La situation du cannabis à l’Ile Maurice
L’île Maurice, baignée par les eaux de l’océan Indien près de Madagascar, est réputée pour ses plages de sable blanc et ses eaux cristallines. Des milliers de vacanciers et de jeunes mariés qui visitent l’île chaque année sont loin de se douter à quel point les substances illicites, dont le cannabis, sont utilisées. Malgré un contrôle extrêmement strict de la part des autorités, cette plante jouit d’une grande popularité auprès des habitants de l’île. Ces derniers vivent dans un mélange multiculturel de 1,2 million de personnes dont les ancêtres viennent d’Europe,d’Afrique, d’Inde et de Chine.
L’usage de drogues sur l’île n’est pas un phénomène récent. Après l’abolition de l’esclavage en 1834, la colonie britannique d’alors a connu un afflux de travailleurs indiens qui ont apportés du cannabis sur l’île. En même temps, les immigrants de Chine ont apporté de l’opium. Ces substances servent principalement à des fins traditionnelles et ne sont pas considérées comme un problème de santé publique. Au 20è siècle, l’île a gagné en importance en tant que carrefour maritime et aérien de l’Océan Indien. C’est dans les années 70 à 80 que sont apparues l’héroïne et d’autres drogues dures. Le trafic de ces substances vint bousculer la consommation traditionnelle des drogues douces, entraînant la survenue d’inévitables conséquences négatives sur la société mauricienne.
J’ai vu le double visage du cannabis à mon arrivée. J’ai été le seul passager du vol à avoir été choisi pour plus d’une heure d’inspection minutieuse de mes bagages. Ce qui était purement un hasard d’après les agents de la douane, mais mes dreadlocks ont certainement joué un rôle dans leur choix. Alors que deux d’entre eux contrôlaient soigneusement le contenu de mon sac, nous avons commencé à discuter. Ils ont tout de suite abordé avec moi le sujet du cannabis, en soutenant que celui venant d’ Europe est moins bon que celui venant d’Inde. Pays dans lequel ils se rendent régulièrement pour visiter de la famille éloignée et « se détendre ».
Qu’en est-il de Shiva et des Rastafariens?
L’herbe aussi appelé « Gandia » ou en créole mauricien « masse » est un tabou social. Cependant, il ne faut pas oublier que la moitié de la population est de confession hindoue. Dans cette religion, il existe un lien étroit entre l’utilisation du cannabis et la pratique du culte. En Inde, de nombreux rituels et fêtes religieuses incluent ouvertement l’utilisation du cannabis, au contraire d’ici, ou tout est fait en secret.
Cependant, les hindouistes ne sont pas les seuls à associer leur croyance et l’utilisation du cannabis. A l’île Maurice, il y a aussi les rastafariens. J’ai pu remarquer que les seules personnes portant des dreadlocks sont des Afro-mauritiens (peuple d’origine africaine, la plupart des chrétiens). On n’en croise que rarement car la population majoritaire est extrêmement conservatrice. De plus, les dreadlocks sont associées à la consommation de cannabis. Cela a été confirmé par l’un d’entre eux, François (j’ai changé son nom pour garder son anonymat) , que j’ai rencontré sur la plage où lui et sa famille avait campé pendant plusieurs jours durant les vacances. « Je travaille dans les travaux publics, donc je n’ai pas de problème avec mes cheveux, mais c’est vrai que si je voulais trouver un meilleur travail, ça ne marcherait pas. Les patrons ne nous acceptent pas avec ça sur la tête ». Ensuite, il regarda avec admiration mes dreadlocks et fut d’autant plus surpris d’apprendre que je travaille en tant qu’avocat. « Peut-être que notre société deviendra plus tolérante, comme la vôtre », ajoute-t-il. En outre, les seules autres personnes que j’ai vu portant des dreads, travaillaient sur des bateaux comme skeeper ou pêcheur.
Un jeune barman d’origine hindou m’a dit « Je voudrais des cheveux comme vous, ils sont terriblement cool, mais je ne peux pas, à cause de la famille et du travail ». Le nombre de personnes s’intéressant à moi parce que je suis blanc et que je porte des dreadlocks est impressionnant. Après les premiers jours, j’arrête de compter ceux qui m’abordent pour cette raison.
J’ai dû chercher de vrais Rastafariens dans les montagnes au sud-ouest de l’île, du côté de Chamarel – un lieu non officiel de ce mouvement bien connu du gouvernement. Là-bas, j’ai été accueilli par un vieux peintre, Jean-luc, rencontré plus tôt dans la capitale Port Louis. Au cours de nos longs débats dans sa cabane entourée d’un grand jardin d’arbres fruitiers, cet artiste m’a indéniablement convaincu que les dreadlocks n’étaient pas seulement un phénomène de mode mais une manière de vivre. Il a dessiné ma perception du monde, où le respect de la nature, la modestie volontaire et l’amour pour les voisins jouent un rôle extrêmement important. « Tu sais, je me fous de qui vient ici, j’accepterai n’importe qui sans aucune différence, même les tueurs que j’ai rencontré en prison. Les Rastafariens se sentent chez eux partout, même en prison ». Il me raconte ensuite ses nombreuses expériences derrière les barreaux pour des infractions répétées liées au cannabis. Et ce n’est pas le seul.
