Arizona : la campagne anti-légalisation financée par Big Pharma
On pourrait se dire que le cannabis est illégal car il est dangereux ou qu’il n’est pas assez étudié. Il semblerait qu’il y ait parfois une face sombre à sa prohibition.
En Arizona, Insys Therapeutics, une entreprise pharmaceutique qui distribue le fentanyl, un opioïde 50 fois plus fort que l’héroïne actuellement sous le feu des projecteurs après plusieurs décès de patients, a récemment donné 500 000$ à la campagne anti-légalisation de l’Etat.
L’Arizona fera en effet partie des 5 Etats à voter en novembre pour une légalisation du cannabis, et permettra à chaque adulte, si la Proposition 205 est votée, de faire pousser jusqu’à 6 pieds par personne et de détenir jusqu’à 28g de cannabis. Le cannabis médical y a été légalisé en 2011.
Pourquoi Insys finance donc la campagne anti-léga ? La raison officielle évoquée par l’entreprise dans une déclaration est que la Proposition 205 « peine à protéger les citoyens de l’Arizona, en particulier les enfants ».
Mais le Washington Post cite une raison beaucoup plus terre-à-terre : Insys a développé un produit appelé Dronabinol, un médicament qui utilise une version synthétique du tetrahydrocannabinol pour soulager les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie.
Insys ne se cache d’ailleurs pas de la concurrence du cannabis naturel et de son inquiétude vis-à-vis des multiples légalisations. Dans une déclaration à la Securities and Exchange Commission, le « gendarme de la Bourse » américain, on peut lire :
« La légalisation du cannabis ou des cannabinoïdes non-synthétiques aux Etats-Unis peut limiter significativement le succès commercial du Drobaninol. Si le cannabis ou les cannabinoïdes non-synthétiques sont légalisés aux Etats-Unis, le marché des produits à base de dronabinol pourrait être significativement réduit et notre capacité à générer des revenus et nos perspectives commerciales seraient sensiblement affectées. »
Insys y explique aussi que le dronabinol est « un des seuls cannabinoïdes approuvés aux Etats-Unis par la FDA » et « donc qu’aux Etats-Unis, les produits au dronabinol n’ont pas à être en compétition avec du cannabis naturel ou des cannabinoïdes non-synthétiques ».
L’entreprise concède volontiers que la littérature scientifique a montré les bienfaits du cannabis sur le dronabinol synthétique et que le soutien à la légalisation du cannabis croît. Dans une section du document relatant les menaces compétitives, Insys note que plusieurs Etats « ont déjà mis en place des lois légalisant le cannabis médicinal et récréatif ».
« Il apparaît qu’ils sont en train d’essayer de tuer un marché non-pharmaceutique pour se remplir les poches » dit J.O Holyoak, membre de la campagne pro-légalisation.
Tom Angell, un de ses homologues, dit que ce don d’Insys à la campagne anti-léga émousse l’argument que la légalisation mettrait la sécurité publique en danger. Plusieurs études ont montré que le cannabis peut être efficace dans le traitement de la douleur, sans risque d’overdoses ou d’effets secondaires causés par les antidouleurs aux opiacés comme le fentanyl. D’autres études ont montré que les décès suite à des overdoses aux opioïdes diminuaient dans les zones qui avaient accès au cannabis médical.
« Il est difficile de comprendre comment des gens qui profitent de la vente de médicament comme le fentanyl peuvent rester droits dans leurs baskets en disant que le cannabis est trop dangereux pour être légalisé » dit Tom Angell.
Le camp anti-léga ne s’est cependant pas excusé d’avoir reçu cette donation et défend plutôt la volonté d’Insys de travailler sur des médicaments à base de cannabinoïdes synthétiques en « suivant les règles de la FDA ».
Ce n’est pas la première fois qu’Insys intervient dans une politique du cannabis. En 2011, l’entreprise avait écrit à la DEA pour exprimer son opposition à l’assouplissement des restrictions sur le THC naturel, citant « les potentiels abus sur le besoin de développer des cultures importantes de cannabis aux Etats-Unis ». En 2014, l’entreprise avait refait de même à propos du CBD.
Rendez-vous en novembre pour voir s’ils ont jeté 500K$ par la fenêtre.
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