Cannabis en France

Catherine Conconne veut protéger les jeunes du « fléau » du cannabis

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Edito. Catherine Conconne, représentante PS de la Martinique au Sénat, a voté jeudi dernier en faveur de l’instauration de l’amende forfaitaire pour les usagers de stupéfiants. Comme elle l’a déclaré après le vote, « notre devoir est de taper au porte-monnaie pour faire comprendre que le cannabis n’est pas une substance neutre ».

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Dans l’argumentaire de Mme Conconne reviennent deux objectifs louables :

  • la protection de la jeunesse, qu’elle entend protéger du « fléau » du cannabis
  • éviter les survenues de schizophrénie qu’elle attribue pour partie au cannabis

Si Mme Conconne voulait réellement protéger la jeunesse, elle devrait pourtant bosser un peu plus son sujet.

La protection de la jeunesse

Mme Conconne entend donc protéger la jeunesse du « fléau » du cannabis en contraventionnalisant les adultes majeurs qui font un usage public (possession ou consommation) de cannabis. C’est bien là où le bât blesse : l’amende forfaitaire n’est est en effet pas prévue pour sanctionner les mineurs, qui sont écartés de fait du dispositif.

Comment entend-elle donc réellement protéger les jeunes ? Mystère et boule de gomme. Mais la rhétorique politicienne fonctionne bien, comme le montrent les minutes de la commission lors de laquelle son intervention s’est soldée par de « vifs applaudissements ».

 

La schizophrénie

Lier l’usage de cannabis à la schizophrénie est également un argument qui fonctionne. Qui voudrait que son enfant tombe malade après avoir consommé une substance quelconque ? Mais la réalité du sujet est plus complexe.

Au départ, deux visions s’affrontent à ce sujet : le cannabis est-il la cause de la schizophrénie ou un simple déclencheur ?

Après une revue des études les plus poussées sur le sujet, la National Drug Strategy australienne a conclu notamment que (p.32) « la notion que le cannabis est suffisant pour causer la schizophrénie est peu probable. Même des épisodes psychotiques précipitées par de fortes doses de cannabis se résolvent toujours avec l’arrêt, et peu de consommateurs réguliers ou de gros consommateurs sont diagnostiqués avec une schizophrénie. Il est probable que le cannabis interagisse avec divers facteurs de risques, des variables génétiques ou personnelles, probablement sur plusieurs années. En combinaison avec des facteurs de risques forts comme une prédisposition génétique, même un usage modeste de cannabis ou d’autres drogues psychoactives peut être suffisant pour déclencher une schizophrénie. Là où les autres risques sont plus faibles, un déclin progressif vers une consommation excessive de cannabis liée au risque connu d’utiliser le cannabis pour pallier à un état d’esprit négatif et une interaction sociale médiocre semblent plus plausible. Il faut rappeler que cela s’applique à d’autres drogues comme l’alcool ou les amphétamines, et en particulier au polyusage. »

L’étude rappelle également que malgré les hausses de taux de THC dans le monde et la hausse de la consommation de cannabis, les taux de prévalence de la schizophrénie n’ont pas augmenté.

D’autres études ont par ailleurs conclu à des propriétés anti-psychotiques du cannabidiol (CBD).

Une personnalité controversée

La 1ère vice-présidente de la Région Martiniquaise et sénatrice Catherine Conconne a été impliquée et mise en examen dans des faits de détournement de fonds publics et abus de biens sociaux. Elle a été condamnée également, par le Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, en mars 2014, à payer 328 324,92€ à la Société « Perrinon Invest » à laquelle elle n’avait pas versé de loyer pour la location des locaux de son magasin de chaussures.

Suite à sa mise en examen, elle avait déposé une lettre de démission dans laquelle elle reconnait avoir bénéficié d’un prêt de la société « Vedettes Maninas », société de transport privée chargée d’une mission de service publique, gérée par son mari et subventionnée par le conseil régional. Cette lettre de démission a été refusée par le président du conseil régional alors que ce n’est aucunement dans ses compétences. Certains n’hésitent pas à dénoncer des pratiques de corruption.

Autre aspect de la personnalité de la sénatrice : sa communication agressive, parfois vulgaire. Sur son Facebook, elle n’hésite pas à traiter d »écervelés » et de « crasses de caniveau » ses adversaires politiques et leurs messages. Elle avait également présenté les grèves syndicales de la CTM comme des complots et qualifié le chef de file de l’opposition, Daniel Marie-Sainte, de « chien habillé en homme » et « d’ingénieur dos d’âne ». Ces pratiques vindicatives ne relèvent pas le niveau du débat.

Si toutes les Conconne du monde pouvaient se donner la main… et sortir des préjugés

Dans son discours au Sénat, Mme Conconne déclare « Une drogue est une drogue » et qu’elle ne cédera pas à la « candeur » et à « l’angélisme ». Une régulation contrôlée n’a rien à voir avec la candeur ou l’angélisme. Certains médicaments, l’alcool et la cigarette sont des drogues. Ils bénéficient pourtant d’un traitement différencié. Ce genre de discours réitère une politique de l’affrontement et une position rétrograde qui se refuse à ouvrir le débat public et à discuter d’alternatives possibles à une prohibition coûteuse et inefficace.

Pourtant, les objectifs de la régulation et de la prohibition ne sont pas antinomiques. La régulation permet de contrôler la qualité du cannabis pour éviter l’ajout de substances toxiques, de mesurer les taux de cannabinoïdes et de contrôler l’accès légal des mineurs au produit. Sur ce point, le discours de Catherine Conconne est articulé autour de la protection de la jeunesse alors même que l’amende forfaitaire ne s’applique pas aux mineurs et sera donc dénuée de tout pouvoir de dissuasion sur cette tranche de la population. Ces contradictions montrent que la réflexion politique n’est pas faite en profondeur sur la question du cannabis en France et que les discussions sont largement influencées par une série de préjugés tenaces.

Aurélien BERNARD et Camille LEZAUN.

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