Le CBD est-il légal en France ?
Le CBD est-il légal en France ? A en croire les journaux généralistes, qui tantôt parlent de cannabis légal pour désigner les fleurs CBD puis retournent leur propos lorsque les boutiques se font fermer, c’est compliqué. Et si la situation du CBD est si peu précise, c’est notamment parce qu’elle recouvre différents types de produits qui ont chacun leur propre régime de fonctionnement. Décryptage complet.
Tl;dr: le cannabidiol / CBD est légal en France.
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Les bases sur le CBD
Le CBD (cannabidiol) est une des molécules présentes dans le cannabis et le chanvre. Le chanvre n’a jamais été interdit en France et se distingue juridiquement du cannabis par un taux de THC inférieur à 0,3%.
L’explosion du CBD en France fait suite à différents événements : à la fois son usage médical aux Etats-Unis dans le cas d’épilepsies infantiles sévères, les nombreuses études médicales qui lui attribuent certains effets bénéfiques in vitro ou sur l’humain, mais aussi la commercialisation de fleurs de chanvre en Suisse à partir de 2016.
Et malgré une législation sur le cannabis en Europe très diverse, il n’existe aucune législation claire en France sur le CBD. D’où les nombreuses interprétations et incompréhensions, à la fois pour les consommateurs et les entrepreneurs du CBD.
Loi française et CBD
La loi française frappe le cannabis d’une interdiction générale, via l’article R. 5132-86 du code de la santé publique, mais permet les exceptions qui autorisent l’usage commercial et industriel de variétés de chanvre (à -0,3% de THC donc) précisément listées dans une liste des variétés de chanvre autorisées en France, via l’arrêté du 22 août 1990.
Par ailleurs, la France tient une liste des stupéfiants dans laquelle elle place les substances régulées, et la plupart du temps interdites sauf à usage médical. Cette liste est régie par l’arrêté du 22 février 1990 et régulièrement mise à jour pour y inclure notamment les drogues synthétiques ou les cannabinoïdes synthétiques récents comme le HHC, le THCP ou le H4CBD.
Ce triptyque juridique ne permet toutefois pas une application claire de la loi. Par exemple, le THC est illégal par sa présence dans la liste des stupéfiants, mais légal selon l’article 5132-86 : « à l’exception du delta 9-tétrahydrocannabinol, de leurs esters, éthers, sels ainsi que des sels des dérivés précités et de produits qui en contiennent. »
Pour le CBD, ce dernier n’est pas inclus dans la liste des stupéfiants, ni restreint par ailleurs. Le CBD est donc légal en France et la vente de fleurs de chanvre est légale depuis 2023 tout comme celle de produits contenant du cannabidiol.
Avant cela, une parenthèse de l’arrêté de 1990 venait jeter un trouble. Elle spécifiait deux parties de la plante utilisables commercialement et industriellement : fibres et graines. Cette parenthèse limite-t-elle la vente de fleurs de chanvre ? Interdit-elle l’extraction de CBD à partir de ces fleurs en France ? Ou n’est-elle là que pour donner des exemples de parties utilisables ? Le flou a été tranché comme précédemment expliqué.
Histoire de cette parenthèse sur le CBD
C’est de cette parenthèse, donc, que naît le trouble. Cette parenthèse est héritée du second point de l’Article 28 la Convention de 1961. Et comme les 278 pages ne sont pas assez complètes pour savoir quoi en faire, l’ONU nous laisse un document de 500 pages avec ses commentaires pour clarifier certains points.
Page 312, en référence à l’article 28 de la Convention, les commentaires stipulent précisément que « la culture de la plante à toute autre fin, et pas seulement aux fins mentionnées au § 2 (c’est-à-dire à des fins industrielles ou horticoles) » est exemptée du régime de contrôle. La Convention ne cherche donc pas à restreindre la culture du chanvre à des fins industrielles spécifiques.
