Etats-Unis : la guerre secrète de la Maison Blanche contre le cannabis
Un comité de la Maison Blanche appelé le Comité de Coordination des Politiques du Cannabis a ordonné à 14 agences fédérales dont la DEA de lui procurer des données concernant les « tendances négatives les plus significatives » concernant le cannabis et la « menace » qu’il représente. Personne n’a eu vent de la création de ce comité et l’administration Trump n’a pas démenti son existence
Comité secret, désinformation et propagande
Le 27 Juillet, le comité s’est réuni avec des représentants des plus importantes agences fédérales issues du ministère de la Justice, de la Sécurité Intérieure, de la Santé et des Services Sociaux et du Département d’État. La réunion s’est tenue à huit clos et les documents ont été distribués uniquement en interne. C’était sans compter le travail de BuzzFeed qui a réussi à faire éclater l’affaire et a eu accès aux documents. Dans le résumé de la réunion, l’initiative est justifiée par le fait que « le discours dominant sur le cannabis est biaisé, unilatéral et inexact ».
La Maison Blanche estime que « si l’administration est sur le point d’inverser le cours des choses en matière de cannabis, il y a un besoin urgent de communiquer autour des effets négatifs de la consommation, de la production et du trafic de cannabis sur la santé et la sécurité nationales ».
Récemment au Congrès, une loi qui autoriserait les Etats à définir eux-mêmes leur politique en matière de cannabis sans interférence fédérale a été introduite par le sénateur républicain Cory Gardner et la sénatrice démocrate Elizabeth Warren. En soi, le but de la Maison Blanche pourrait être louable si les méthodes utilisées n’étaient pas si douteuses : un comité secret, une propagande fédérale avec un discours non-scientifique et biaisé…
Dans les semaines qui ont suivies la réunion, la Maison Blanche a envoyé aux agences des ministères concernés ainsi qu’à d’autres ministères dont celui de la Défense, de l’Education, des Transports, des Affaires des Vétérans et à l’Agence de Protection de l’Environnement, une note explicative leur indiquant de soumettre un document technique de deux pages identifiant les problèmes et menaces liés au cannabis pour le 10 août. Dans le document, il est demandé aux agences de fournir également « une histoire relative à un incident ou une photo, qui illustre un ou plusieurs des problèmes majeurs relatifs à l’usage, la production et le trafic de cannabis ».
L’objectif est clair : le cannabis doit être décrit en des termes péjoratifs et présenté comme une menace nationale malgré les nombreuses études américaines qui ont montré le contraire. Par exemple, l’approche holistique de l’étude New Yorkaise sur les risques et bénéfices de la légalisation en terme de santé et de sécurité publique concluait que les bénéfices surpassaient largement les risques, ces derniers pouvant être minimisés par une régulation intelligente. Interrogés par Buzzfeed, les agences et les ministères concernés ont refusé de commenter et le Bureau National des Politiques de Contrôle des Drogues (ONDCP) ainsi que le Bureau de Presse de la Maison Blanche en ont fait autant.
Le revirement de Trump
Alors que Trump avait plusieurs fois exprimé son soutien à l’initiative bipartisane qui éliminait l’entrave fédérale pesant sur les politiques de cannabis des Etats, il semble qu’il joue à présent sur deux tableaux. Il tenterait parallèlement de décrédibiliser les Etats qui légalisent et de faire pencher l’opinion publique pour l’instant favorable à la légalisation à hauteur de 63 % selon un sondage de l’université Quinnipiac. Il n’est pas clair encore si Trump est à l’origine de cette initiative où s’il est manipulé par son administration mais d’après Buzzfeed, les rapports dus par les agences allaient servir à le briefer sur les dangers du cannabis. Il se peut qu’il prenne le parti de défendre le droit des Etats tout en maintenant un discours négatif sur le cannabis bien que cette position soit quelque peu paradoxale.
Un journaliste de la Brookings Institution a exprimé sa colère, désignant la collecte d’une information partielle et biaisée comme une « fraude » : « C’est une manœuvre politique lamentable de la part de l’administration (…) La coordination d’une propagande autour d’une question à laquelle le président a apporté publiquement son soutien est sans précédent ». Il fustige le président : « C’est un président qui n’est pas sérieux à propos du droit des Etats et des réformes régulatrices en matière de politique de drogue et qui n’est pas sérieux non plus sur le fait de dire la vérité aux Américains ou aux membres du Congrès de son propre parti ». Il fait ici référence à l’accord passé avec le sénateur républicain Cory Gardner.
Cet accord remonte à la décision de Jeff Sessions, en début d’année, de supprimer le Cole Memorandum mis en place sous l’administration Obama et qui permettait aux Etats de décider de leur propre chef de la légalisation du cannabis. A ce jour, plus de 40 Etats en ont profité. Le Cole Memo a cependant quelques défauts : entre autres, il ne permet pas aux banques et aux assureurs de soutenir le business cannabique du fait de l’interférence fédérale. Le STATE act introduit récemment par Garner et Warren avait pour objectif de rectifier ces défauts en supprimant toute interférence fédérale (il légalise aussi le chanvre industriel). Suite à la décision de Sessions, Cory Gardner avait riposté en convoquant les sénateurs des Etats impactés pour exercer un blocus sur la nomination des membres du ministère de la Justice qui doit être votée par le Sénat au complet. Pour débloquer la situation, Trump a conclu avec le sénateur qu’il soutiendrait le STATE act.
Interrogé sur son éventuel soutien, il avait déclaré (à 11:30min dans la vidéo précédente) : « Oui je le soutiens vraiment. Je soutiens sénateur Gardner (…) Je sais exactement ce qu’il fait. Nous étudions la question. Je vais probablement, à terme, soutenir le projet, oui ». Un représentant démocrate du Colorado, Jared Polis, a critiqué la versatilité de Trump : « Trump va dans tous les sens avec les politiques sur le cannabis, des fois il dit que les Etats devraient choisir mais en même temps il laisse le procureur général et autres prohibitionnistes se déchaîner sans réagir. Si la Maison Blanche fait effectivement de la désinformation sur le cannabis pour miner le droit des Etats, c’est consternant mais pas surprenant pour Trump et son gang de prohibitionnistes ».
Le sénateur Gardner, quant à lui, reste assuré du soutien que le président lui avait exprimé : « j’ai reçu un engagement de la part du président (…) il m’a assuré qu’il soutiendrait une solution législative à l’échelle fédérale pour fixer la question du droit des Etats une fois pour toutes ». Apparemment, il se serait entretenu récemment et fréquemment avec Trump sur la question. Un membre de son équipe a déclaré : « Peu importe l’exactitude de cette histoire, le sénateur Gardner reste confiant dans l’engagement du président ».
Le membre du Congrès Earl Blumenauer s’était quant à lui méfié de la valeur de cet engagement et avait averti : « C’est un autre moment à faire tourner la tête. Nous devrions espérer le meilleur mais ne rien prendre pour acquis. Trump change d’avis constamment ».
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