50 ans de ministres de l’Intérieur qui déclarent la guerre à la drogue
Un total de 3.952 lieux de vente de stupéfiants a été recensé en France métropolitaine et en Outremer par le ministère de l’Intérieur, a indiqué dimanche Gérald Darmanin dans une interview au Parisien. En sus, il a annoncé la création d’une nouvelle rubrique sur le site de la police nationale pour permettre aux citoyens de signaler un point de deal.
« Je souhaite que la police et la gendarmerie s’attaquent à chacun d’entre eux. Je communiquerai tous les mois le nombre de points de deal démantelés sur le territoire », a déclaré le ministre de l’Intérieur.
50 ans de guerre à la drogue
La prohibition des stupéfiants en France fêtera ses 50 ans le 31 décembre prochain. 50 années qui nous placent aujourd’hui au rang de 1er consommateurs de cannabis en Europe, avec une consommation annuelle valorisée à plus de 3 milliards € rien que pour le cannabis.
Et si l’on peut suspecter Gérald Darmanin de faire de la communication, mettant sur le même pied islamisme radical et consommation de stupéfiants, voulant à la fois libérer les citoyens du diktat des trafics et, terrible en même temps, les impliquer dans la lutte contre le trafic, il poursuit finalement 50 ans d’intensification de la guerre aux stupéfiants portée par le costume de l’Intérieur.
Le précédent ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait lui aussi déclaré la guerre au trafic de stupéfiants lors d’un déplacement à Marseille de 4 ministres et l’annonce d’un « nouveau plan stup' ». Il en avait également profité pour renommer l’OCRTIS en OFAST, sans doute pour faire oublier que la précédente DEA française était accusée d’être un des principaux importateurs de cannabis en France. Avant cela, c’était l’amende Poulliat qui était inaugurée en grande pompe, après une fausse expérimentation qui n’aura même pas attendue d’être évaluée pour être généralisée, tout en perpétuant une grande tradition raciste française née le 31 décembre 1970.
Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, déclarait le 26 juillet 1971, que pour punir les trafiquants de drogue « il faudra aller jusqu’à la peine de mort si les peines actuelles ne sont pas suffisamment dissuasives. »
« Le ministre veut ainsi que soit renforcée la répression du trafic des stupéfiants dont la sévérité avait déjà été accrue par une loi du 31 décembre 1970. Il reprend ainsi une proposition de M. Gaston Defferre. maire de Marseille – l’un des principaux carrefours de la drogue en France, – qui le 8 juin dernier avait réclamé, lui aussi, la peine de mort. En déclarant que la lutte contre les stupéfiants est une » affaire nationale « , M. Marcellin retrouve l’ expression qu’avait employée récemment le président des Etats-Unis pour qualifier une menace, aux proportions de plus en plus alarmantes » peut-on lire dans un article du Monde du 28 juillet 1971.
