L’Autriche interdit le CBD dans les produits alimentaires et cosmétiques
Comme ailleurs en Europe, l’industrie du CBD autrichienne s’est développée sur un flou juridique. Son commerce n’est pas officiellement autorisé ni régulé mais pas non plus illégal. Cette situation alerte de plus en plus les autorités sanitaires des pays concernés. En Autriche, le commerce du CBD a fleuri sans se voir opposer de contraintes légales autres que la limite des 0,3% de THC dans le produit fini. Tout du moins jusqu’à début décembre, date à laquelle le ministère fédéral du Travail, des Affaires sociales et de la Santé a sommé toutes les entreprises qui commercialisent des produits CBD en tant que compléments alimentaires ou produits cosmétiques d’arrêter les ventes.
Une interprétation juridique
« Afin de contrecarrer la mise sur le marché non-autorisée de ces produits, le BMASGK a rendu au début de la semaine une décision selon laquelle le commerce de ces aliments et cosmétiques n’est absolument pas autorisé » peut-on lire dans le communiqué du 12 décembre. Pour justifier cette interdiction, le ministère s’appuie sur les régulations européennes en matière de « nouveaux aliments ». Le cannabidiol est explicitement inclus dans la liste des nouveaux aliments ce qui signifie que les membres de l’Union ont le pouvoir de limiter sa commercialisation et sa vente au travers de la législation nationale.
Alors que les défenseurs du CBD ont souvent cherché dans le droit européen un appui pour la commercialisation des produits CBD – comme c’est le cas en France où le débat porte autour de la limite des 0,2% – l’Autriche y a trouvé un moyen de s’opposer au développement de cette industrie. Cependant, le statut du CBD comme « nouvel aliment » ne s’applique qu’à son utilisation en tant qu’ingrédient, donc dans les produits alimentaires et cosmétiques dans des dosages qui ne représenteraient pas celui de la plante d’origine. La loi autrichienne en matière de cannabis ne sanctionnant que son aspect psychotrope, le CBD est en théorie légal et cette récente interdiction ne concerne pas les fleurs de CBD ou les huiles de CBD en aromathérapie.
Un coup dur pour les commerçants autrichiens
Cette nouvelle a surpris par son aspect inattendu. Sofie Sagmeister, PDG de Magu-CBD, explique à Marijuana Business Daily : “Nous avons toute une marchandise et du matériel d’emballage qui sont devenus obsolètes en une nuit, nous coûtant 40 000 euros de perte ». Les industriels qui vendaient des produits CBD alimentaires et cosmétiques ont du écouler ou détruire leurs stocks. Aida, une chaîne de café et de pâtisserie populaire basée à Vienne, a d’ailleurs annoncé sur les réseaux sociaux qu’elle écoulerait gratuitement le reste de ses stocks plutôt que de les détruire. Elle a aussi annoncé qu’elle comptait protester contre cette mesure en vendant des brownies à la nicotine, une façon de souligner l’absurdité de cette interdiction.
Toutefois, certains industriels comme Sofie Sagmeister, reconnaissent la nécessité de réguler le marché du CBD : “Bien sûr que nous voyons la nécessité de réguler le CBD, particulièrement en ce qui concerne la jeunesse et la protection des consommateurs tout comme les standards de qualité qui font depuis longtemps défaut ».
Le flou juridique autour du CBD permet en effet à certaines entreprises peu scrupuleuses de faire de la publicité mensongère, une question qui fait débat en ce moment en Espagne à la suite d’une étude de l’Observatoire Espagnol du Cannabis Médical qui montre que certains produits CBD n’en contiennent que des traces. Toutefois, certains y voient simplement une technique de dissuasion: le PDG de l’Association Cannabis Autriche Stefan Wolyniec explique qu’une demande de licence pour être en mesure de vendre un produit considéré comme « aliment nouveau » peut entraîner des coûts allant jusqu’à 500 000 euros.
Une mesure qui suscite l’interrogation
Le parti libéral NEOS a annoncé qu’il s’opposait à cette mesure et qu’il avait l’intention de découvrir les « véritables raisons qui se cachent derrière cette interdiction qui affecte négativement un large nombre d’entreprises du secteur ». L’ORF, le media public estime qu’environ 250 boutiques de CBD fournissent des milliers de consommateurs et génèrent un revenu annuel combiné de 150 millions d’euros. Qui plus est, le programme de cannabis médical autrichien étant pour l’instant limité au Dronabinol et au Sativex, de nombreux patients s’approvisionnent dans ces magasins. Après l’annonce du ministère, Sofie Sagmeister explique que « de nombreux clients sont venus acheter de larges stocks d’huiles de CBD ». Deux de ses huiles « étaient en rupture de stock dès mercredi [19 décembre] » alors qu’elle avait rempli ses stocks pour Noël.
Clients et commerçants s’interrogent sur le sens de cette démarche qui contraint les patients à fumer le CBD ou bien à acheter des huiles vendues sous le label d’aromathérapie (dont la composition peut être douteuse) tout en éloignant des entreprises légitimes qui ne souhaitent pas s’adonner à ce maquillage. Il est vrai que le statut du CBD fait controverse à grande échelle.
Aux Etats-Unis où le chanvre vient d’être légalisé, la FDA a maintenu l’interdiction de sa commercialisation dans les cosmétiques et les produits alimentaires mais cette mesure est temporaire, le temps de préparer des régulations. En Autriche, en revanche, le gouvernement n’a pas annoncé de régulations à venir et semble simplement vouloir empêcher le développement de ce secteur. Pour le toxicologue viennois Rainer Schmid: « Elle [l’interdiction] n’a qu’un seul fond: pratiquer la politique de la drogue sous le couvert de la sécurité alimentaire ».
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