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[INTERVIEW] Franck Milone de LaFleur : « nous aspirons à être le premier producteur français de cannabis médical aux standards pharmaceutiques »

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LaFleur cannabis en France

Salut Franck. Tu es le fondateur de LaFleur, une entreprise française de cannabis médical. Peux-tu nous (ré)expliquer le projet de LaFleur ?

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Effectivement, j’ai fondé DelleD en 2014 et LaFleur est la branche spécialisée en développement pharmaceutique à base de cannabis. Nous avons démarré sur la partie agronomique à travers le développement d’une expertise sur la lumière horticole pour la production en environnement contrôlé (l’optimisation et la standardisation de sa production) puis sur l’utilisation des actifs de la plante dans le domaine de la santé (améliorer les solutions thérapeutiques pour les patients de différentes maladies qui pourraient en bénéficier).

J’ai dès l’origine souhaité monter des projets de recherches, car je sais que l’acceptation du cannabis par le monde médical et scientifique passe par là, ayant été moi-même confronté aux professionnels de santé qui n’y croyaient pas. Et c’est aussi la recherche qui permettra de développer de nouvelles thérapies. Avec la législation et ses contraintes réglementaires, l’enjeu a été de dépasser cela et de mettre en œuvre des projets de recherches.

LaFleur est mobilisée pour faire évoluer l’environnement règlementaire depuis toutes ces années pour la recherche et pour le bénéfice des patients. Celles-ci contraignent les chercheurs dans leurs démarches scientifiques et empêchent les patients d’avoir accès à des innovations thérapeutiques à base de cannabis. En tant que société, nous sommes aussi contraints dans nos actions pour le développement des innovations.

Qu’on se le dise, une potentielle généralisation du cannabis médical attirera forcément de nombreuses personnes pour y travailler, monter des entreprises, avec peut-être une vision idéalisée de ce qu’on voit aux Etats-Unis / Canada. Si les dispositions légales ne sont pas les mêmes, un des points communs sera probablement qu’on ne lance pas un projet de cannabis médical seulement avec des connaissances sur le cannabis. Le cannabis médical est notamment un champ entrepreneurial très onéreux. Comment as-tu réussi à financer LaFleur, dans un contexte français très fermé ? Quels ont été tes plus gros obstacles ?

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Ca a été six ans de parcours du combattant pour trouver des fonds. On a vendu la maison que mon père nous a laissé à son décès et j’ai investi tout ce que j’avais pour financer la société. Pendant la recherche de fonds, les financeurs prenaient la thématique à la légère, ça n’était pas pris au sérieux, même par des fonds d’investissement spécialisés en santé et en végétal. Combien de fois j’ai entendu des chargés d’investissement me dire “que le cannabis est trop clivant”, comme si cela prenait le dessus sur le fait de pouvoir aider des malades.

Aujourd’hui, c’est un peu différent, les gens voient le cannabis comme une ressource potentielle de revenu à court terme, un quick win, et quand on leur présente les barrières financières ou réglementaires, ça change, le cannabis thérapeutique n’apparaît plus si intéressant que cela.

C’est pourquoi, notre approche a été de se construire et d’orienter notre travail sur le long terme. La majorité des laboratoires pharmaceutiques travaille sur des substances et des molécules chimiques. Notre différence réside dans l’étude des actifs d’origine de plantes à travers des technologies de pointe, ce qui est très peu courant dans l’industrie pharmaceutique moderne. Ainsi, en juillet dernier nous avons réussi à lever 3 millions d’euros auprès d’un investisseur privé qui permettent à LaFleur de poursuivre le développement d’un nouveau traitement en oncologie à base d’actifs du cannabis. Cela nous permet aussi d’accéder à de nouveaux financements complémentaires.

L’objectif de LaFleur est de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production agronomique au développement de spécialités pharmaceutiques mais également être ouverts aux partenariats avec d’autres entreprises pharmaceutiques en vue de maximiser les solutions thérapeutiques pour les patients. LaFleur se développe comme un leader de la recherche à la production.

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Tu t’es rapproché un moment d’InVivo, un des plus gros groupes agricoles en France. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné avec eux ? Ils n’étaient finalement pas intéressés par le cannabis ? Ou refroidis par le manque d’avancement de la législation ?

Oui, ils nous ont repérés lorsqu’on a été lauréat du concourt de start-up au salon de l’agriculture de Paris en 2018 avec notre projet Hortimind (éclairage horticole et intelligence artificielle). Nous avons donc initié une collaboration avec la Food&Tech, la branche innovation du groupe InVivo, qui ne s’est pas concrétisée car le projet LaFleur ne générait pas assez de cash-flow à court terme, le marché était incertain et les volumes de production trop faibles pour…une coopérative agricole. Et nous sommes un laboratoire pharmaceutique, cela s’éloigne du cœur de métier d’InVivo.

