Egypte: un député prépare un projet de loi pour décriminaliser l’usage de stupéfiants
En Egypte comme en France, les simples consommateurs de drogue, bien que traités différemment des trafiquants, sont soumis à des peines de prison et des amendes. John Talaat, député égyptien membre de la Chambre des Représentants, a préparé un projet de loi visant à remplacer ces peines par des séjours de 3 à 6 mois en clinique. Il a l’intention de soumettre le projet au Parlement égyptien. Face à sa proposition progressiste et ambitieuse, les réactions sont mitigées.
La proposition
La proposition vise à modifier l’article 39 du code pénal qui régit les sanctions pour abus de drogue et prévoit une peine de prison d’au moins un an et une amende entre 50 et 150€. La peine est augmentée si la drogue en question est de la cocaïne ou de l’héroïne. En revanche, la proposition laisse intactes les peines pour trafic de stupéfiants régies par l’article 34 du Code pénal qui prévoit, entre autres, l’emprisonnement à perpétuité.
Malgré des interprétations divergentes, cette proposition équivaut, ni plus ni moins, à une décriminalisation de l’usage de stupéfiants .John Talaat a annoncé la préparation de cette proposition mi-octobre et a conséquemment commencé à réunir les signatures de ses collègues le 21 octobre. S’il parvient à rassembler un nombre suffisant de signatures il pourra présenter sa proposition à l’Assemblée.
Pour justifier ce projet, le député mobilise des arguments économiques et sociaux. Selon lui, cette mesure pourrait permettre de réduire drastiquement les coûts liés à l’emprisonnement des toxicomanes comme la nourriture, les boissons, les déportations etc. Les sommes dépensées pourraient être redirigées vers des institutions de traitement ce qui permettrait, selon le député, de lutter plus efficacement contre la toxicomanie et de mieux préparer les réinsertions sociales. Qui plus est, il explique que ce serait également un moyen de préserver la jeunesse égyptienne, de plus en plus consommatrice, et d’assurer que l’avenir de certains jeunes ne soit pas mis en péril par une condamnation criminelle.
Les réactions
M. Salah Fawzi al Faqih al-Dustouri, membre du Comité suprême de la réforme législative, explique qu’il n’y a aucune objection constitutionnelle ou légale à la proposition du député et qu’elle vaut la peine d’être discutée et débattue. Néanmoins, il pense qu’il est nécessaire de vérifier les arguments du député, notamment celui concernant la consommation accrue de stupéfiants chez les jeunes. Il suggère le développement d’une étude statistique pour déterminer le groupe d’âge des utilisateurs et d’autres facteurs sociaux.
Néanmoins, M. Salah Fawzi al Faqih al-Dustouri n’envisage pas le projet comme une décriminalisation mais bien comme un remplacement de la peine : « Je soutiens la proposition du député car l’abus doit rester criminel pour la société égyptienne pour de nombreuses raisons, on sait comment il affecte l’esprit, l’économie et la vie sociale. Je suis donc partisan de la nécessité de continuer à être puni mais l’idée de remplacer les sanctions est bonne à étudier. Son [celui du député] droit constitutionnel est de proposer des mesures de précaution ou de réparation ».
En revanche, Majdi al-Bassiouni, ancien ministre adjoint de l’Intérieur et expert en matière de sécurité, a annoncé qu’il rejetait totalement cette proposition. Selon lui, son application résulterait en des taux d’abus plus importants car elle apporte une certaine sécurité aux consommateurs de drogues. Selon lui, tous les usagers de drogue ne doivent pas être traités comme des toxicomanes, il existe des cas d’abus qui ne relèvent pas d’une forme de dépendance. Il ajoute que le problème doit être rationalisé par les services de sécurité et le système judiciaire eux-mêmes.
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