Alors que les autorités ont opté pour une interprétation restreinte de la loi française, les entrepreneurs français ont, eux, misé sur une interprétation ouverte, et ont avec eux la Convention de 1961, ainsi que la loi européenne.
Loi européenne et CBD
Faisons court sur cette partie, la loi européenne n’interdit pas le CBD, et ne restreint pas l’usage de chanvre à une de ses parties. Elle considère ainsi la fleur de chanvre brute comme un produit agricole quelconque. L’arrêt Hammarsten de 2003 pris la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), a également jugé que les risques pour la santé humaine ont suffisamment été pris en compte par les normes européenne relatives au chanvre, interdisant toute norme plus restrictive de la part des Etats.
Par ailleurs, en vertu du principe européen de libre-circulation des marchandises, les États membres ne peuvent interdire la commercialisation sur leur territoire de produits légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres États membres. L’arrêt Kanavape sur la vente de produit CBD a consacré ce principe.
Deux autres types de produits obéissent à des règlements européens différents : les cosmétiques et l’alimentaire.
Les cosmétiques au CBD sont autorisés, sans restriction de son origine depuis 2021. Avant cela, il ne devait provenir que de la feuille de chanvre ou d’un processus de création synthétique, mais pas de la fleur.
Quant au second, le CBD est récemment rentré dans le catalogue Novel Food qui restreint les aliments sans historique significatif de consommation avant 1997. Théoriquement, il faudrait donc obtenir une licence par produit alimentaire infusé au CBD. Dans les faits, les Etats-Membres ne sont pas tenus de suivre le catalogue Novel Food. La France n’a pour l’instant pas pris position.
Pourquoi la MILDECA a eu tort dans son interprétation ?
Suite à l’ouverture de nombreux magasins CBD à l’été 2018, la MILDECA a tenté de faire un point sur la législation du CBD. Elle dresse 3 conditions pour qu’un produit au CBD soit légal :
- issu de variétés de chanvre autorisées
- issu de fibres ou de graines
- pas de THC dans le produit fini
Si l’origine d’un produit français à partir de variétés françaises de chanvre se conçoit, les deux autres points ne reposent sur aucune base légale. D’une part, comme nous venons de voir, les fleurs de chanvre ne peuvent être restreintes par un pays membre de l’Union Européenne, ou tout au plus doit-on accepter les produits étrangers légalement vendus. D’autre part, l’obligation du 0 THC contreviendrait au marché européen du chanvre, ce qu’a interdit la CJUE.
L’interprétation de la MILDECA a donné lieu à de nombreuses perquisitions et à l’arrestation de plusieurs dizaines de commerçants qui vendaient du CBD sous différentes formes, dont de la fleur. Elle a pourtant été largement mise à mal par plusieurs jugements de magasins qui la jugent inconventionnelle, et qui ont relaxé les magasins CBD incriminés.
Régulation is coming
Le CBD est donc légal en France et les fleurs de chanvre ont droit de cité Cependant aucune régulation claire n’existe jusqu’à présent. A l’initiative de députés LREM, le gouvernement a tenu en 2020 une mission d’information sur les usages du cannabis qui s’attardait notamment sur la place du CBD en France, pour enfin acter des règles claires. Cette mission devrait permettre la vente de fleurs CBD ainsi que l’extraction du CBD en France, les deux étant autorisés désormais sans que la Mission n’ait eu réellement de rôle dans cette évolution.
Ce que vous avez besoin de savoir
Finalement, la règle générale pour les consommateurs est que la possession et la consommation de produit CBD sont légales, sous toutes leurs formes. En l’absence de tests capables de faire la différence entre du chanvre et du cannabis – les tests existent mais la police française n’en a pas – avoir des fleurs de chanvre sur soi peut prêter à confusion et valoir une amende ou une visite au poste.
Côté entrepreneurs, il est toujours risqué de se lancer dans le business du CBD en France, à la merci de régulations françaises bancales et de poursuites judiciaires acérées. Néanmoins, les arguments légaux pour se défendre existent. Tout comme la libre-circulation des marchandises en Europe 😉