Plante ou médicaments : quel choix pour le cannabis thérapeutique ?
La régulation de l’usage thérapeutique du cannabis entraîne un certain nombre de questions cruciales pour les régulateurs comme pour les patients. L’une d’elles qui revient le plus souvent est : doit-on autoriser l’usage de la plante de cannabis ou seulement des médicaments à base de cannabis ? Les deux options ont des avantages et des inconvénients et ne sont pas exclusives.
De la plante à la molécule
Le cannabis est une plante millénaire dont l’usage remonte à l’Antiquité. Les premiers usages thérapeutiques documentés remontent à la médecine traditionnelle chinoise. Cependant, les canons de la médecine d’aujourd’hui sont bien loin de ceux d’antan et l’illégalité du cannabis n’a pas favorisé la recherche pour la médecine moderne.
Cette dernière travaille le plus souvent avec des médicaments – et non des plantes entières – qui sont produits à partir de molécules. Les laboratoires qui créent ces médicaments isolent les molécules d’intérêt trouvées dans la nature, les recréent par synthèse et les transforment au besoin pour décupler ou modifier leurs effets. L’isolation des molécules permet de tester leur effet spécifique. C’est une pratique à double tranchant car cela annule la synergie des molécules trouvées à l’état naturel dans les plantes, qui peut être bénéfique dans le traitement de certaines maladies, mais cela élimine également le risque d’un effet adverse non prévisible et permet plus de précision.
L’effet d’entourage
Cette synergie des molécules dans le cannabis est appelée l’effet d’entourage. Comme la décrit Dr. Nicco Reggente, un spécialiste en neuroscience cognitives, il s’agit de « la combinaison multiple des différents cannabinoïdes et terpènes qui sont trouvés à l’état naturel dans la plante et qui se complémentent en se rendant chacun plus biocompatibles dans le corps et amènent des effets médicaux plus riches ». Néanmoins, son existence fait toujours débat au sein de la communauté scientifique.
Dans le cas du CBD, certaines études suggèrent en effet que les extraits de plante dits à spectre complet (contenant toutes les molécules actives de la plante) sont plus efficaces que les isolats. Qui plus est, les scientifiques ont identifié un effet dit de « courbe en cloche » qui suggère que la molécule de CBD isolée n’est efficace qu’à un dosage très précis complexe à déterminer. Concernant le THC, il semblerait que la présence de CBD soit en mesure de modérer certains effets secondaires du fait notamment de ses propriétés antipsychotiques.
L’aspect politique
Malgré son usage millénaire, la plante de Cannabis et ses effets sont en partie largement méconnus. Le cannabis est pour l’instant peu utilisé dans la confection de médicaments eu égard aux standards extrêmement rigoureux du circuit classique du médicament qui nécessitent des résultats reproductibles et standardisés ; il faut pour chaque médicament déterminer la posologie adéquate et prévenir les contre-indications possibles via des études scientifiques poussées qui prennent du temps et coûtent de l’argent. Les molécules font l’objet d’études préliminaires en laboratoire, in vitro et in vivo, puis sur un petit échantillon d’humains avant de lancer des études de plus grande ampleur en double aveugle (le standard de la médecine moderne qui sert à adouber un médicament).
Ceci-dit, toutes ces précautions ne sont pas forcément une garantie de sécurité, en témoigne la crise des opioïdes, ces médicaments sur ordonnance qui font 250 morts par semaine aux Etats-Unis et 5 en France. Certains patients ont développé une méfiance envers la pharmacopée conventionnelle et les normes qui la régissent et revendiquent le droit de retourner à des pratiques plus naturelles et à l’usage de la plante.
De manière générale, les gouvernements ont adopté les normes et les standards de la médecine moderne qui représentent pour eux une précaution politique. Les différentes légalisations du cannabis thérapeutique ont d’ailleurs été historiquement le fait des patients mobilisés pour faire respecter leurs droits, soit par référendum, soit par recours devant la Justice. Les conventions internationales permettent toutefois l’autorisation du cannabis médical, avec des conditions comme la création d’une agence responsable du cadre régulatoire. C’est dans ce cadre d’ailleurs que l’ANSM étudie actuellement la mise en place du cannabis thérapeutique en France, vouée à compléter les médicaments à base de cannabinoïdes déjà autorisés mais compliqués (l’Epidiolex nécessite une ATU nominative) ou impossible à obtenir (le Sativex est autorisé mais pas distribué).
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