Le cannabis améliore-t-il l’expérience musicale ?
L’association entre la culture du cannabis et la musique est courante. Elle remonte au moins au jazz du début du XXe et s’est prolongée dans le temps pour s’étendre à une variété de genres musicaux grâce à des ambassadeurs comme Bob Dylan, les Beatles, Willie Nelson ou Bob Marley. Une étude a d’ailleurs montré que le cannabis était une constante des festivals de musique peu importe le genre. A en croire le témoignage des consommateurs-auditeurs, le cannabis, en altérant la perception, permettrait de mieux savourer la musique. Mais que dit la science à ce sujet ?
Une association psychologique ?
Avant d’essayer de comprendre la relation entre la consommation de cannabis et la perception de la musique, il faut d’abord comprendre comment chacune impacte l’activité cérébrale. Selon Michael Thaut, professeur de musique et de neurologie à l’université de Toronto, écouter de la musique active l’entièreté du système nerveux : « le cerveau est littéralement en feu quand il écoute de la musique ».
Du côté du cannabis, on sait qu’il modifie la circulation du sang dans le cerveau en sous-alimentant certaines zones et en en dynamisant d’autres. Il augmente en l’occurrence la pression sanguine dans le cortex orbitofrontal qui prend en charge les réponses émotionnelles et le système de récompense, des zones qui sont également stimulées par la musique. Consommer du cannabis et écouter de la musique activent tous deux le circuit du plaisir dans le cerveau en provoquant la libération de dopamine.
L’activité amplifiée du système de récompense peut en l’occurrence conditionner psychologiquement le consommateur à associer la consommation de cannabis à une meilleure expérience musicale. Il s’agirait alors d’une association psychologique en général causée par la pratique simultanée de deux activités ayant le même effet. Après tout, si on fait deux choses agréables en même temps, le résultat n’en est-il pas deux fois plus agréable ? Aussi, l’effet relaxant du cannabis pourrait permettre une meilleure appréciation de la musique.
Ce qui se passe dans le cerveau
Concernant l’effet direct de la consommation de cannabis sur la perception de la musique, c’est plus compliqué, les recherches manquent à ce sujet. Pour répondre à cette question, il faut mesurer directement l’activité cérébrale des personnes qui consomment du cannabis quand elles écoutent de la musique. Cela a été fait en 2002 au moyen d’une électroencéphalographie conduite sur 4 sujets lors d’une séance d’écoute avant et après avoir consommé du cannabis.
Les chercheurs ont trouvé que l’activité cérébrale des sujets ayant consommé du cannabis était altérée dans le lobe pariétal, une zone du cerveau impliquée dans l’attention stratégique. Cela s’est traduit notamment par une émission accrue de fréquences alpha, fréquences qui caractérisent un état de conscience apaisé. Le Docteur Jörg Fachner, professeur de musique, de santé et du cerveau à l’université d’Anglia Ruskin University à Cambridge, interprète ces données comme relevant d’une attention accrue et moins exigeante en énergie mentale. Il serait donc « plus facile d’écouter, de se concentrer et de se détendre ».
La relation entre la musique et la perception du temps
Comme l’explique le professeur Thaut, l’importance que revêt le temps dans la perception acoustique est crucial : « La base du son c’est des vibrations. Les cordes d’un violon, les cordes d’un piano etc. Tout est basé sur le temps, donc le système auditif qui traite la musique doit être extrêmement doué pour déchiffrer le temps. Est-ce que la corde vibre 440 fois par secondes ou 450 fois par secondes ? Cela fait une différence dans le genre de notes qu’on entend ». Pour Fachner, c’est certain « si l’on a une perception du temps différente, on écoutera la musique différemment » mais alors comment est-ce que le cannabis altère notre perception du temps et qu’est ce que cela implique ?
Il a été démontré que la consommation de cannabis donnait une expérience subjective de ralenti, comme si le temps s’allongeait. Une étude vient corroborer cette sensation. Elle montre qu’un intervalle de 15 secondes est étendu à environ 16,7 secondes chez les sujets ayant consommé du cannabis comparé aux sujets sobres. Cette différence dans la perception du temps peut expliquer pourquoi on a généralement l’impression de recevoir plus d’informations musicales sous influence du cannabis. Elle pousserait les consommateurs à croire qu’ils discernent mieux les notes.
Il a également été montré que le cannabis altérait la mémoire à court-terme ce qui à son tour altère le jugement et l’appréciation du moment chez l’individu. C’est ce que pense en tout cas le professeur et psychologue Daniel J Levitin qui écrit : « la perturbation de la mémoire à court terme plonge l’auditeur dans l’instant présent de la musique qui se dévoile ; incapable de garder explicitement en tête ce qui vient d’être joué ou de penser à ce qui va être joué, les gens défoncés tendent à entendre la musique note par note (…) La musique crée ce que beaucoup décrivent comme un phénomène d’arrêt du temps. Ils vivent chaque note, complètement absorbé dans l’instant ».
Une association culturelle ?
Association culturelle, psychologique ou physique, il reste que certains y voient déjà une opportunité commerciale. C’est le cas de Rachelle Gordon par exemple qui a lancé sa start-up Hi-Tune. Elle explique que « chaque joint pré-roulé illustre un artiste différent et vient avec un QR code pour une chanson gratuite de cet artiste à télécharger ». Marqueter la weed et la musique ensemble n’est pas nouveau et c’est même devenu une partie intégrante de la culture reggae et Hip Hop. Il y a quelques mois, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Cypress Hill sortait une édition limitée avec de la weed sélectionnée par ses soins pour mieux écouter l’album.
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