Cannabis en France

Gérald Darmanin livre 4 minutes 20 de mensonges prohibitionnistes

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Edito. Si je devais faire un article pour corriger toutes les contre-vérités véhiculées sur le cannabis à la télé ou dans les journaux, je n’aurais plus le temps de vivre. Mais cette fois-ci, l’intervention de Gérald Darmanin au micro de BFMTV lors de sa sortie à Condé-sur-Sarthe méritait que l’on s’y attarde.

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Le contexte de sa prise de parole est la reconnaissance de l’échec de la prohibition en France la sortie du rapport de Messieurs Mendes et Léaument appelant à une légalisation du cannabis, dont la nécessité se fonde selon eux notamment sur l’échec des politiques personnifiées par les différents ministres de l’Intérieur depuis 50 ans et portées par leur entourage politique, présidents compris, et leurs conséquences : développement d’un marché noir, consommation des jeunes, accès facile, privation des droits humains, politique du chiffre, etc…

M. Darmanin a tout a fait le droit de s’opposer à une légalisation. Mais qu’il le fasse avec des arguments valables car ce n’est pas moins de 20 mensonges ou contre-vérités auxquels nous avons le droit en 4 minutes 18 de vidéo. Face à cette submersion, je ne pouvais pas rester de marbre.

« Le cannabis a des taux de THC extrêmement importants »

Non, le cannabis en circulation en France n’a pas des taux de THC extrêmement importants. Elle est en moyenne de 29% en 2023 dans la résine de cannabis (une forme concentrée de cannabis qui se consomme en petites quantités) et de 14% dans l’herbe. Source : OFDT.

Certains « extraits » peuvent contenir des taux beaucoup plus forts et se consomment comme on déguste un whisky plutôt que comme on engloutit une bière. Le cannabis, ça s’apprend quand on n’est pas obligé de se cacher.

« Les taux importants de THC poussent à la dépression, au suicide, à la déscolarisation »

La relation entre des niveaux élevés de THC et des problèmes de santé mentale tels que la dépression, le suicide ou le décrochage scolaire est complexe et dépend de multiples facteurs, notamment des facteurs individuels, la fréquence de consommation, l’âge du début de la consommation et la santé mentale en général.

De manière générale, la consommation intensive de cannabis à forte teneur en THC, en particulier chez les jeunes, peut être nocive et accroître les problèmes de santé mentale. Mais prendre l’argument du pire pour en faire l’épouvantail d’une consommation « normale » est totalement fallacieux.

Une légalisation interdit de toute façon la consommation aux jeunes, qui ne se verront pas acceptés dans les magasins où le cannabis est vendu. Elle ouvre aussi la parole sur les consommations problématiques qui doivent être prises en charge par un volet sanitaire.

« Proposer une légalisation, c’est donner des coups de poignards aux mères de famille qui élèvent seules leurs enfants »

Je le laisse seul juge de cette déclaration, moi je cherche toujours le rapport.

« Proposer une légalisation, c’est aller contre les règles et l’ordre »

Proposer une légalisation, c’est… réguler. Mettre des règles là où il n’y en a pas. Le marché noir, lui, n’a pas de règles. Ou celle du plus fort ou du plus discret.

« La drogue est un coup de poignard donné à la société »

L’Homme consomme des drogues depuis Mathusalem. La drogue fait partie de la société, et M. Darmanin en est consommateur.

« Il n’y a pas de société qui a réussi à dépénaliser ou légaliser la drogue sans d’énorme augmentation de consommation »

C’est faux. Les sociétés légalisent alors que la consommation de cannabis préexiste. Les statistiques post-légalisation montrent des augmentations de consommation chez les adultes, expliquées généralement par les pays ou Etats par une facilité d’avouer sa consommation ou l’attrait d’une nouvelle substance. Il n’y a pas « d’énormes » augmentations.

Au Canada, on voit aujourd’hui plus de personnes qui expérimentent par an qu’avant mais moins de consommateurs réguliers.

« Légaliser, c’est rendre un marché légal supplémentaire »

Interdire, c’est rendre une activité interdite. Merci Gérald.

« Une personne qui vend aujourd’hui illégalement du cannabis ne voudra pas demain appeler les impôts et l’URSSAF pour ouvrir un commerce légal »

La fable du dealer fainéant qui ne voudra jamais ouvrir de magasin légal. Là encore, la technique de l’épouvantail. Tous les dealers passeront-ils au marché légal ? Evidemment pas, encore moins si on ne les incite pas à le faire. Mais aucun dealer ne le fera ? Le Canada ou les Etats-Unis nous montrent l’inverse. Et vous pouvez regarder une super vidéo sur le sujet.

