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Combien pourrait rapporter le cannabis médical à la France ?
Il est des questions qui passent généralement après le reste. La légalisation du cannabis médical est un sujet qui tient le plus souvent aux besoins des patients et qui ne s’arrête pas seulement à la sécurité publique ou à des possibilités de financement.
Si la France décidait de généraliser le cannabis médical, elle aurait alors le choix de s’en tenir à des importations, généralement complexes et coûteuses, ou de favoriser l’émergence d’une filière nationale qui, en plus d’engager la souveraineté de l’Etat, permettrait l’accès à des matières à usage et de qualité médicales à bien meilleur coût que sur les marchés internationaux.
Se pose alors une question importante : combien pourrait rapporter le cannabis médical à la France ?
Les références en la matière manquent. Une méthode pourrait être de partir du nombre de patients, de leurs besoins moyens par mois, d’en déduire le nombre de sites de culture, d’analyse et de transformation nécessaires à la production de ce cannabis à usage médical et de calculer, selon un prix moyen, le chiffre d’affaires généré par le secteur. Une tannée et Newsweed n’a pas le temps et les moyens d’un institut de sondage français.
Proche de nous, en Allemagne, sont connus le nombre d’ordonnances délivrées pour du cannabis, environ 400 000, sans dimension de nombre de patients. Les estimations vont de 100 à 150 000. Sont connues aussi les quantités importées par le pays, 20,6 tonnes, en plus de 2,6 tonnes produites localement. Une partie des importations est toutefois réexpédiée dans d’autres pays, ne rendant ainsi pas compte des quantités réellement consommées. Les montants versés par l’assurance maladie sont connus, environ 200 millions d’euros pour l’année 2023, mais sans lien direct avec le chiffre d’affaires de l’industrie allemande du cannabis, encore toute petite et très majoritairement importatrice, donc sans création de valeur autre qu’une marge distributeur sur le sol fédéral.
Le statut médical du cannabis étant très différent selon les Etats aux Etats-Unis, il semblerait plus opportun de regarder vers le Canada. Là aussi les estimations divergent. Une partie des patients médicaux s’approvisionne sur le marché adulte, l’autre fait pousser avec des autorisations de plante à faire pâlir la PQR française : techniquement sans limite, et dans les faits, jusqu’à quasiment 500 plantes par patient dans certaines provinces anglophones. Les enquêtes déclaratives tournent autour de 75$CA dépensés par mois par un patient canadien, mais les quantités annoncés par Statistique Canada sont de l’ordre de 2 grammes de cannabis par jour pour un patient, soit environ 300$CA par mois. Bien que l’office statistique canadien rende bien compte des ventes et de l’impact du cannabis dans le pays, la vue est limitée.
Mais, puisqu’il y a un mais, un rapport de 2022 de Deloitte pourrait nous éclairer. Au global, l’industrie canadienne a vendu en 2021 2,7 milliards d’euro de cannabis, ventes non-médicales incluses. A cette date-là, le marché médical représentait grosso modo 10% du marché total, soit 270 millions d’euros pour 200 000 patients.
La contribution à l’économie du secteur du cannabis est encore plus grande. Alors que les ventes depuis 2018 de cannabis sont estimées par Deloitte à 7,6 milliards d’euros, la contribution du secteur, en prenant en compte l’activité économique directe, indirecte et induite s’élève là-bas à 30,3 milliards d’euros et 151 000 emplois. Soit, si on garde la proportion précédente de 10%, de 3 milliards d’euros et 15 000 emplois pour la seule industrie médicale du cannabis en 4 ans.
Alors évidemment, ce ne sont que des produits en croix sur un bout de table. Mais puisque les arguments de raison n’ont pas su faire mouche, quid de l’intérêt financier ?