Canada : La légalisation du cannabis respectera-elle les conventions internationales ?
Comme l’a annoncé le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le Canada compte légaliser le cannabis à usage récréatif d’ici le 1er juillet 2018.
Le Canada devrait ainsi devenir le premier pays du G7 à légaliser le cannabis. Cependant, les partis de l’opposition et certains juristes canadiens demandent au gouvernement fédéral d’expliquer comment le pays réussira à concilier légalisation avec respect des traités internationaux qui criminalisent la substance, et que le Canada a signé.
Quelles sont ces conventions internationales?
Même si l’ONU demande une décriminalisation mondiale des drogues, l’organisation internationale a ratifié plusieurs lois contre les stupéfiants. Le Canada fait ainsi partie des signataires des trois traités de l’Organisation des Nations Unies (ONU) concernant la drogue à savoir :
- La Convention Unique sur les stupéfiants (1961) qui sert à limiter la production et le commerce de substances illicites. Cette convention a servi à dresser la liste des drogues classées comme stupéfiants.
- La Convention sur les substances psychotropes (1971) qui visait à limiter la production et le commerce de substances psychotropes synthétiques. Cette convention reconnaît néanmoins l’usage de drogues du point de vue médical.
- La Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988) qui vient renforcer les deux conventions précédentes.
Steven Hoffman, professeur de l’Université de Toronto et spécialiste des questions de santé publique et de droit international explique que lorsque le gouvernement avait annoncé la légalisation, il aurait dû se retirer des conventions de l’ONU à l’égard des stupéfiants.
«Le manque de clarté sur la manière dont le gouvernement fédéral s’acquitte de ses obligations internationales en vertu des traités des Nations Unies sur les drogues est inquiétant étant donné que cela envoie le message aux pays à travers le monde que nos obligations internationales ne sont pas à l’avant-plan dans nos pensées» affirme Steven Hoffman.
Chrystia Freeland, la porte-parole du ministre des Affaires étrangères a quant à elle déclaré que le gouvernement fédéral du Canada étudie une série d’enjeux liés à la légalisation du cannabis notamment vis-à-vis des engagements internationaux.
Adam Austen, secrétaire de presse aux Affaires mondiales du Canada a ajouté : «Nous sommes engagés à travailler avec nos partenaires mondiaux pour mieux promouvoir la santé publique et combattre le trafic illicite de drogues».
Le cas de l’Uruguay
En décembre 2013, le Parlement de l’Uruguay avait adopté définitivement une loi qui régule la production et la vente de cannabis. Cependant, le pays n’a pas respecté les conventions internationales de l’ONU. Selon l’Organe International du Contrôle des Stupéfiants (OICS), l’Uruguay ne respecte pas la convention de 1961, dont elle est également signataire.
Raymons Yans, ancien président de l’OICS avait déclaré : « La décision du législateur uruguayen ne prend pas en compte ses impacts négatifs sur la santé. En particulier, l’usage et l’abus de cannabis par de jeunes individus pour avoir une influence sérieuse sur leur développement. »
Ainsi, l’OICS a envoyé des missions de contrôle pour vérifier si la légalisation ne posait pas de problème de santé publique en Uruguay. En mai 2015, un comité scientifique qui analyse l’application de la régulation dans le cadre de la Junta Nacional de Drogas (JND) avait été installé.
Le président de la JND, Juan Andrés Roballo et son secrétaire Milton Romani ont affirmé que « le réel mal dont souffrait l’Amérique latine ne relevait pas tant de la consommation mais bien du commerce illégal de drogues et des violences qui en découlent ».
Cette mesure a fait débat dans les relations internationales sur la question d’une régulation du cannabis. Même si l’Uruguay n’a pas respecté les conventions internationales, le pays a des raisons suffisantes pour réguler le cannabis, à savoir la lutte contre le narcotrafic. Le Canada a deux solutions : faire de même, légaliser le cannabis en veillant à ce qu’il soit bien régulé, et prouver que la consommation de cannabis (et non l’abus) n’a pas d’impact profond et significatif sur la santé. Ou alors se retirer, avant de légaliser, des conventions internationales qu’elle a signées entre les années 1960 et 1980.
Mehdi Bautier
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