Tous ses successeurs iront aussi sur un vocabulaire martial pour envisager la lutte contre les stupéfiants, soit contre les consommateurs soit contre le trafic, exception faite de Bruno Leroux et Mathias Fekl qui ne sont restés respectivement que 4 puis 3 mois en poste. En voici une sélection :
- Michel Poniatowski (1977) : « Il y a un problème en Hollande, a-t-il dit, c’est que les lois ne permettaient pas une action suffisamment pressante sur les drogués. »
- Christian Bonnet (1980) : « En fait, il n’y a pas de drogues douces et de drogues dures. De la drogue douce on glisse fatalement à la drogue dure… « . Christian Bonnet a également dédié 200 fonctionnaires de police à la lutte exclusive contre les stupéfiants 600 autres « avaient été formés à la lutte contre le trafic de drogue, et, enfin, qu’une collaboration suivie avec les polices des pays voisins et lointains portait ses fruits dans le démantèlement des laboratoires et des réseaux »
- Jacques Chirac et Charles Pasqua (1987) : « Le gouvernement Chirac a en effet mené une politique plus stricte en la matière (entre autres sous l’influence de Charles Pasqua, Ministre de l’Intérieur) que les gouvernements socialistes qui l’ont précédé. Albin Chalandon, à l’époque Garde des Sceaux, aurait lui-même annoncé une croisade contre la drogue, qui visait surtout l’usager de drogue. »
- Paul Quiles (1989) : « le ministre a lancé » une véritable guerre à la drogue « , qui devient la » priorité » de son action ministérielle ». Et déjà l’apparat d’une « fermeté » française : « Faut-il légaliser l’usage de drogues pour mieux contrôler leur consommation et leur trafic ? […] A ces questions qui intéressent tout autant les services chargés de la santé publique, le ministre de l’intérieur entend apporter des réponses policières. Il a engagé la police à appliquer sans faille le plan à dominante nettement répressive proposé par le préfet Broussard. » La France n’a qu’une seule attitude face à ce fléau mondial qu’est la drogue : la fermeté « , a confirmé M. Quilès. » Cette fermeté s’appuie sur une loi _ la loi du 31 décembre 1970 _ qui n’a jamais été remise en cause et qui condamne aussi bien l’usage, la revente que le trafic, a poursuivi le ministre. Drogues douces et drogues dures, le même régime répressif s’applique. »
- Philippe Marchand (1991) : « La lutte contre la drogue reste une priorité qui justifie les moyens importants qui lui sont consacrés ainsi que le développement constant de la coopération internationale. L’effort sera maintenu en particulier sur la surveillance de la circulation des capitaux issus du trafic des stupéfiants. »
- Jean-Louis Debré (1997) : Jean-Louis Debré pointait une « attitude laxiste à l’égard de la drogue » et déclarait : « Je me demande si après avoir connu la gauche caviar, nous ne sommes pas en train de voir arriver la gauche pétard. »
- Jean-Pierre Chevènement (2000): « Il conviendra de lutter plus efficacement encore contre le trafic de stupéfiants. »
- Dominique de Villepin (2004) : « C’est pourquoi la lutte contre les stupéfiants constitue une priorité absolue pour la sécurité en France. Face à cette menace nouvelle, nous devons mettre en place des moyens nouveaux. »
- Nicolas Sarkozy (2007, alors président) : « Il faut renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité organisée et notamment le trafic de drogues qui fait des ravages dans un certain nombre de nos quartiers. Il faut renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité organisée et notamment le trafic de drogues qui fait des ravages dans un certain nombre de nos quartiers. L’économie souterraine est une menace pour notre société, elle impose une non-société, dépourvue de droits et de devoirs. Elle aboutit à la ghettoïsation de zones et à la prise en otage de populations entières qui sont les premières victimes des voyous. C’est pourquoi, elle doit être combattue vivement. »
- Michèle Alliot-Marie (2008) : « Michèle Alliot-Marie déclare la guerre aux trafiquants et à l’économie souterraine dans les quartiers. «
- Brice Hortefeux (2010) : « Brice Hortefeux intensifie la lutte contre la drogue »
- Claude Guéant (2011) : « Guéant veut «nettoyer» St-Ouen des deals de drogue »
- Manuel Valls (2012) : « le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a rappelé lundi que la lutte contre le trafic de drogue était une « guerre de tous les instants qui ne peut souffrir aucune faiblesse »
- Bernard Cazeneuve (2015) : « Bernard Cazeneuve intensifie la lutte contre le trafic de drogue à Saint-Ouen »
Manque d’originalité
La guerre à la drogue française est née un 31 décembre 1970, dans un contexte international, scientifique et politique complètement différent. Nixon était au pouvoir aux Etats-Unis et avait lancé la guerre à la drogue notamment pour discréditer la communauté noire. La France, comme tout le monde, avait suivi les Etats-Unis dans cette vision prohibitionniste.
Gérald Darmanin n’a rien inventé mais ne s’est pas non plus renouvelé. Si ses prédécesseurs ont échoué, arrivera-t-il à faire mieux en reprenant les mêmes recettes ?
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