Cannabis en Amérique Latine

Brésil : les autorités sanitaires veulent réguler la production de cannabis médical

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Le conseil de direction de l’Agence nationale de surveillance sanitaire (ANVISA), l’ANSM brésilienne, a récemment approuvé à l’unanimité le lancement d’une consultation publique sur la mise à disposition du cannabis à des fins scientifiques et médicales. Inquiète de la « judiciarisation croissante » de l’accès au cannabis médical, l’agence a soumis deux propositions de régulation de la production de cannabis médical.

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Réguler un usage déjà existant

Depuis le passage de la loi 11-343 en 2006, l’agence a le pouvoir d’autoriser la culture de cannabis « à des fins médicales ou scientifiques, sur un site et une période précis et sous la supervision du gouvernement ». Jusqu’ici, l’Anvisa n’en a rien fait. En revanche, en 2015, face à la pression de la société civile, l’agence a autorisé les importations de cannabis médical. Plus tard, elle a approuvé le Mevatyl, le premier et unique médicament à base de cannabis bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché dans le pays.

Depuis 2015, les importations ont triplé. Ceci-dit, les prix et les exigences de procédure restent prohibitifs pour beaucoup de patients. Certains continuent d’avoir recours au marché noir mais de plus en plus font appel à la justice pour avoir accès à la plante. En effet, ces derniers temps, on observe au Brésil une multiplication des recours en justice de patients cherchant à obtenir le droit à l’auto-culture en vertu du droit constitutionnel aux soins et à la vie.

Face à cette judiciarisation croissante, les autorités sanitaires ont décidé de réagir et de réguler la production domestique de cannabis médical. Les deux propositions soumises à la consultation publique concernent la réglementation des exigences techniques et administratives relatives à la culture du cannabis et la définition « des procédures spécifiques d’enregistrement et de surveillance des médicaments à base de cannabis ou de leurs dérivés et analogues synthétiques ».

« En adoptant ces deux réglementations, la population aura accès à un médicament plus sûr, de meilleure qualité et à un prix inférieur à celui d’aujourd’hui, » explique William Dib, le directeur général de l’Anvisa. La consultation publique durera deux mois. Une tentative de légalisation du cannabis médical avait déjà eu lieu au niveau du Sénat mais n’a plus connu aucune avancée depuis novembre dernier. Selon William Dib, cette fois-ci la production de cannabis à des fins de recherche pourrait être approuvée dans l’année.

Les régulations

Dans ses propositions, Anvisa a prévu des régulations extrêmement strictes en termes de sécurité :

  • Vérification préalable des antécédents criminels du demandeur. La police fédérale donnera son avis.
  • Production en système fermé accessible uniquement à l’aide de systèmes de contrôle d’accès en double port  à fermeture automatique par emboîtement et de verrouillages électroniques avec des « portes de sécurité à reconnaissance biométrique ».
  • Les murs doivent être construits en matériau résistant et les fenêtres scellées avec du double vitrage.
  • Présence d’un système d’alarme de sécurité et de vidéosurveillance 24/24 ainsi que d’un groupe électrogène indépendant.
  • L’emballage du produit doit comporter un sceau de contrôle numéroté.
  • Le transport sera effectué dans des véhicules spéciaux et par des entreprises spécialisées.

Au niveau de la vente, le cannabis ne pourra être vendu qu’à des instituts de recherche et des fabricants de fournitures pharmaceutiques. La plante ne pourra pas être commercialisée à des particuliers ou des pharmacies. Ne pourront être commercialisés que des médicaments à base de cannabis qui devront au préalable faire l’objet d’essais cliniques en double aveugle. « Le rôle d’Anvisa est de légiférer sur les médicaments. Nous régulons la production de médicaments à base de cannabis », a précisé le directeur de l’agence.

Pas du goût de tous

Selon certaines associations, ces régulations favorisent trop l’industrie pharmaceutique aux dépens des systèmes associatifs et coopératifs. « Il y a deux problèmes très clairs », affirme Margarete Brito, présidente de l’association de patients Apepi. « Le premier concerne l’urgence. Les patients ont besoin de médicaments le plus tôt possible et la procédure de l’Anvisa, dans son état actuel, peut durer de trois à cinq ans. Le deuxième problème est dans le prix. Si l’industrie pharmaceutique continue de dominer la vente, comme envisagé dans la résolution, les coûts resteront élevés, car les exigences de production sont coûteuses ».
En réaction, les sept principales associations de patients brésiliennes ont publié une brochure proposant d’autres régulations. Elles préconisent entre autres « de garantir la diversité des moyens de production du cannabis à usage thérapeutique, tels que la culture domestique, commerciale et associative ». Les exigences de sécurité prévues par l’Anvisa excluent effectivement les petits producteurs et les start-up qui n’ont pas les moyens de mettre en place un tel dispositif. Les associations demandent également « l’accès à toutes les formes de présentation du produit, de la plante in natura aux nouvelles technologies d’administration des médicaments ». 
Outre ceux qui critiquent la teneur des régulations, il y a ceux qui critiquent la régulation elle-même accusant l’Anvisa de vouloir libéraliser les drogues dans le pays. C’est le cas du Conseil fédéral de médecine (CFM) et de l’Association brésilienne de psychiatrie (ABP) qui ont publié un avis commun demandant l’annulation de l’audience organisée par l’Anvisa. Des possibilités de friction avec le gouvernement ultra-conservateur de Jair Bolsonaro sont également à prévoir. 
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