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Gilbert-Luc Devinaz : « La légalisation est la moins mauvaise solution »

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Le sénateur socialiste va prochainement déposer, avec son groupe parlementaire, une proposition de loi pour légaliser le cannabis en France. Une nouvelle tentative qui a peu de chances d’aboutir, mais qui poursuit le débat. Newsweed l’a rencontré, au Sénat.

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Newsweed : En 2015, une proposition de loi pour légaliser a échoué au Sénat. A l’Assemblée nationale, d’autres textes ont aussi été rejetés en 2017, 2018, 2019 et 2022. Cette fois, vous y croyez ?

Gilbert-Luc Devinaz : Non. Mais on perd uniquement les combats que l’on ne mène pas (il rit).

Mais alors, pourquoi tenter votre chance si vous n’y croyez pas ?

Je pense que le débat est toujours enrichissant. Au Parlement, on est là pour parlementer. C’est toute la force d’une société démocratique. C’est vrai que porter une loi qui ne passe pas, c’est frustrant. Mais il y a aussi un côté réjouissant d’avoir pu débattre. C’est mieux que le silence.

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Votre proposition de loi est-elle déjà rédigée ? Allez-vous recevoir des associations spécialisées dans le cannabis pour écouter leurs propositions ?

Non, elle est en cours de rédaction. Normalement, elle sera déposée à la fin 2022. Nous avons déjà entendu l’ex-députée Michèle Victory, l’économiste Christian Ben Lakhdar, le représentant de NORML France Hugo Bessenay. Et nous souhaitons auditionner des magistrats, des forces de l’ordre, des médecins… Les portes ne sont pas fermées.

Il existe plusieurs modèles de légalisation du cannabis, parmi les pays qui ont sauté le pas. Lequel devrait-on suivre en France ?

Il y a plusieurs points importants à définir. Le premier est l’âge. Doit-on autoriser les jeunes de 18 ans à acheter légalement du cannabis ? Les médecins, eux, recommandent d’éviter d’en consommer avant 25 ans. Entre 18 et 25 ans, nous devons trouver un juste milieu. Il ne faut pas définir un âge trop tardif, au risque d’alimenter un marché noir parallèle. Ensuite, le prix. Il doit, lui aussi, ne pas être trop élevé, comme les cigarettes. Également, nous devons définir où pourrait-on acheter du cannabis. Nous sommes favorables à un lieu spécifique, comme les boutiques de CBD. Et puis, pour finir, il faut déterminer le rôle de l’État.

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A ce propos, êtes-vous favorable à un monopole public, comme au Québec par exemple ?

(Il hausse les épaules) La France l’a bien fait avec le tabac ! Je ne suis pas favorable à la libre-entreprise du commerce de cannabis, car le but est de faire baisser le nombre de consommateurs, pas de l’augmenter. On ne va peut-être pas demander à l’État de se transformer en cultivateur de cannabis… mais on peut imaginer un modèle où il délègue aux agriculteurs, et contrôle strictement la qualité du produit.

Le Luxembourg vient d’autoriser l’auto-culture de cannabis, le gouvernement allemand veut déposer un projet de loi pour légaliser son commerce d’ici la fin de l’année. En France, le gouvernement a renforcé la répression avec une amende de 200 euros. Pourquoi ce décalage ?

La France est conservatrice. Nous avons historiquement une mauvaise image du cannabis. D’abord parce que c’est une drogue qui vient des colonies (le Maroc, premier producteur de cannabis, a été un protectorat français pendant 40 ans). Ensuite, car le cannabis est associé aux manifestations de Mai-68, au mouvement hippie, et tout cela a fait peur au pouvoir de l’époque. Et puis les opposants à la légalisation pensent que d’autoriser le cannabis revient à autoriser les gens à se droguer. Enfin, il y a beaucoup de trafiquants qui n’ont aucun intérêt à la légalisation.

Selon vous, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin est-il un frein ?

Il pense que la prohibition fait baisser la consommation de cannabis, alors que non. Selon lui, il faut augmenter le nombre de forces de l’ordre, engorger les tribunaux. Mais ça ne marche pas comme ça. Et puis il pense aussi à 2027, en pensant séduire un électorat de droite avec un discours axé sur la sécurité.

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