Cannabis en Amérique Latine
Belize : La légalisation du cannabis freinée par l’Église et l’industrie du chanvre
C’est l’alliance de la carpe et du lapin. Au Belize le projet de loi souhaitant légaliser le cannabis est en mauvaise posture. D’un côté, parce qu’il a du mal à passer au Sénat. De l’autre, car il est contesté par une partie la société civile, notamment… l’Église chrétienne et l’industrie du chanvre.
Dans ce petit pays d’Amérique central bordé par les Caraïbes, le cannabis est dépénalisé depuis 2017. Mais le gouvernement veut aller plus loin et légaliser totalement, en autorisant la vente dans les magasins. « Dans dix ans, nous nous souviendrons de ce moment avec clarté, et nous applaudirons notre courage, notre honnêteté, et nous oublierons cette tâche dogmatique, sectaire, incarnée par la précédente loi », ose le ministre Kareem Musa.
Le Conseil des Églises – représentant catholiques, protestants et religion traditionnelle maya – s’y oppose pour des raisons conservatrices. Pour cette organisation, ainsi que pour l’Association des églises évangéliques, la légalisation du cannabis amènera plus de consommation. Un raisonnement contredit par les statistiques d’autres pays ayant sauté le pas, comme le Canada.
Qu’une frange conservatrice de l’Église soit opposée à la légalisation, rien de surprenant. On l’a déjà vu aux Etats-Unis, avec les Mormons. Mais que l’industrie du chanvre lui emboîte le pas, c’est plus étonnant. Les chanvriers se sont lancés en 2018, après la mise en place d’un cadre légal. Aujourd’hui, ils semblent avoir du mal à obtenir toutes les licences. Et n’ont pas envie que le gouvernement ait la tête ailleurs.
Le Mexique pourrait inspirer le Belize
« Notre principal problème est d’attendre que le gouvernement nous dise de continuer. Nous ne voulons pas qu’il change de braquet après qu’on ait réuni tous nos financements ! », craint Giovanni Alamilla, le patron d’une coopérative de chanvre, joint par Cannabis Wire. Il se plaint notamment du délai d’obtention de sa licence, qu’il vient tout juste d’obtenir.
La bataille va également se jouer sur le terrain politique. Le gouvernement n’a eu aucun mal à faire passer son projet de loi légalisant le cannabis à la Chambre des Représentants. Le Parti du Peuple Uni (PPU, centre-gauche) y possède 25 des 30 sièges disponibles.
Au Sénat, ce sera un peu plus compliqué. Là, le gouvernement n’a pas la majorité, mais seulement 6 parlementaires sur 13. Le Parti Démocrate Uni (centre-droit) possède 3 sièges, et a déjà exprimé ses réserves sur la légalisation du cannabis. Les quatre autres places au Sénat sont réservés à des organisations de la société civile… dont un à l’Église.
Un événement extérieur pourrait faire avancer la cause du cannabis bélizien : le voisin. En effet, le Mexique est peut-être le problème et la solution. Les cartels de drogue béliziens importent du Mexique l’essentiel du cannabis. Mais le Mexique est aussi en train de légaliser le cannabis. S’il réussit, le Bélize pourrait bien s’en inspirer.