Le martyre Kaya
La moitié de mes nouvelles connaissances à Maurice a été au moins une fois en prison pour consommation ou possession de cannabis. Bien qu’il y ait des substances dangereuses sur l’île, comme l’héroïne ou diverses nouvelles substances synthétiques, l’obsession des forces de l’ordre pour le cannabis est impressionnante. Une fois, alors que je faisais de l’auto stop, j’ai été pris par un monsieur qui s’avère travailler pour un service anti-drogue local. Ce dernier m’a confié ne pas comprendre l’acharnement contre le cannabis car pour lui cela ne représente aucunes menaces sérieuses. Des hélicoptères survolent quotidiennement les zones inaccessibles de l’ile et les champs de cannes dans le but de repérer des plantations clandestines.
La situation n’a pas beaucoup changé par rapport à 1999, année où 2000 personnes ont été officiellement détenues en prison, dont 75% d’entre eux pour des délits liés au cannabis. A cette occasion, un concert pour soutenir la décriminalisation a été organisé, mettant en vedette le musicien local Joseph Reginald Topize, connu sous le nom de Kaya. C’est le fondateur du « seggae », un mélange de style reggae et de séga, musique traditionnelle mauricienne. Bien que le concert se soit déroulé sans incidents notables, deux jours plus tard, 5 personnes ont été arrêtées pour avoir fumé ou incité à la consommation de la marijuana, y compris Kaya. Immédiatement, sa famille et ses partisans ont organisés une collecte pour obtenir la somme nécessaire au paiement de la caution. Cependant, il n’a pas été libéré et Kaya a été découvert mort dans sa cellule. La version officielle prétend que les symptômes du sevrage l’ont rendu fou à s’en taper la tête contre les barreaux de sa cellule. Version contestée par le rapport du médecin légiste venu de l’ile voisine française de la Réunion, qui conclut à une mort suspecte résultant probablement de coups et violences. Cet événement a déclenché une avalanche de violences ethniques et de troubles à l’ordre public, lorsque des insurgés Afro mauricien ont attaqué la police et incendié des commissariats. La situation avec les élites hindoues est devenue incontrôlable.
Nous allons prendre l’herbe et en faire un business.
Dans ce pays où religion et politique sont étroitement liées, le pouvoir est aux mains des Hindous. L’idéologie dominante est le profit, et l’île connait un haut degré de népotisme et de corruption. La chasse aux sorcières menée contre le cannabis a pris des proportions énormes et on peut supposer que les drogues dures sont un outil non officiel utilisé par les groupes au pouvoir afin de marginaliser une population pauvre déjà exclue socialement. Comme un membre de la Garde côtière locale me l’a confirmé, ce qu’il découvre dans les navires à l’arrivée n’est qu’une fraction du trafic réel et c’est un secret de polichinelle que la plupart des drogues sont importées par les politiciens eux-mêmes durant leurs déplacements aérien grâce à leur immunité diplomatique.
Un avenir plus léger ? Difficile à imaginer.
Les perspectives d’avenir ne semblent pas trop optimistes pour les fans de cannabis. La décriminalisation est prônée depuis de nombreuses années par l’avocat local et ancien ministre de la Justice, Rama Valayden, mais ses efforts n’ont pas porté leurs fruits. Alors que certaines estimations des experts suggèrent qu’une dépénalisation (possession d’une petite quantité pour un usage personnel à l’image des réformes menées dans certains pays et états libéraux d’Europe d’Amérique du Nord), permettrait chaque année au trésor d’économiser 30% des dépenses du service pénitentiaire et du système judiciaire, sans parler du manque à gagner pour la société de compter autant citoyens productifs en détention. Dans le pays, des fantasmes dénués de fondement sur la marijuana persistent chez les autorités officielles. Il n’y a donc pas d’utilisation autorisée par l’Etat à des fins médicales, et la volonté politique de changer est absente ici. Soit les politiciens croient bêtement à l’efficacité de la stricte interdiction, qu’aucune donnée issue de recherche sérieuse ne permet de justifier, ou ils sont partie-prenante du trafic de drogue dure et ne veulent pas en voir réduire la consommation ni réellement travailler à l’amélioration de la santé de la population.
Fumez du cannabis plutôt dans l’île voisine
Selon les statistiques de l’ONU, la marijuana est régulièrement utilisée par 4% de la population, mais mon observation est un chiffre grandement sous-évalué. Un gramme peut couter entre 25 et 40€ (pour le meilleur rapport qualité/prix je recommande Chamarel). Si vous prévoyez de fumer ici, il est bon d’emballer du papier à rouler et du tabac pour le transport. Le papier à rouler est illégal mais vendu à la sauvette. Il coûte ici environ 4 euros, et le tabac à rouler n’est pas disponible à la vente. Amener votre propre tabac à rouler vous sera utile pour justifier la détention de papier à rouler. Ces accessoires sont interdits ici, comme tout autre outil de type bong, pipe etc …, et dont la possession peut vous valoir une amende d’un montant de 240€. La détention de cannabis elle-même peut être sanctionnée, d’un montant dix fois supérieur et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. Les peines pour consommation en flagrant délit, culture ou vente de cannabis sont encore plus élevées.
En conclusion, Maurice est un paradis tropical où vous pouvez fumer, mais cela vous coûtera non seulement une somme d’argent importante, mais aussi une dose notable de stress. Les touristes blancs, considérés comme le principal revenu de l’économie locale, jouissent d’une tolérance considérable de la part des autorités, mais je recommanderais plutôt par avion ou par bateau une visite à l’ile sœur de la Réunion, paradis montagneux tout proche. Dans ce département, région d’outre-mer français, grâce aux avantages de l’UE, vous n’aurez besoin que de votre carte d’identité, et vous ne serez pas harcelés par les autorités locales pour une simple possession ou consommation de zamal, le réputé cannabis local, dans un plaisant art de vivre français tropical.
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