Contraventionnalisation du cannabis : le gouvernement français avance discrètement
Gérard Collomb a annoncé en mai dernier de manière bien maladroite une contraventionnalisation du cannabis en France dans les 3 à 4 mois. Alors qu’aucune discussion n’a jusqu’à présent été organisée avec la société civile, il semble que le gouvernement ait décidé d’avancer sur le sujet sans communiquer outre-mesure.
De ce que nous avions comme informations jusqu’ici, que nous tirons des travaux des précédents gouvernements et que nous avons présentées à la conférence organisée par le Jour d’Après en juillet, la contraventionnalisation se profilait ainsi : une amende de troisième catégorie serait mise en place pour un premier usage illicite constaté de stupéfiant. En cas de récidive, le circuit pénal serait conservé.
Il semblerait que nous étions sur la bonne piste.
Tout d’abord, une « mission d’information tendant à évaluer l’impact d’une application de la procédure de l’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiant » a été formée courant août. L’agenda publié comprend 8 auditions les 6 et 7 septembre, avec des représentants plutôt étiquetés Gendarmerie / Police / Sécurité et pénal.
Cette mission, à but purement consultatif, est dirigée par un député LREM, Eric Poulliat, et un député LR, Robin Reda, élu maire à 22 ans en 2014, et vise à recueillir les avis des personnes directement en prise avec l’aspect juridique et pénal de la contravention, hors usagers.
Mais c’est un autre document, relevé par un de nos internautes, qui fait tilt. Une proposition de loi adoptée par le Sénat en 2011 vient d’être redéposée par l’Assemblée Nationale le 6 juillet 2017.
Intitulée « Justice : punir d’une peine d’amende tout premier usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants », elle vient modifier l’article L. 3421-1 du code de la santé publique pour y ajouter une amende de troisième classe (68€, 45€ si payée dans les 3 jours, 180€ si majorée) en cas de première infraction constatée à l’usage de tout stupéfiant.
Pourquoi ce document refait-il surface maintenant ? A l’origine, le texte a été voté par un Sénat majoritairement à gauche, et porté par le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Le rapporteur du texte et président du groupe RDSE était Jacques Mézard, aujourd’hui ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. On notera que Gérard Collomb était également sénateur à l’époque. Le texte ne doit pas lui être totalement inconnu. Pour ne pas passer pour laxiste, le gouvernement de l’époque avait abandonné la proposition après le vote du Sénat.
Interrogé par nos soins, Benjamin Jeanroy du think tank ECHO, qui a récemment publié une note sur la contraventionnalisation, nous donne une potentielle explication : « C’est une façon d’aller plus vite pour le gouvernement. Le texte pourra être modifié en commission des lois, puis présenté devant l’Assemblée Nationale et le Sénat en procédure accélérée, pour finir en commission mixte paritaire et être voté ».
Dans l’état, le texte punirait donc le premier usage illicite constaté de n’importe quel stupéfiant d’une amende de troisième catégorie. Nous pensons cependant que le texte sera modifié avant de repasser devant l’Assemblée Nationale, probablement pour limiter le cas au cannabis, ou pour rétrograder la contravention à une amende de 5è classe, comme préconisé par le Rapport de la commission d’enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites en 2003.
Dans tous les cas, la problématique de la contraventionnalisation reste la même :
- elle modifie pour la première fois le texte de 1970 qui prohibe les stupéfiants en France, un petit pas certes important
- elle ne réforme pas en profondeur la politique publique actuelle du cannabis. Par exemple, l’usage médical du cannabis ne sera pas davantage autorisé, et une deuxième infraction sera toujours traitée au pénal. Appliquée comme cela, la contraventionnalisation obligerait également de créer un fichier des consommateurs de cannabis, pour différencier premier usage et usages répétés.
Affaire à suivre donc.
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