Le CBD considéré dans certains cas comme « novel food » par l’Union Européenne
Les nouvelles régulations européennes sur les innovations alimentaires sont entrées en vigueur le 1er janvier et vont changer la donne pour le commerce du CBD en Europe. En effet, le cannabidiol a été officiellement classé, dans une certaine mesure, comme « novel food ». La sûreté des produits contenant du CBD doit ainsi être vérifiée avant leur commercialisation et doivent obtenir une autorisation de mise sur le marché européen.
Entre innovation et tradition
Une « novel food » (innovation alimentaire) est définie comme une forme de nourriture qui n’a pas été consommée à un degré significatif en Europe avant 1997. Cela inclut les aliments ou additifs récemment découverts mais aussi les aliments produits d’une façon nouvelle à l’aide de technologies récentes. Les nouvelles méthodes de production peuvent en effet occasionner le transfert de composants additionnels non vérifiés et potentiellement dangereux pour le consommateur. Concernant le cannabis, l’extraction par solvant et l’extraction par CO² sont considérées comme des innovations et les produits qui contiennent du CBD extrait de cette manière tombent sous le coup de ces régulations. Ce n’est pas le cas en revanche des techniques d’extraction par pression qui sont, elles, considérées comme traditionnelles. Innovation, tradition où se situe alors la limite pour le CBD ?
Consultée par la Commission européenne pour la préparation des nouvelles régulations, l’Association Européenne de Chanvre Industriel (EIHA) a rappelé que le chanvre a été traditionnellement utilisé dans l’alimentation et l’industrie en Europe. Or, celui-ci contient du CBD en faible quantité. Elle a donc suggéré que le CBD présent naturellement dans la plante de chanvre ne soit pas considéré comme « nouveau ». Sur la base de cette recommandation, la Commission européenne définit comme innovation alimentaire uniquement les extraits de cannabis contenant du CBD en quantité supérieure à celle trouvée naturellement dans la plante. L’EIHA précise que les variétés de chanvre enregistrées dans le catalogue européen comprennent entre 1% et 5% de CBD. Ce pourcentage sert de ligne directrice pour les opérateurs privés. Il leur est recommandé de ne pas commercialiser sans autorisation des produits contenant plus de 5% de CBD.
Ces nouvelles régulations peuvent porter à confusion. Ce qu’il faut retenir c’est que les graines, la farine, les protéines de chanvre ainsi que les huiles de chanvre produites par méthode de presse et sans additifs – sous couvert que les variétés sources soient listées dans le catalogue européen et contiennent moins de 0,2% de THC – sont considérées comme traditionnelles. Ce sont donc uniquement les isolats de CBD et les huiles qui en contiennent qui sont considérés comme des innovations.
Ces régulations ne concernent pas les produits médicinaux. Il est aussi rappelé qu’il est interdit d’octroyer aux « novel food » des vertus thérapeutiques hypothétiques. Ces informations ont été transmises aux autorités sanitaires des État-membres de l’Union et, bien que les régulations ne soient pas contraignantes, les Etats sont invités à s’y conformer.
Les pays qui appliquent déjà ces régulations
Certains Etats se sont déjà alignés sur les nouvelles régulations européennes. Les autorités sanitaires irlandaises (Food Safety Authorities) par exemple ont avertit les opérateurs privés du nouveau statut légal du CBD. Elles précisent qu’il appartient aux opérateurs de faire vérifier leurs produits et de demander une autorisation européenne de mise sur le marché. Les autorités sanitaires peuvent vérifier à tout moment les produits commercialisés et exiger le cas échéant la présentation de l’autorisation nécessaire.
Les autorités danoises se sont également alignées sur les nouvelles régulations et précisent que sont concernés « le CBD pur et les produits dérivés de chanvre hautement concentrés en CBD ou autres cannabinoïdes ». Si la Danish Medicines Agency considère qu’un produit commercialisé correspond à cette définition et qu’il n’est pas un produit médicinal, alors elle est en droit d’exiger qu’il soit retiré du marché s’il n’a pas obtenu l’autorisation nécessaire.
L’Autriche ne s’est pas embêtée, elle a carrément interdit le CBD dans les produits alimentaires et cosmétiques en anticipation des nouvelles régulations. Dans un communiqué de presse du ministère des Affaires Sociales on peut lire : « afin de contrer la mise sur le marché de produits non autorisés la BMASGK [ndlr: les autorités sanitaires autrichiennes] a déclaré que le commerce de ces produits était définitivement interdit ».
En Espagne, les produits CBD ont également été interdits en tant que compléments alimentaires mais l’exécution de cette directive est assez hasardeuse. L’Observatoire Espagnol du Cannabis Médical a demandé au gouvernement la régulation définitive du CBD.
Malgré le Brexit, le Royaume-Uni a décidé de transposer la loi européenne sur les innovations alimentaires. La British Food Standards Agency a indiqué qu’elle allait demander à ses employés de retirer les produits de la vente jusqu’à qu’ils obtiennent une autorisation. Un porte parole de la Cannabis Trades Association a ainsi précisé : « Les employés des la BFA ont le droit d’entrer dans vos commerces et d’inspecter les stocks pour déterminer leur statut d’innovation ». C’est un coup dur pour le commerce du CBD britannique déjà significativement développé.
Ce que cela implique pour le marché du CBD européen
Pour l’instant, le marché du CBD européen connaissait un développement chaotique avec une prolifération de produits à l’origine plus ou moins vérifiée. Ces régulations ont pour objectif de réguler le marché tout en protégeant les consommateurs européens. Cependant, la mise en ordre du marché est susceptible de prendre du temps et l’Europe perd un temps précieux vis-à-vis de la concurrence mondiale. L’EIHA a appelé les institutions européennes à adopter une stratégie de compétitivité sur la scène globale du CBD au vue de la concurrence accrue en provenance d’Asie (Chine), du Canada et maintenant des Etats-Unis. D’autant plus que l’OMS a déjà décrété le CBD comme « bien toléré et avec un bon profil de sécurité ».
Les opérateurs privés doivent faire approuver leurs produits par la procédure centralisée et ainsi obtenir une autorisation de mise sur le marché européen. Cela peut prendre jusqu’à 18 mois. Les produits doivent passer des tests scientifiques, dont des tests toxicologiques, pour vérifier leur sûreté. L’autorisation précise ensuite les conditions d’utilisation, la désignation officielle du produit comme aliment, les exigences marketing et la surveillance post-introduction. L’entreprise tchèque Cannabis Pharma a d’ores et déjà postulé pour une telle autorisation pour du trans-cannabidiol.
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