Cannabis en France

Le CHU de la Timone à Marseille va expérimenter du cannabis synthétique sur les malades parkinsoniens

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Le centre d’excellence Dhune du CHU de la Timone à Marseille veut expérimenter le cannabis synthétique sur les malades parkinsoniens. Le centre hospitalier a été un des premiers en France à obtenir l’autorisation d’expérimenter les effets de cannabinoïdes synthétiques, notamment pour reproduire les effets du cannabis sur la vigilance, la cognition et la conduite. Nous nous sommes entretenus avec le Professeur Olivier Blin, directeur du centre de Pharmacologie clinique et d’évaluations thérapeutiques pour avoir plus de détails sur cette nouvelle étude.

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Une étude pour l’instant embryonnaire

Le projet ne fait pas directement suite à la décision de l’ANSM de lancer une expérimentation sur le cannabis médical mais s’inscrit effectivement dans le contexte d’un intérêt croissant, en France et à l’international, envers les vertus thérapeutiques potentielles du cannabis. Les patients étant de plus en plus enclins à s’auto-administrer du cannabis sans contrôle, sans suivi et avec des produits de composition inconnue, il est de l’avis du Professeur que la recherche doit prendre le pas pour assurer aux patients une option de traitement sûre et vérifiée.

L’étude est financée en partie par l’association France Parkinson et en partie par le neuropôle Dhune. Elle sera menée par Jean-Philippe Azoulay du service de neurologie et de pathologie du mouvement, Alexandre Eusebio et Christelle Baunez du CNRS et de l’institut de neurosciences de La Timone, et le service de pharmacologie du Pr Olivier Blin.

L’étude n’en est pour l’instant qu’à sa phase expérimentale : le service de pharmacologie clinique du Professeur tente de déterminer la composition optimale des produits à administrer chez les malades parkinsoniens pour pouvoir ensuite déposer une demande d’autorisation d’essai clinique sur des patients auprès du Comité de Protection des Personnes et de l’ANSM.

Le recrutement n’a donc pas commencé mais les chercheurs espèrent pouvoir lancer l’étude avant fin 2019. En général, le comité de protection des personnes demande à ce que les volontaires aient déjà au préalable consommé du cannabis de manière spontanée. Les chercheurs prévoient de recruter une trentaine de personnes pour leur administrer des cannabinoïdes (THC et CBD) de synthèse.

Pourquoi des cannabinoïdes synthétiques ?

Outre le souci de précision, c’est un souci d’approvisionnement que le professeur met en avant : « l’idée est d’assurer l’approvisionnement, d’être sûr qu’à tout moment on puisse avoir plusieurs fournisseurs qui, en Europe, soient capable de produire les quantités nécessaires si jamais cela devait devenir un médicament ». Les cannabinoïdes de synthèse, dont la formule ne diffère pas des cannabinoïdes naturels précise le Professeur, peuvent en effet être produits en laboratoire sans avoir à passer par les étapes de culture, de récolte, d’extraction et de transformation.

Comprendre de manière précise l’interaction du cannabis et de Parkinson

La maladie de Parkinson correspond à une dégénérescence des neurones dopaminergiques qui entraîne un déficit de dopamine causant à son tour perte de plasticité et de motivation. On sait d’ores et déjà que le système encannabinoïde et ses récepteurs interagissent avec le système dopaminergique. Un traitement à base de cannabinoïdes pourrait donc potentiellement endiguer la dégénérescence de ces neurones ou du moins soulager certains symptômes.

Certains témoignages suggèrent que c’est le cas. Le cannabis s’est aussi montré efficace pour lutter contre la perte de plasticité dans la sclérose en plaque. Cependant, pour le professeur, il s’agit d’étudier l’action précise des cannabinoïdes sur les malades parkinsoniens, ce qui n’a vraisemblablement jamais été fait dans des conditions rigoureuses : « Il faut sécuriser les patients et être capable de leur donner des éléments concrets, mesurés, objectifs, contrôlés pour déterminer si oui ou non cela a un intérêt » explique-t-il.

Cette étude a donc pour objectif de procéder à une véritable analyse des risques et des bénéfices propres aux symptômes parkinsoniens en déterminant par exemple quels symptômes moteurs et non-moteurs sont ceux qui ont une réelle possibilité d’amélioration avec du cannabis. Il s’agit pour cela de mesurer précisément les concentrations de cannabis dans le sang de manière à faire un lien entre le produit et les effets. L’étude devrait également permettre de définir si un rapport de concentration générique suffit ou s’il faut procéder au cas-par-cas.

La science contre la superstition

Ce genre d’essais cliniques a pour vocation de mitiger les craintes qui entourent l’utilisation du cannabis en médecine et de répondre de manière clairvoyante aux espoirs et aux inquiétudes des patients et des professionnels de santé. Il s’agit de « rassurer l’ensemble des interlocuteurs en mettant en évidence de manière irréfutable les propriétés et encore une fois le rapport bénéfices / risques » précise le Pr Blin.

« C’est bien que la France soit moteur sur ce type d’études, que au-delà de la crainte parfois de la société ou de certaines personnes dans la société sur les dérivés du cannabis ou de manière plus générale sur les molécules ayant une action psychotrope, on soit capable de répondre aux questions des patients, des agences du gouvernement et des académiques mais avant tout de savoir ce que l’on peut faire pour les patients ce qui, à mon sens, est le plus important » ajoute-t-il.

En 2016, un essai clinique d’un inhibiteur de synthèse de l’enzyme FAAH, censé renforcer l’action du système endocannabinoïde, avait causé 1 mort et plusieurs blessés. Un autre inhibiteur synthétique utilisé contre l’obésité avait été mis sur le marché par Sanofi en 2008, puis retiré au bout d’un an.

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