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Professionnels prudents, gouvernement gêné : les réactions à l’autorisation du CBD
Ils auraient pu être euphoriques. Ils sont finalement bien plus réservés. Au lendemain de l’arrêt de la Cour de cassation, les acteurs français du CBD se montrent prudents. La plus haute juridiction du pays autorise, certes, la commercialisation de cannabidiol tant qu’il est européen. Mais ce n’est pas une légalisation pour autant.
« Rien de nouveau sous le soleil !, regrette Mao Aoust, le propriétaire des franchises de CBD High Society. Des décisions de justice positives, on en a vu des centaines. Donc au bout d’un moment, ça ne nous fait ni chaud, ni froid. »
Une prudence observée aussi par Ludovic Rachou, le président de l’UIVEC, un syndicat positionné sur les extraits de chanvre (bonbons, huiles…) : « Ce n’est pas un blanc-seing que vient de donner la Cour de cassation. C’est un petit peu plus compliqué que ça. Le seul point intéressant, c’est que la Cour montre bien que la réglementation française est inadaptée à la loi européenne. »
L’autorisation de la fleur, un « camouflet » pour le gouvernement
Beaucoup s’accordent néanmoins sur un point positif : la justice vient de donner un cadre légal à la fleur de CBD. Ce même produit que le gouvernement veut prochainement interdire, comme Newsweed le révélait au mois de mai. Cette nouvelle jurisprudence pourrait contrecarrer les plans de Matignon, qui souhaitait publier le nouvel arrêté dans les tous prochains jours, selon nos informations.
« C’est un camouflet pour le gouvernement !, insiste Aurélien Delecroix, le président du Syndicat professionnel du chanvre. La Cour de cassation entérine la légalité de tous les produits, y compris la fleur. Les autorités judiciaires et européennes disent au gouvernement : ‘Vous ne pouvez pas continuer sur cette voie là’. Donc s’ils le font, c’est qu’ils n’ont rien compris au sujet. »
Désormais, la fleur est donc autorisée… Sauf si la France publie prochainement une loi la bannissant, au motif de santé publique. « Si c’est le cas, je vous annonce que nous formulerons un recours en annulation devant la juridiction administrative, déclare Charles Morel, avocat et président de la nouvelle Union des professionnels du CBD.
Joint par Newsweed, la MILDECA, l’autorité antidrogue placée sous l’autorité du Premier ministre, oppose un silence gêné. Du côté du cabinet de Jean Castex, même son de cloche : on se contente de prendre « acte » de l’arrêt de la Cour de cassation. Les discussions n’iront pas plus loin.
Vendre uniquement du CBD européen va être compliqué
Avant que l’arrêté gouvernemental vienne donner un cadre explicite au CBD en France, les commerçants vont devoir s’adapter. Notamment vendre uniquement du CBD produit légalement dans un pays de l’Union européenne (UE), comme le demande l’arrêt de la Cour de cassation. Cela ne devrait pas être de tout repos.
« Actuellement, pour les fleurs, le haut de gamme vient de Suisse [un État non-membre de l’UE], le milieu de gamme des Etats-Unis. Et le bas de gamme, d’Italie, souffle un commerçant souhaitant rester anonyme. Les Italiens ne sont pas de grands cultivateurs. Il y a deux ou trois bonnes organisations, mais le reste, c’est la misère. »
Même chose pour les extraits de CBD (huiles, bonbons…). Selon nos informations, la plupart proviennent des Etats-Unis ou de Suisse. Seul un petit nombre provient de pays membres de l’UE, comme la Pologne, Roumanie ou République Tchèque. « Désormais, la clarification du gouvernement sera la bienvenue », sourit Ludovic Rachou.