Cannabis en France
Une majorité de Français pour la légalisation du cannabis
C’est une première historique. Quelques heures avant que ne se tienne le Colloque sur la légalisation du cannabis au Sénat le 10 octobre, un sondage IPSOS réalisé à la demande de SOS Addictions, de Sciences Po et du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), révèle que 52% des Français jugent que la vente de cannabis sous le contrôle de l’Etat serait « plus efficace que l’interdiction pour lutter contre le trafic », et cela sans distinction géographiques (grandes villes, zones rurales) ou de profession.
Alors qu’on aurait pu penser que les +35 ans aient un avis différent que les -35 ans, catégorie d’âge représentant le gros des fumeurs de cannabis français, le clivage semble en fait s’opérer chez les 60 ans et + qui sont plutôt réfractaires et ne sont que 41% à être en faveur d’une légalisation (56% pour les -35, 55% pour les 35 à 59 ans).
Le précédent sondage, réalisé en avril 2016, indiquait que 59% des Français étaient contre la légalisation du cannabis. Le changement s’avère donc rapide dans les mentalités, sans doute poussé par les questions de sécurité et de règlements de compte à Marseille et les incessantes et importantes saisies réalisées par les Douanes.
Ce sondage révèle d’autres chiffres intéressants. 84% des Français, une importante majorité, juge que la loi de 1970, qui interdit actuellement la consommation et le commerce du cannabis en France, est inefficace pour limiter le trafic et la consommation de cannabis, de manière unilatérale (classes d’âge, répartition géographique ou profession).
Par ailleurs, à l’approche des élections, une courte majorité de Français, 52%, souhaite que le sujet soit abordé dans la campagne présidentielle à venir et que les candidats prennent position sur l’évolution de la législation sur le cannabis, surtout chez les +60 ans (62%).
25% des 1097 personnes interrogées déclarent avoir consommé du cannabis au cours de leur vie, dont 4% au cours des 12 derniers mois, une portion similaire aux études précédentes sur la consommation de cannabis en France.
Les possibles candidats à l’élection présidentielle n’ont pas tardé à réagir. Benoît Hamon, qui s’était déjà positionné pour la légalisation du cannabis, a réitéré sa volonté de légaliser, et non pas simplement dépénaliser, pour tuer l’économie parallèle et ramener la République sur les lieux de trafic.
Nathalie Kosciusko-Morizet, députée LR de l’Essonne et candidate à la Primaire de la droite et du centre, s’est, elle, déclarée en faveur d’une dépénalisation pour « envoyer un signal à la jeunesse, continuer à dire c’est interdit parce qu’on pense que c’est problématique en termes de santé ». Cela permettrait selon elle de se doter de moyens de lutte contre la consommation « moins hypocrites et plus efficaces parce qu’on met une contravention », rejoignant les propositions de Jean-Pierre Raffarin en 2003 et de Nicolas Sarkozy en 2007 (il a fait marche arrière depuis).
Ségolène Royal préfère que la vente de cannabis reste dans les mains des réseaux criminels. « La vente de cannabis par l’Etat, ça voudrait dire qu’on a légalisé le cannabis, j’y suis farouchement opposée » a-t-elle réagi sur iTélé. « Le plus grand service que des adultes peuvent rendre à des jeunes, c’est de leur poser des interdits, de leur donner des explications et surtout de tourner leur activité vers des choses qui les motivent, des choses positives ».
Cécile Duflot, seule politique de premier plan à être présente au Colloque sur la légalisation du cannabis, en a profité pour redire son combat de longue date pour une légalisation du cannabis en France, et partager les paroles de Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur, qui a parlé du « manque de courage et de lucidité sur ce sujet » de ses confrères actuellement en fonction.
Et finalement, Marisol Touraine, qui a pris une petite journée pour se lancer, veut un débat sur le cannabis. Elle explique ce jour dans Libération : « A l’évidence, un débat sur cette question s’impose, mais un débat de santé publique. Dire, comme le prétendent certains, que la consommation ne comporte aucun risque et qu’une évolution s’impose pour des raison d’ordre public, cela me paraît irresponsable, et surtout cela ne règle pas le problème de santé publique. Comme ministre de la Santé, je veux qu’un débat ait lieu. On ne peut pas dénoncer les effets du tabac ou de l’alcool et ouvrir le marché du cannabis. La question de la nature de la sanction doit être posée, en lien avec le renforcement des politiques de prévention ».
Affaire à suivre, donc.