« Les échoppes classiques de vente de cannabis en Belgique et en Suède »

Ha oui, les fameuses échoppes suédoises de vente de cannabis. La 8.6 dès le matin, pas évident.

« Après avoir légalisé le cannabis, la première cause de mortalité aux Etats-Unis est la drogue avec le fentanyl »

Par deux fois (j’y reviens infra), Gérald Darmanin sous-entend que la crise des opiacés aux Etats-Unis est provoquée par les légalisations du cannabis. Or, historiquement, la crise des opiacés a commencé dans les années 90 et le fentanyl a débarqué sur tout le territoire en 2013, alors que même la Californie, un des premiers Etats à le faire, n’avait pas légalisé le cannabis. Les Etats américains légalisent d’ailleurs le cannabis pour juguler la crise des opiacés. C’est donc tout l’inverse.

« Certains Etats reviennent en arrière (Suède, Pays-Bas) »

La Suède, très certainement, si Gérald y a connu des échoppes de cannabis [ndlr : il n’y en a jamais eu]. Les Pays-Bas vont plutôt très en avant en légalisant la production à destination des coffeeshops.

« Ce qui sera vendu en boutique ne sera pas aussi fort en THC que ce qui est vendu au marché noir » à cause de l’Autorité de Santé qui limitera le taux de THC

J’ai une solution simple : ne pas limiter les taux de THC dans les produits légaux. Oui, je sais, fallait y penser.

« Les consommateurs de cannabis iront chercher la drogue là où elle est la plus forte »

C’est bien connu, je vais toujours acheter mon vin de noah chez le bouilleur de cru clandestin alors que de la bière est vendue partout autour de moi. En intraveineuse le vin, d’ailleurs. Les drogués cherchent les sensations fortes à tout prix et veulent tout le temps se mettre carpette.

« Nous mettrons une taxation à la hauteur du tabac qui favorisera les achats au marché noir »

Si j’étais ministre de l’Economie ou de la Santé, je dirais que c’est une mauvaise stratégie. Mais qui suis-je pour juger ?

« Le marché légal ne remplacera pas le marché illégal »

Canada. 5 ans de légalisation. 75% de marché légal.

« Les vendeurs de cannabis aujourd’hui ne croient pas en leur produit comme un producteur de vin. Ils iront donc vers des drogues plus dures en cas de légalisation »

Jolie analogie entre le cannabis et le vin. Il y a peut-être un espoir. En revanche, les consommateurs de cannabis n’iront pas acheter de l’héroïne parce que le cannabis est légal. Ou si ? Parce que les drogués veulent toujours se mettre carpette. M’voyez ?

« Le fentanyl et la cocaïne se développent car les vendeurs de cannabis ont perdu un business »

Pour le fentanyl, nous avons vu précédemment que c’était n’importe quoi. Pour la cocaïne, l’épidémie aux USA, c’était dans les années 80 et 90. Alors oui, nous assistons aujourd’hui à une recrudescence de la production et des saisies de cocaïne dans le monde. Tout ça parce que le Luxembourg a autorisé l’autoculture. C’est fou, non ?

« Légaliser est déresponsabilisant »

Dans ce cas-là… interdisons la conduite automobile, c’est dangereux, ça tue et ça déresponsabilise.

« Le narcotrafic est une menace pour la santé et la sécurité intérieure. Je m’inscris donc en faux sur la proposition de légaliser »

Juger qu’une activité illégale est une menace mais ne pas vouloir tenter de la juguler autrement qu’avec une politique qui fait son lit, c’est un concept. C’est français.

« Aucun pays qui a légalisé ou dépénalisé le cannabis n’a par ailleurs organisé la production du cannabis »

Alors là Gérald, tu nous as gardé le meilleur pour la fin. C’est sûr qu’étant à la Justice après être passé par l’Intérieur, le sujet t’est étranger.

Petit rappel donc : les Conventions Internationales sur les stupéfiants « empêchent » le commerce de cannabis non-médical. TOUS LES PAYS qui légalisent la vente de cannabis organisent donc une production légale de cannabis. Dans les faits, TOUS LES PAYS se limite au Canada ou à l’Uruguay, les autres pays ayant « légalisé » n’autorisent pour l’instant pas la vente (Allemagne, Luxembourg, Malte, Géorgie).

 

Note finale : NORML France a également publié un fil Twitter sur le sujet avec des éléments de leur dernier rapport.

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