La descendance de Gabriel Nahas survit en la personne de Jean Costentin, qui reste le seul scientifique français encore capable de parler de la théorie de l’escalade, argument pourtant réfuté dans les années 1970. N’avez-vous jamais eu l’envie de réécrire à ce sujet et aussi frontalement après votre condamnation à 1 franc symbolique ?

M : J’ai beaucoup donné de moi-même pour ce procès. Quand il s’est terminé, je suis partie, avec mes enfants et leur père, dans ma « cabane » au Canada, et je me suis immergée dans la nature, dans la vaste forêt, soulagée de ne plus entendre le mot « cannabis », et de pouvoir penser à autre chose. J’avais vraiment besoin d’un break.

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Mais ce procès m’a beaucoup appris. La tactique du professeur Nahas (paix à son âme !) consistait à organiser des conférences de presse pour présenter des études menées de façon déplorable, qui « démontraient » les dangers du cannabis. Cette pseudo science arrangeait le pouvoir en place, aussi le professeur était-il protégé. Au point qu’il avait même réussi à publier un article truffé d’erreurs grossières dans une respectable revue scientifique dotée d’un comité de lecture, dispositif pourtant destiné à éviter ce genre de dérapage. J’ai beaucoup appris sur la manipulation de l’opinion publique.

NWD : Dans cette affaire, on retrouve à vos côtés des personnes qui, encore aujourd’hui, ont une certaine aura dans le milieu du cannabis, Francis Caballero, Bertrand Lebeau. Vous dites n’avoir jamais fait partie des associations, et vous devez voir aujourd’hui qu’elles n’ont pas l’ampleur nécessaire pour infléchir les réglementations. Quelle peinture faites-vous de la situation française, à la fois sur le constat politique et sur les efforts militants ?

M : En réalité, je me suis inscrite, de façon symbolique, aux associations de l’époque. Mais j’ai un côté électron libre, j’aime pouvoir improviser. Deux personnes très motivées, trois à la rigueur, obtiennent souvent des résultats remarquables avec des tactiques de guérilla, sans la lourdeur d’une association en bonne et due forme. En tout cas, c’est l’approche qui me convient. Pour moi, c’est plus fun et plus efficace.

J’ai la conviction intime que les hommes et les femmes politiques les plus en vue sont une sorte de façade, que les véritables enjeux se jouent ailleurs, si bien que la scène politique ne m’intéresse pas. Ce qui me motive, c’est de participer aux transformations profondes de la société, c’est d’accélérer notre mutation – le passage d’un monde compétitif, violent, où certains choisissent encore de faire la guerre, à un monde coopératif et bienveillant, où chacun a conscience de l’unité du vivant.

NWD : On a du mal à imaginer l’ambiance folle des Cannabis Cups de l’époque. Vous avez eu l’opportunité de rencontrer les plus grands noms du cannabis entre les Nevil, Ben Dronkers, Jack Herrer, Dennis Peron… des noms connus tout juste des militants et des growers. Comment poursuivre leur héritage et faire circuler leur histoire ?

M : Au tout début des années 1990, pour moi qui habitais dans une France lourdement répressive, découvrir l’ambiance alors totalement tolérante d’Amsterdam était une expérience magique. Les coffee shops, très nombreux à l’époque, apportaient au monde une éclatante démonstration : oui, il était possible d’avoir pignon sur rue et de vendre de l’herbe comme n’importe quel autre produit. C’était une grande première !

Ces Cannabis Cups étaient organisées à Amsterdam par le magazine High Times, qui y faisait venir les grands pionniers américains de l’époque. C’était donc, chaque mois de novembre, une joyeuse fête, au cours de laquelle nous dégustions, entre autres joyaux, les variétés mythiques obtenues par Nevil, comme l’inoubliable Neville Haze d’alors.

C’est en compagnie de Dennis Peron, qui fut un artisan majeur de la première légalisation du cannabis thérapeutique, en 1996, que j’eus, cette année-là justement, une épiphanie : ce que j’avais de mieux à faire pour servir la cause… c’était non plus d’écrire des livres faisant appel à la raison, mais de me livrer à une mise à nu quant à ma vie et mon rapport à cette plante controversée. C’est ce qui a donné naissance à une série, dont La grande dame du cannabis se dévoile est le nouvel épisode.

Ayant vécu ces années-là, je contribue à les faire vivre.

NWD : Vous avez édité la biographie de Mila, la Reine du Hash. Je viens de relire son interview, et je me rends compte que vous partagez certains traits de vie : « êtes tombée amoureuse plusieurs fois, avez eu plusieurs enfants aussi […] et vous avez toujours continué à aller de l’avant ». Est-ce ce qui fait votre amitié ?

M : Les femmes sont encore rares sur le versant THC du cannabis. Quand j’ai connu Mila, à la toute fin des années 1980, nous étions à peine quelques unes. Je me souviens que, la première fois que nous nous sommes rencontrées, nous avons parlé livres. Vingt-cinq ans plus tard, il est particulièrement gratifiant de publier sa belle autobiographie. Sensiblement du même âge, nous partageons un amour des plantes et de la liberté, nous avons le sens de l’aventure et nous demeurons déterminées à faire ce que nous aimons.

NWD : Vous êtes aujourd’hui grand-mère, et vous consommiez déjà du cannabis en étant mère. Comment avez-vous abordé ce sujet avec vos enfants puis vos petits-enfants ?

M : Avec mes enfants, tant qu’ils étaient trop jeunes pour comprendre de quoi il s’agissait, la seule consigne était de ne pas en parler hors de la maison. Plus tard, lorsqu’ils ont été en âge de comprendre, j’ai veillé à leur inculquer quelques principes de base. La cigarette est plus addictive que le cannabis. Donc ne pas les mélanger. Si l’on veut fumer du tabac, le fumer seul, séparément. Et veiller à ce qu’il ne contienne pas d’additifs.

Avec mes petits-enfants, je suis transparente, comme je l’ai été avec mes enfants.

NWD : Une phrase m’a marqué. Vous parlez de voyage sur le pouce, d’imprévu, de découverte comme d’une « activité qui fait rencontrer des gens sympathiques, car les autres passent leur chemin ». Ne serait-ce finalement pas ce qui vous a guidée jusqu’à aujourd’hui ? Les bonnes ondes protègent-elles des mauvaises ondes ou font-elles juste qu’on s’en désintéresse ?

M : Veiller à baigner dans de bonnes ondes, c’est fondamental. Car la fameuse « loi de l’attraction » (nous attirons ce que nous sommes) fait que, lorsque nous sommes dans une vibration positive, nous attirons des évènements et des gens sympathiques. C’est ce que j’appelle « l’écologie spirituelle » : veiller sur la qualité des idées que nous accueillons dans notre mental, des émotions que nous accueillons dans notre corps. En nous focalisant exclusivement sur ce qui nous fait du bien en profondeur, nous créons ce monde nouveau auquel nous aspirons.

NWD : Vous avez déjà vécu 10 vies et attendez avec impatience la 11ème. Que peut-on vous souhaiter Michka ?

M : Des lecteurs et des lectrices inspirés par mon livre. De nouvelles aventures qui me fassent découvrir des territoires inconnus. Des compagnes et des compagnons de route avec qui cheminer dans la joie…

Michka, la grande dame du cannabis est d’ores et déjà disponible au format e-book et le sera au format papier à partir du 16 juin 2020 chez les revendeurs listés ici..

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Aurélien a créé Newsweed en 2015. Particulièrement intéressé par les régulations internationales et les différents marchés du cannabis, il a également une connaissance extensive de la plante et de ses utilisations.

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