Cannabis en France
Des députés français déposent une proposition de légalisation du cannabis récréatif
A l’initiative de François Michel Lambert, élu des Bouches-du-Rhône, une quinzaine de députés ont déposé aujourd’hui une proposition de légalisation du cannabis récréatif. Celle-ci entend mettre en place un monopole étatique de la production et de la distribution du cannabis.
Un constat d’échec
« La politique française de lutte contre le cannabis, essentiellement répressive, n’a pas permis de juguler les trafics et de faire diminuer la consommation. Pire, la demande est en augmentation constante, l’offre se développe, se diversifie et on ne constate aucune efficacité dans les réponses pénales apportées comme dans les dispositifs de prévention », écrit le député en introduction de son texte.
Ce constat d’échec est fait de plus en plus couramment par des élus de tous bords mais également par des intellectuels, des professionnels de santé et des organisations de la société civile. Tout récemment, une tribune cosignée par 70 personnalités publiques fait état de « l’inefficacité de la prohibition » et de la nécessité de réguler la consommation de cannabis récréatif.
Avec l’objectif de mettre fin à la répression, de favoriser les opérations de prévention et de contrôler la qualité des produits, François Michel Lambert propose « de passer d’une politique du tout répressif à une politique d’encadrement régulé de la production, de la consommation et de la vente conjuguée à une politique de prévention en termes de conduite à risque et de santé publique, notamment en direction des plus jeunes et des plus vulnérables ».
La proposition de loi est cosignée par les députés suivants : Sylvia Pinel, Paul Molac, Jean-Michel Clément, Jeanine Dubié, Frédérique Dumas, François Pupponi (Libertés et territoires), Delphine Bagarry, Annie Chapelier, Hubert Julien-Laferrière, Pierre-Alain Raphan et Cécile Rilhac (La République en marche), Régis Juanico (apparenté PS), ainsi qu’Eric Coquerel, Loïc Prud’homme (La France insoumise) et Sébastien Nadot (non inscrit).
Quelle régulation du cannabis ?
François Michel Lambert a une vision bien précise de la légalisation du cannabis. Celle-ci serait entièrement encadrée par l’Etat grâce à la création d’une agence publique : la Société d’exploitation du cannabis (SECA). Cette agence serait chargée de « fournir les semences aux agriculteurs autorisés à produire du cannabis et de conclure avec eux des contrats d’exploitation ». Elle redistribuerait ensuite la production en approvisionnant l’ensemble des débitants. Ce serait à elle également de fixer et d’actualiser annuellement les prix planchers du cannabis et des produits dérivés.
Selon le député, ce monopole étatique permettrait de développer une filière française du cannabis en confiant la production du cannabis aux agriculteurs et la vente aux débitants de tabac. Les producteurs devront déposer une demande d’autorisation préalable d’exploitation auprès de leur préfecture. L’ouverture des débits de vente sera également soumise à l’autorisation préalable du préfet du département et de l’avis positif du maire de la commune concernée.
« La constitution d’un monopole pour la production et la vente du cannabis par la création d’une société nationale, la SECA, permettra de réguler la production et la vente tout en contrôlant la consommation », précise le député. La vente aux mineurs, la consommation dans les lieux publics et la publicité en dehors des débits de vente (dans les débits, des enseignes et affichettes seront autorisées) resteraient interdites, tout comme l’autoculture et le cannabis à partir d’un taux de THC à définir.
Il existe mille et une façons de réguler l’usage récréatif cannabis. Des formes de monopole gouvernemental de la distribution sont déjà en vigueur dans certaines provinces du Canada et ont pour l’instant donné des résultats très mitigés. Cette proposition ressemble au modèle initialement mis en place par le Nouveau-Brunswick, qui avait entièrement laissé la gestion du cannabis au secteur public, et qui réfléchit actuellement à autoriser le secteur privé à produire et distribuer du cannabis en raison de pertes financières considérables.
Interrogé par Newsweed sur ce choix, le député à répondu : « Parce que la société civile est encore méfiante du cannabis, dans une crainte de libéralisme libertaire ceci permet de rassurer par le contrôle de l’Etat de bout en bout. De plus l’administration elle-même s’inquiète d’une non maîtrise publique des acteurs, nous apportons une garantie. Enfin, comme tout monopole d’Etat, ceci permet de structurer une activité nouvelle bouleversant la société dans ce qui fait son équilibre actuel, donc d’avancer progressivement ».
Une proposition nouvelle ?
Cette proposition en apparence innovante n’est en réalité pas si nouvelle. En effet, elle ressemble à s’y méprendre à un « amendement » qu’avait déposé des députés de la France Insoumise pour protester contre l’article 58 du projet de réforme de la Justice qui instaurait l’amende forfaitaire pour le délit d’usage de stupéfiants. Eux-mêmes semblaient avoir repris des éléments d’une proposition de loi déposée en 2017 par le député Noël Mamère.