Tu as raison, avec un marché et une législation peu lisibles, les investisseurs qui cherchent une traction marché et un revenu immédiat sont refroidis. Sans oublier que notre besoin global de financement est de 40 millions d’euros, LaFleur a choisi de se concentrer dans les domaines où le cannabis doit encore faire ses preuves et pour lesquelles la recherche doit être renforcée…

Une première étude préclinique a ainsi été initiée en 2018 et visait à évaluer si l’utilisation des cannabinoïdes est efficace dans le traitement de certains cancers. L’enjeu de notre projet n’est donc pas simplement de produire du cannabis à visée thérapeutique mais bien de commencer à construire les conditions d’émergences de spécialités pharmaceutiques pouvant pourvoir à une autorisation de mise sur le marché́.

Notre positionnement autour de la recherche permet de mettre en évidence les projets déjà en cours, de mettre en exergue les résultats des projets déjà menés. Nous œuvrons pour l’intérêt général des patients et du corps médical en vue d’adapter les traitements aux patients et à leurs pathologies. Nous faisons tout pour que nos projets de recherche nous permettent de commercialiser nos produits pharmaceutiques issus du cannabis à horizon 2024.

Participeras-tu à l’expérimentation du cannabis thérapeutique ? Et seras-tu finalement le seul Français à le faire ?

Nous avons déposé notre dossier de candidature le 24 novembre dernier pour participer à l’expérimentation lancée par l’ANSM autour de l’usage du cannabis à visée thérapeutique.

C’est une avancée historique qui mobilise LaFleur en tant qu’acteur économique et m’émeut à titre personnel en tant que patient atteint de la sclérose en plaques depuis maintenant plus
de 10 ans.

Au sein de LaFleur, nous attendions ce moment depuis des années et continuons de nous mobiliser pour qu’un accès à l’usage médical du cannabis soit rendu disponible en France. Après avoir réalisé une première levée de fonds cet été, nos investisseurs sont prêts à nous suivre sur ce projet d’expérimentation.

Aussi, le récent décret du 7 octobre 2020 relatif à l’expérimentation de l’usage médical du cannabis est un premier pas mais il faut à présent pouvoir produire des produits du cannabis thérapeutique en France. C’est pour cela que nous ne pourrons pas participer à l’expérimentation.

Nous travaillons néanmoins depuis début 2020 à la mise en place d’une production de cartouche sécurisée de cannabis en France en vue de participer à l’expérimentation et sécuriser l’usage des fleurs de cannabis tout en recueillant des données sur l’usage à travers un dispositif médical connecté.

Nous espérons en ce sens que la décision de la commission des stupéfiants des Nations unies du 2 novembre 2020 approuvant la « reclassification » du cannabis et de sa résine dans les conventions internationales, reconnaissant de fait son utilité médicale, permettra la publication d’un décret autorisant la production et la fabrication de médicament à base de fleur de cannabis sur le sol national.

La pandémie du covid-19 et les exemples étrangers témoignent du fait que la souveraineté est devenue un paradigme incontournable de nos politiques de santé actuelles et futures.

Qu’est-ce qui t’a poussé à travailler spécifiquement sur le sujet ?

J’ai été diagnostiqué à l’âge de 18 ans d’une sclérose en plaques à la suite d’une crise neurologique. J’ai été confronté comme de nombreux malades aux limites des thérapies existantes et la complémentarité que pouvaient procurer des produits issus du cannabis. En tant que patient, je connais la difficulté pour les dizaines de milliers de malades qui ont besoin d’avoir accès de manière légale à un traitement à base d’actifs du cannabis. C’est pourquoi je me suis engagé́ très tôt dans cette voie en créant cette société spécialisée à seulement 22 ans.

Aujourd’hui en tant que patient entrepreneur, je suis fier d’avoir créé LaFleur pour aider et interagir avec les patients et le corps médical. Je connais l’importance du suivi des avantages thérapeutiques et des effets secondaires afin de garantir la sécurité de tous et d’apporter une réponse aux besoins croissants des populations confrontées à une prévalence accrue des maladies chroniques.

