Faut-il avoir peur des e-liquides au CBD ?
Le Parisien a publié hier une Une « inquiétante » sur le développement des e-liquides au CBD. Semblables à ceux contenant de la nicotine, ils se consomment à l’aide d’une cigarette électronique et ne provoquent aucun effet psychoactif. Tout au plus, l’usager ressent une légère sensation de détente.
Le cannabidiol (CBD) est extrait du cannabis, une plante à l’utilisation restreinte en France, d’où la comparaison du Parisien avec le « joint électronique » ou le « e-joint ». Mais est-ce vraiment comparable ? Quels sont les dangers potentiels des e-liquides au CBD ? Nous avons interrogé 3 personnes à même de répondre à nos questions.
Jean-Pierre Couteron, Président de la Fédération Addiction
Pour Jean-Pierre Couteron, contacté par nos soins, « les dangers résident avant tout dans des articles de presse qui mélangent tout, en l’occurrence un e-liquide au CBD avec un e-joint. »
« L’utilisation par vaporisation d’un e-liquide aux qualités similaires à celles des e-liquide contenant de la nicotine participe d’une même démarche de réduction des risques et d’accès à une substance en particulier : nicotine dans un cas pour les dépendants, CBD pour d’autres. L’usager cherche à contourner la combustion et ses risques, et à éviter le lien avec les autres substances du tabac ou avec le THC. »
« Sur les vertus thérapeutiques attribuées au CBD, les études sont en cours et les premiers résultats de l’une ou l’autre ne peuvent suffire. Classiquement, une étude n’est pas suffisante.
A ce stade, la littérature laisse apparaître des pistes sérieuses pour une utilisation thérapeutique du CBD, notamment ses vertus anxiolytiques et de régulation des émotions, et des effets anti-inflammatoires, anti-douleurs et anti-psychotiques. C’est pour cela entre autres qu’il entre dans la composition du médicament Sativex, il faut donc accélérer la mise à disposition du cannabis médical. ». Jean-Pierre Couteron a également rappelé hier midi sur RTL que le Sativex n’était toujours pas disponible pour les malades atteints de sclérose en plaques.
Jonathan Cuenca, consultant et chef de projet CBD chez Liquideo
Jonathan est consultant et chef de projet CBD chez Liquideo, l’un des produits présents sur la Une du Parisien. Nous lui avons posé 3 questions :
Peut-on vraiment considérer un e-liquide au CBD comme un e-joint ?
Non, absolument pas, on serait même proche de l’inverse. La première différence est l’absence de combustion. Lorsqu’il est allumé, le joint dégage une quantité conséquente de matière particulièrement toxique pour l’organisme. Mais la plus grande différence est l’absence de THC. Le CBD est une substance non-psychotrope, c’est-à-dire qu il y a un effet sur l’organisme sans altération des sens, à la différence du joint.
A quoi doit-on faire attention quand on achète un e-liquide au CBD ?
L’effet de mode entourant cette substance implique forcément de pouvoir retracer avec efficacité et transparence l’origine des produits. Cette molécule étant présente dans le chanvre, mais pas seulement, peut être extraite de différentes manières. Pour notre part, nous conseillons systématiquement un CBD extrait de manière propre et produit en culture bio organique afin de garantir un produit sain pour la consommation.
Votre e-liquide au CBD a-t-il des indications thérapeutiques ?
Évidemment non, c est simplement une alternative à un mode de consommation que nous considérons impropre et nous mettons sur le marché toute option qui éloigne les gens de la cigarette et du joint.
Un chanvrier du sud de la France
Interrogé par nos soins, un chanvrier du sud de la France, qui a tenu à rester anonyme, nous rappelle que les variétés cultivées en France doivent respecter la limite de 0,2% de THC, et ne montent pas à plus de 6% de CBD. Il insiste également sur le flou juridique autour du CBD qui profite uniquement aux producteurs étrangers.
Alors que nous sommes encore pour un temps les premiers producteurs de chanvre en Europe, le CBD utilisé aujourd’hui dans les produits dérivés vendus dans l’Hexagone vient majoritairement d’Espagne, de République Tchèque, voire de Chine.
En cause pour notre chanvrier, la difficulté d’avoir des réponses de la part des autorités françaises sur ce qu’il est réellement possible de faire ou non ou de faire évoluer les règles actuelles. Les chanvriers français ont souvent à faire avec la Justice à cause de réglementations trop limitantes. Le taux de de THC dépasse par exemple régulièrement les 0,2% dans les champs, en fonction du terrain ou de l’ensoleillement. Au moindre impair, et on parle de moins de 1% de THC, un taux qui n’engage aucun effet psychoactif, les agriculteurs sont traités comme des producteurs de stupéfiants.
Egalement, l’impossibilité d’utiliser les fleurs de chanvre, qui concentrent pourtant la majorité des cannabinoïdes, dont le CBD. Les fleurs doivent être détruites, représentant des millions d’euros jetés à la poubelle.
Il rappelle également que de nombreuses études ont été faites à l’international sur le CBD, un produit finalement sûr, mais ne sont pas reconnues par l’ANSM, qui chercherait toutefois à garder la main sur toute utilisation commerciale du cannabidiol. Le seul choix pour travailler réellement la plante est de s’expatrier à l’étranger, ce que font nombre de ses confrères.
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