Tu fais aujourd’hui partie des pionniers du cannabis médical en France, en ayant par exemple eu une autorisation d’importation de cannabis pour tes projets de R&D. Mais tu étais déjà pionnier sur les LED horticoles avec ton entreprise DelleD, à une époque où la HPS était encore reine. Est-ce que ton expérience sur ce sujet pourra rejoindre ton projet de cannabis thérapeutique ?

Ahah, tu as tout à fait raison, c’est comme cela que je l’ai pensé, la boucle est bouclée. En effet, le développement et la commercialisation de LED Horticole est l’activité historique de DelleD. Mise en stand-by d’un point de vue commercial, car on est focalisé à 100% sur la recherche, elle reste néanmoins stratégique pour le projet d’entreprise dans son ensemble. La marque Horticoled est notre marque de conception et distribution d’éclairages horticoles LED à destination des professionnels et amateurs de l’horticulture/agriculture, dans un cadre de culture en intérieur.

L’un des objectifs à moyen terme de DelleD est de finaliser la transition de la marque Horticoled vers la marque Hortimind qui vise à proposer une solution globale de pilotage intelligent de la lumière artificielle LED appliquée aux cultures maraîchères et horticoles en vue d’optimiser la production des plantes et le suivi des cultures et d’améliorer à terme la performance économique et environnementale de notre site industriel.

Le développement du projet LaFleur requiert la construction d’un bâtiment sécurisé spécifique pour la sélection variétale, l’optimisation et la standardisation de la production végétale ainsi que la construction d’un bâtiment spécifique, sécurisé et robotisé de production de cannabis à visée thérapeutique.

En vue de produire de manière optimisée et sécurisée du cannabis à usage médical en environnement confiné, nous équiperons notre site industriel de la solution Hortimind afin de maîtriser les aspects liés à la production et l’exploitation des plants et fleurs de cannabis.

 Tu es désormais installé à Angers. Pourquoi es-tu là-bas ? Les entreprises voisines sont-elles au courant qu’elles côtoient un des potentiels futurs sites de culture de cannabis en France ?

LaFleur a compris que lorsque l’on souhaite travailler dans le domaine du végétal, Angers s’impose comme la référence sur le plan international. En effet, le végétal est une spécialité angevine depuis deux siècles et demeure le repère en matière de production, formation et recherche avec près de 450 experts (chercheurs, ingénieurs et techniciens) mobilisés sur le végétal et plus de 2 500 étudiants.

Par ailleurs, la présence de Vegepolys Valley, pôle de compétitivité du végétal, avec qui nous collaborons depuis plus de 5 ans maintenant soutient et rassemble les acteurs de toute la chaine de valeur du végétal, de la génétique aux usages. Les membres innovent pour le végétal, sur le végétal et par le végétal. Ce réseau public-privé, pluri-filières, pluri-métiers, réunit toutes les expertises de l’amont à l’aval en passant par la production.

Cette concentration de savoir-faire sur le territoire angevin permet ainsi au projet LaFleur de se développer dans les meilleures conditions et lui confère son ambition de développer un pôle d’excellence en matière de cannabis thérapeutique.

Le cannabis médical a pris son temps pour venir en France. Il y a des chances qu’il prenne aussi son temps pour se généraliser et être réellement accessible, à l’image des difficultés que rencontrent les patients au Royaume-Uni. Quelle que soit l’approche que choisit la France, comment s’inscrira LaFleur dans le futur programme de cannabis médical ?

Fiers d’œuvrer en France pour la santé des malades, nous aspirons à être le premier producteur de cannabis médical aux standards pharmaceutiques et à concevoir des produits à base de cannabis aux patients. Nous savons que pour que le cannabis soit intégré comme tout médicament, les médecins doivent être pleinement convaincus que la balance bénéfices / risques des produits est en faveur de la prescription pour les maladies lourdes.

Les pharmacies d’officine et d’hôpitaux sont également des éléments centraux dans la réussite du cannabis thérapeutique en France. Il faut que toute la filière médicale s’empare de cet outil qui peut être une véritable révolution en santé.

C’est pourquoi nous continuons à faire progresser la science autour du cannabis médical pour que la valeur thérapeutique et les risques des médicaments à base d’actifs du cannabis soient pleinement compris. A travers le projet LaFleur, j’estime qu’il est essentiel de faire évoluer les connaissances scientifiques actuelles dans ce domaine. Notre programme de recherche préclinique et clinique est conçu dans cette optique et c’est pour moi la condition sine qua none de la réussite d’un programme national de cannabis thérapeutique.

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Aurélien a créé Newsweed en 2015. Particulièrement intéressé par les régulations internationales et les différents marchés du cannabis, il a également une connaissance extensive de la plante et de ses utilisations.

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